Maroc: Touche pas à mon Walid !

L'Amicale des entraîneurs fait dans le corporatisme

Depuis novembre 2022, il était devenu, à juste titre, pour ainsi dire, incritiquable. Comment peut-on émettre des doutes envers l'homme qui a remis le football marocain au centre du monde après tous les fiascos essuyés par le passé ? Mais une élimination en huitièmes de finale de la Coupe d'Afrique des nations, et de la manière qu'on sait, ne faisait pas partie, de toute évidence, de ce satisfecit. Est-ce suffisant pour mettre plus bas que terre les dix-huit mois de Walid Regragui à la tête de la sélection marocaine ? Bien évidemment, c'est non ! Mais ce n'est sûrement pas fait pour le mettre à l'abri de toute critique, si constructive soit-elle de surcroît.

La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline. On adhérerait volontiers à cette citation de John Fitzgerald Kennedy, mais dans le cas de Walid Regragui, sélectionneur national de son état, sa responsabilité est bel et bien engagée. Sans pour autant tomber dans l'acharnement, cela va de soi. En tout cas, dans le monde du football, les critiques doivent être de la partie, voire tout aussi appréciées que les dribbles, les buts spectaculaires ou les belles parades des keepers. Aucun entraîneur ne peut prétendre de ce fait à un blanc-seing. Seule la victoire est à même de faire taire les critiques. Seuls les trophées comptent.

Au lieu de considérer les critiques qui visent le coach Walid comme un stimulus pour l'amélioration et la recherche de perfection, l'Amicale des entraîneurs du Maroc (AEM) s'est embourbée dans un corporatisme manifeste choisissant la voie d'une loyauté aveugle et sans réserve à l'égard du sélectionneur national. Peut-être, serait-elle dans le déni total, dirions-nous. Dans un communiqué, rendu public lundi, ladite AEM a exprimé son soutien inconditionnel à Walid Regragui, ce que l'on ne saurait contester, mais mal lui en a pris quand elle a poussé le bouchon si loin, au point de condamner fermement les critiques qui ont fait suite à l'élimination de l'équipe nationale.

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Le document de l'AEM témoigne non seulement d'une incompréhension déconcertante du rôle de la critique dans le développement du football mais révèle également un profond manque de courage pour affronter des vérités éclatantes et tout aussi dérangeantes. La critique n'est assurément pas synonyme de dénigrement, elle constitue plutôt un appel à l'amélioration et à l'innovation. En ignorant les voix discordantes ou en voulant les réduire au silence, l'on risque bien de contribuer à une dangereuse stagnation du football marocain, condamnant ainsi l'équipe du Maroc à reproduire les mêmes erreurs.

Ce tempérament autoritaire étouffe l'innovation et décourage la prise de risques, enfonçant ainsi le football marocain dans un cycle perpétuel de médiocrité et de sous-performance. Il est également perçu comme une insulte à l'intelligence des supporters marocains, à leur passion pour l'équipe nationale et à leurs aspirations légitimes. Tout comme ce silence insolite de Regragui et de la Fédération Royale marocaine de football (FRMF). Alors que le tout le monde cherche désespérément des réponses et des explications, le sélectionneur national et la Fédé se sont murés dans un silence assourdissant. Pas de conférence de presse pour dresser un bilan, pas de prise de responsabilité. Rien de tout ça. Le vide, si ce n'est un petit communiqué pour annoncer le maintien de Walid Regragui, cela a tout l'air d'une fuite en avant.

En tout cas, dans le sport de haut niveau, la complaisance conduit forcément à la régression. Les échecs doivent être confrontés avec humilité et détermination. L'absence de remise en question et de prise de responsabilité n'est pas le signe d'une véritable solidarité, mais plutôt d'un manque de professionnalisme. Le soutien efficace ne consiste pas à fermer les yeux sur les lacunes, mais à les placer sous les projecteurs et à travailler la main dans la main pour les combler, et ce dans l'intérêt du football marocain et de ses supporters si passionnés.

Et puis soyons raisonnables ! Il y a de ces critiques émises à l'encontre du sélectionneur national qui sont solidement fondées et parfaitement légitimes. Elles ne sont pas le fruit d'une seule défaite, comme l'estime l'AEM dans son communiqué, mais plutôt d'une obstination inconcevable de Regragui scotché à un schéma de jeu en manque flagrant d'innovation tactique. Ce qui a non seulement conduit à l'élimination prématurée des Lions de l'Atlas de la CAN 2023 mais a également sapé la confiance et l'enthousiasme des supporters, éléments essentiels pour tout succès durable dans le foot.

L'AEM semble également ignorer que dans le monde du football, aucun intervenant n'est sacré. Aucun n'est intouchable. Même les plus grandes légendes du ballon rond ne sont pas à l'abri des critiques acerbes en cas de contre-performances, surtout quand elles sont si décevantes. Didier Deschamps, célébré en 2018 pour avoir mené la sélection française sur le toit du football mondial, a été sévèrement critiqué après sa prestation médiocre à l'Euro 2020. La nature éphémère des succès et des échecs dans ce sport exige une constante remise en question. La grandeur d'hier ne garantit en rien le succès de demain.

Il faut dire que les critiques, bien que parfois difficiles à encaisser, obligent chaque entraîneur à réfléchir, à ajuster ses stratégies et à travailler sans relâche pour amener son équipe à son meilleur niveau. Didier Deschamps l'a d'ailleurs bien compris. Deux ans seulement après sa chute brutale en huitièmes de finale du Championnat d'Europe de football et après avoir essuyé des critiques vigoureuses, il a réussi à hisser son équipe en finale de la Coupe du monde 2022.

Il serait donc aujourd'hui plus sage de reconnaître les défis auxquels l'équipe nationale est confrontée au lieu de s'amuser à jouer au protecteur zélé. Seuls une remise en question honnête et un engagement sans faille envers l'excellence peuvent véritablement conduire à des progrès significatifs. Dans ce domaine compétitif et exigeant, l'importance de l'humilité transcende toute notion d'ego et c'est de cet esprit que naissent les succès durables sur le terrain.

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