Somalie: Piraterie - Le spectre d'un réveil

Dans le sillage des attaques des houthis en mer Rouge, une nouvelle menace refait surface : la piraterie somalienne, qui a atteint un pic il y a douze ans avant de décliner.

Un navire arraisonné, emmené avec son équipage en Somalie et depuis, aucune nouvelle: l'attaque du vraquier MV Ruen a réveillé le spectre de la piraterie qui a semé la terreur au large de la Corne de l'Afrique entre 2005 et 2012. Cette attaque menée à 380 milles marins (700 km) à l'Est de l'île yéménite de Socotra est le premier détournement réussi par des pirates somaliens depuis celui du tanker Aris 13 en 2017, lui-même inédit depuis 2012.

Elle est le cas le plus extrême d'une menace qui s'est accrue dans cette zone de l'océan Indien, sur une route commerciale majeure, soulignent des experts, qui jugent toutefois une résurgence à grande échelle peu probable. Depuis mi-décembre, l'agence de sécurité maritime britannique a recensé six incidents au large des côtes somaliennes, allant de l'approche par des hommes armés (AK-47, lance-roquettes) au détournement de navire.

Un retour entamé en 2023

La tendance s'est amorcée l'an dernier. En 2023, le pôle d'expertise français de sûreté maritime Mica Center avait relevé neuf incidents de piraterie au large de la Somalie, une "nouveauté " depuis plusieurs années. Les actes les plus significatifs "se sont concentrés sur la fin de l'année, presque de manière concomitante à ce qui s'est passé dans la partie mer Rouge, golfe d'Aden et Bab el-Mandeb ", détaille le capitaine de frégate Éric Jaslin, commandant du Mica Center.

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Depuis mi-novembre, les rebelles yéménites houthis mènent des attaques dans cette zone sur des navires liés à Israël, en représailles à sa guerre menée contre le Hamas à Gaza, après l'attaque du 7 octobre. "Presque au même moment, on a commencé à observer des phénomènes de piraterie contre des boutres au large du Puntland ", souligne Éric Jaslin. Cette région somalienne à la pointe de la Corne de l'Afrique, baignée au Nord par le golfe d'Aden et à l'Est par l'océan Indien, est un repère historique de piraterie.

Un "terrain de chasse" dans une zone stratégique

"Plusieurs détournements de dhows l'an dernier ont alerté certains observateurs sur le fait que des groupes de pirates somaliens pourraient être en train de se rééquiper avec des moyens permettant des attaques loin en mer ", souligne Timothy Walker, de l'Institut des études de sécurité. Selon le modus operandi traditionnel des pirates, la saisie de bateaux de pêche permet d'obtenir un "vaisseau-mère". Avec les attaques houthis, "beaucoup de navires, attendant des instructions pour passer ou non par la mer Rouge. Ça crée un terrain de chasse", explique-t-il.

Un "terrain de chasse" s'est ouvert avec le déplacement de certaines forces navales de l'océan Indien vers la mer Rouge. Des élections sensibles en décembre/janvier au Puntland ont également détourné l'attention des forces de sécurité locales des côtes vers l'intérieur des terres. "Ces deux raisons, sur terre et en mer, ont fourni une opportunité pour ces groupes criminels ", selon Omar Mahmood, chercheur à l'ICG. La raison pour laquelle les pirates réapparaissent est la pêche illégale généralisée sur la côte ", affirme Ahmed Abdi Nuh, un chef coutumier.

Même si elles ne visent pas des navires de commerce, les attaques sur des bateaux de pêche peuvent relever de la piraterie, selon la définition des Nations unies. Entre le 29 janvier et le 2 février, quatre bateaux de pêche ont été libérés par les marines indienne et seychelloise après avoir été détournés, parfois à plus de 800 milles marins (1 500 km) des côtes.

Une situation bien différente de 2011

Ces attaques n'augurent pas pour autant d'un retour en force des pirates somaliens, estiment les experts, soulignant l'importance de la réponse des forces internationales pour dissuader toute amplification du phénomène. Après un pic en 2011, les actes de piraterie ont fortement diminué avec le déploiement de bâtiments de guerre internationaux, la création de la PMPF ou l'installation de gardes armés à bord de navires commerciaux. Pour Omar Mahmood, "il s'agit plus probablement d'une flambée que d'une résurgence à grande échelle".

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