Afrique: Sory Lassina Ouattara, consultant sportif - « C'est dangereux de reconduire cette même équipe des Etalons à la CAN prochaine »

interview

La 34e édition de CAN 2023 a rendu son verdict avec le sacre de la Côte d'Ivoire. A l'issue de cet évènement sportif d'envergure continentale qui a vu la participation de 24 pays, notre consultant maison, Sory Lassina Ouattara, a donné son point de vue sur ce qui est des enseignements tirés de cette compétition et des directives aussi pour les Etalons afin de préparer la prochaine édition au Maroc.

La CAN est finie. Quelles sont les leçons qu'on peut tirer, dans l'ensemble, de cette compétition ?

La principale leçon qu'on peut retenir à l'issue de cette compétition continentale est l'organisation et le travail. En effet, sur le plan organisationnel, presque tout était parfait. En tout cas c'est ce que nous, en tant que téléspectateurs, avons vu de loin.

Sur le plan technique, dans le jeu, on remarque que le football africain a beaucoup progressé. Des pays se sont mis au sérieux et se sont donné les moyens de présenter un football de qualité. C'est le cas du Cap-Vert, du Mozambique, de la Mauritanie, de la Namibie, de la Tanzanie et de la Guinée équatoriale qui ont fait parler leurs talents. A la fin, ce sont les meilleurs, ceux qui sont très bien organisés à tous les niveaux, qui sont arrivés au dernier carré.

De façon pratique, quels sont les problèmes des Etalons dans le jeu ?

Au Burkina Faso, il faut qu'on arrive à définir des objectifs clairs qu'on va enseigner dans les centres de formation, les clubs et les petites catégories afin de relever le niveau d'encadrement technique. On doit se dire que c'est ce style de jeu que nous devons adopter, les systèmes et les schémas dans lesquels nous allons évoluer. Par exemple, la Côte d'Ivoire a fait tourner plus de 22 joueurs dans cette compétition et cela a marché. Mais nous, à chaque fois, on se rend compte qu'il y a une disparité, un dysfonctionnement, un problème de niveau, de cohésion entre les joueurs par rapport au style de jeu. En fait, trois ou quatre bons joueurs ne peuvent pas former une équipe nationale ; il en faut plutôt 25.

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Quelles solutions proposez-vous pour une équipe nationale compétitive ?

On doit travailler à renforcer nos championnats et nos centres de formation. En plus, il faut que les dirigeants fédéraux aillent à la bonne école et que les présidents des clubs acceptent aussi d'apprendre. Autre chose : il ne faudrait pas que la fédération devienne comme un club qu'on gère, que les membres fédéraux se disent que nous sommes une faîtière, nous représentons les ligues et les clubs, et que la priorité ne peut être accordée qu'à l'équipe nationale A. Pour une équipe nationale A compétitive, il faut qu'il y ait des joueurs compétitifs.

Par conséquent, il faut qu'on mette les moyens dans les clubs pour avoir des championnats de très haut niveau. La majorité des joueurs de l'Afrique du Sud évolue dans leur propre championnat et c'est la même situation dans les pays arabes. Donc il faut qu'on travaille à inverser la tendance parce que nous n'avons pas la chance d'avoir des professionnels de très haut niveau ou qui sont compétitifs dans les clubs. S'il y avait des clubs forts, on pourrait y puiser quelques talents pour aller à cette CAN. Ce n'est pas pour dire que le résultat serait meilleur, mais ces derniers pourraient apprendre.

Il faut qu'on accepte de faire recours aux petites catégories que nous avons, et qu'on les fasse monter en termes de niveau. Une CAN peut nous permettre d'en préparer une autre. On pouvait amener des jeunes pour que cette 34e édition soit un milieu d'apprentissage, une école pour pouvoir envisager la CAN 2025 ou peut-être celle de 2027, pour éviter ce qui est arrivé au Ghana, à l'Algérie, à la Tunisie, à l'Egypte, au Maroc et même au Cameroun qui ont continué avec les armes du passé. On ne décrète pas la relève, mais on peut la forcer.

Hubert Velud n'a pas été reconduit à la tête de la sélection burkinabè. Avez-vous un penchant pour un entraîneur local ?

A l'instar de Faé, un entraîneur local pour les Etalons serait un "collège". Il faut que ce dernier soit fortement soutenu par l'autorité fédérale. Il faudrait qu'il y ait autour de lui une ceinture d'anciens joueurs ou des entraîneurs locaux pour renforcer ses capacités. Parce qu'il ne faut pas qu'on recrute deux personnes qui seront abandonnées par la suite ; c'est le problème majeur du Burkina Faso. Qu'il y ait un collège, à l'instar de la CAN cadette. On peut trouver de la matière ici qui nous permettra de nous en sortir parce que non seulement c'est économique, mais cela pourrait être source de satisfaction nationale. Beaucoup de pays ont travaillé avec des entraîneurs locaux et ils ont pu avoir de bons résultats. Mais comme toujours, il faut qu'il soit fortement soutenu par l'autorité fédérale, pas même politique parce que ce dernier peut mettre l'argent au-devant des choses. S'il y a un choix unanime sur la personne, le résultat peut être satisfaisant.

Pourquoi ne pas essayer pour 2025 ? sauf que le temps presse. Par contre, fermer les yeux et reconduire cette même équipe à la CAN prochaine, c'est dangereux. Elle est atteinte moralement et psychologiquement, et certains sont au bord du gouffre. A moins de parler individuellement aux joueurs pour savoir s'ils sont encore prêts à continuer avec l'équipe nationale. Si non, ils seront mis de côté et remplacés par une nouvelle sélection. Le championnat national a débuté et des talents peuvent en sortir pour préparer la prochaine édition en plus des quelques anciens qui seront reconduits.

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