Congo-Kinshasa: Désignation de l'Informateur - La charrue mise avant le bœuf ?

*En date du 7 février 2024, le Président Félix Tshisekedi a désigné M. Augustin Kabuya informateur pour identifier la majorité parlementaire. La précision à s'imposer d'emblée est que l'intéressé n'a pas encore, à la date du lundi 12 février 2024, et ce de façon formelle, la qualité de Député National, malgré l'arrêt de la Cour Constitutionnelle. En effet, c'est seulement aujourd'hui que l'Assemblée nationale procède à la validation des mandats des Députés Nationaux de la législature 2019-2023. La seule qualité à reconnaître alors à M. Augustin Kabuya au 7 février 2024 est celle de Président National intérimaire de l'Udps.

Déjà, après validation des mandats, l'étape suivante est l'adoption du règlement intérieur par les députés nationaux, mais avec pour préalable l'obtention de l'avis de conformité de la Cour Constitutionnelle.

Conséquence prévisible : entre la nomination de l'informateur et l'avis de conformité de la Haute Cour, il faut compter près de trois semaines.

Vient ensuite la Déclaration d'appartenance, seul mécanisme légal par lequel on identifie la Majorité et l'opposition.

A l'article 26 du règlement intérieur en vigueur, l'alinéa 3 est ainsi libellé : « Au début de chaque législature, les partis et regroupements politiques déposent au Bureau provisoire de l'Assemblée nationale une déclaration d'appartenance à la majorité ou à l'opposition politique dûment signée par chacun d'eux ».

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Pas besoin d'un dessin pour l'admettre : au stade actuel, l'Assemblée nationale n'est pas prête pour cet exercice.

Certes, au regard des résultats électoraux publiés par la Céni et confirmés par la Cour constitutionnelle, la majorité dégagée est celle de l'Union sacrée de la nation. Il faut toutefois la formaliser par la Déclaration d'appartenance.

Dès lors qu'on n'y est pas, la nomination d'un informateur est prématurée.

Déjà, sa mission est prévue à l'article 78 de la Constitution dont voici le libellé intégral : « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.

« Si une telle majorité n'existe pas, le Président de la République confie une mission d'information à une personnalité en vue d'identifier une coalition.

« La mission d'information est de trente jours renouvelable une seule fois. Le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier ministre ».

Les alinéas 2 et 3 définissent la mission de l'informateur et sa durée.

Il y a risque de voir l'informateur perdre tout un mois des deux qui lui sont impartis !

Qu'est-ce qui peut alors justifier la précipitation ?

De deux choses l'une : ou le cercle présidentiel commence à douter de la fidélité de ses alliés par rapport aux enjeux internes et externes, ou l'Udps entend marquer son leadership au second et dernier mandat de Félix Tshisekedi, leadership lui ayant fait défaut au cours du premier mandat.

Cependant, en termes de gestion de temps (et d'argent), il n'était pas utile, mais alors pas du tout, de procéder à la nomination officielle.

Augustin Kabuya aurait pu assumer cette charge en deux temps. D'abord en informel (loin des médias) et en formel (près des médias).

En formel veut dire qu'on aurait dû attendre la fin de la procédure (validation des mandats des députés nationaux, obtention de l'avis conforme de la Cour constitutionnelle s'agissant du règlement intérieur, déclaration d'appartenance à la majorité ou à l'opposition et même installation du Bureau définitif de l'Assemblée nationale).

Augustin Kabuya détiendrait alors toutes les cartes pour opérer en conséquence.

Pour l'heure, la nomination prématurée veut dire aussi mise à disposition des frais de fonctionnement et de rémunération pour une mission somme toute prématurée. Frais pris en charge par le Trésor public.

Moralité : mettre la charrue avant le boeuf comme on vient de le faire n'est pas la bonne manière d'aider le Chef de l'Etat à éviter les erreurs du passé, à rassurer l'opinion quant à son invite à consolider les acquis...

C'est plutôt susciter et entretenir le doute sur les initiatives à venir pour un acte qui n'a, à proprement parler, rien de prioritaire...

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