Madagascar: Lutte contre l'impunité - Les immunités pointées du doigt

L'État réaffirme son intransigeance et compte sévir pour renforcer la crédibilité de la politique de lutte contre la corruption. Les statuts à immunité y font obstacle, pourtant, et favorisent l'impunité.

Une lutte sans merci. C'est ce que l'État compte engager contre la corruption. Une intention affirmée de vive voix par Andry Rajoelina, président de la République. Une intention réaffirmée dans la lettre de Politique générale de l'État (PGE), dont le plan de mise en oeuvre sera présenté par Christian Ntsay, Premier ministre, aujourd'hui, devant l'Assemblée nationale.

Un obstacle de taille se dresse, cependant, face à la tolérance zéro martelée dans les discours politiques. Il s'agit des différents statuts à immunité. Ce fait a été déploré pour la énième fois durant la présentation de l'Indice de perception de la corruption 2023 (IPC 2023), mardi. "L'immunité qui favorise l'impunité", figure parmi les causes de la stagnation de la note obtenue par Madagascar depuis près de dix ans.

L'immunité parlementaire ou encore le privilège de juridiction dont jouissent les autorités politiques que sont les chefs d'institution et les membres du gouvernement, rendent quasi-impossible les poursuites judiciaires. Selon la Constitution, ces derniers ne sont responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions que devant la Haute Cour de Justice (HCJ).

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Obtenir la levée de l'immunité parlementaire est un parcours du combattant. Par ailleurs, depuis le début de la IVe République, aucune procédure de mise en accusation devant la HCJ n'a abouti. Il s'agit d'une procédure harassante à engager devant l'Assemblée nationale. Dans la majorité des cas, les considérations politiques et les jeux d'intérêts prennent le pas sur les faits juridiques et l'application de la loi dans les prises de décision.

Les privilèges statutaires dont jouissent certains corps de métiers favorisent également l'impunité. Une autorisation de poursuite signée par le ministre référent est nécessaire avant de pouvoir engager des poursuites judiciaires. Par crainte de frondes corporatistes, difficile, souvent, d'obtenir cette autorisation de poursuite.

Confiance

Dans la PGE, il est souligné que des sanctions sévères et la restitution à l'État des biens mal acquis garantiront la confiance de l'opinion publique en la détermination à lutter contre la corruption et les malversations financières. Surfant sur ce point, Transparency international - Initiative Madagascar (TI-IM), recommande "la réforme des statuts à immunité".

Cette recommandation d'une réforme des immunités, des privilèges de juridiction et de poursuite est fréquemment soulevée depuis 2018. Jean Louis Andriamifidy, directeur général du Bureau indépendant anti-corruption (Bianco), de l'époque, avait suggéré que "pour les faits de corruption et délits assimilés, toute immunité ou tout privilège de juridiction doit être supprimé dès l'enquête préliminaire jusqu'au jugement, afin de mettre fin à l'impunité".

Durant une conférence, en mars 2023, Sahondra Rabenarivo, présidente du Comité pour la sauvegarde de l'intégrité (CSI), a suggéré que des deadlines soient édictés pour contourner la barrière des autorisations de poursuite, de levée d'immunité, ou de mise en accusation devant la HCJ. À l'issue des délais impartis, la machine judiciaire pourra ainsi être enclenchée. La sévérité affirmée dans la PGE rend opportun de rouvrir le débat.

Au-delà des faits de corruption, cette impunité à cause des immunités prévaut aussi pour les cas de délits civils et surtout criminels. Une situation qui installe "une inégalité de tous devant la loi".

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