Ile Maurice: Légumes - Get prix, figir flétri

25 Février 2024

Est-ce qu'on nous prend pour des lalos ? Il y a de quoi se prendre le chou face aux prix exorbitants des légumes ces temps-ci. Dans des supermarchés, des pâtissons se monnayent à plus de Rs 800 l'unité. Les petits piments à presque Rs 1 000 le demi-kilo. Non, on ne vous raconte pas de salade. Si cela continue, on finira par manger les pissenlits par la racine, déjà qu'on peine à mettre du beurre dans les haricots. Qu'en est-il des coûts, «dan bazar» ? Petit tour au marché de Quatre-Bornes, pour se mêler des oignons des marchands.

Affalées sur un étal, des bottes de coriandre, de persil, ont un «thym» tout sauf frais ; on nous prie d'annoncer leur décès imminent sans qu'ils ne soient passés à la casserole. 'Tantine' a pourtant mis le paquet en ce qui concerne le prix. Mais même à Rs 30, ils trouvent preneurs; le désespoir et les circonstances nourrissent l'arnaque.

En ce mardi après-midi, alors qu'Eleanor a incité la station météo de Vacoas à déclencher l'alerte II, à voir l'allure de la plupart des légumes exposés, on croirait*«ki zonn pass dan siklonn»* Les carottes rachitiques et difformes, pas encore cuites et pourtant découpées aux extrémités pour essayer de faire bonne figure ; elles ont mauvaise mine, sont déjà prêtes à plonger dans le chop suey et coûtent Rs 50 le demi-kilo. La vie des haricots ne tient qu'à un fil. Les 'morceaux' de choux-fleurs, à Rs 25 le 'bout de tête', donnent envie de lancer des fleurs. Les piments, à Rs 100 le quart de livre, ont la tête d'Oliver Thomas après qu'il a participé à un débat face à Shakeel Mohamed sur Radio Plus. De la qualité ? Not even a «jhant», diantre.

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Pour éviter les spéculations, nous avons sollicité l'opinion - car lui en a plusieurs - d'un marchand d'oignons - à Rs 25 la livre - d'ail, de pommes de terre. Comment expliquer le piteux état des légumes ? Et les prix qui nous courent sur le haricot à Rs 150 la livre ? M. Boodhun a 74 ans, il manie les demi-livres depuis plus d'un demi-siècle. «La fek gagn zwagnon sorti l'Europela samem prix inn baissé. Ou koné, pann ena gran siklonn Moris, be kifer légim ser ?» C'est justement la question qu'on se pose. «Ena plizyer fakter. Ena bann zwazo, sov-souri tousala fini manz bann plantes-la dépi so tiz kouma li koumans monté, dan bann plantasyon ki trouv kot bann laforé, kouma Mare-Longue tousala. Apré, lontan ti ena vente à l'encan partou, aster inn centralisé sa nouvo baz Wooton-la. Laba, ena met prix for pou zot gagn légim, lerla nou nou apandan parski nou pa kapav paye sa prix-là, donc nous pa gagn la kantité. Get komié latab vide autour ou, ena marsan pa pé kapav asté légim...» Autre raison avancée : «Bann planter pé disparet dé zour an zour, népli ena travayer pou travay dan karo. Ti ena Bangladais, aster sa ousi népli éna... Apré, tou dimounn anvi vinn marsan légim aster. Marsan plis ki légim...»

Dans les allées, les clients marchandent, les sacs en toile de jute peinent à se remplir. 'Arthur Patol' est porté disparu. Les aubergines peu dodues et leur figir brinzel, à Rs 80 la livre, atteindront sans doute dans un futur proche le prix du caviar. Les fruits ne sont pas épargnés : les prix des pitayas ont une haleine de dragon. La couleur des bananes flétries est passée du jaune poussin à un noir-nuit-sans-lune.

Mais revenons à notre létan margoze, à Rs 80 et Rs 90 la livre sur l'étal de Ravi Yerriah. Celui-ci est amer. L'homme de 36 ans vend des légumes depuis plus de 20 ans. Et il a rarement vu une situation pareille. «Get sa ki kalité légim pé gagné la, monn bizin triy bann pima pou kapav vandé», confie-t-il en nous montrant des piments qui sont en souffrance, comme s'ils avaient dû se farcir une conférence de presse de Bobby Hurreeram pendant deux heures. Comment en est-on arrivé là ? «Légim réfoulé lor marsé. Mem avan Belal ti ena enn mank, aster-la plis ankor. Séki arrivé sé kan al asté légim à l'encan Wootoon, ena marsan met prix for koumsa zot kapav al vann sa ser ek bann sipermarsé. Si nou nou dir Rs 30, zot zot kapav dir Rs 50. Bé lerla nou, nou apandan. Samem prix ser dan sipermarsé, kouma ou trouvé lor Facebook tousala... Isi dan bazar nou sey pa tir lavi klian.» Par ailleurs, ajoute-t-il, «planter pa rod planté kan létan kousma. Zot pa pou al met lagrin dan later pou riské perdi tou akoz lapli ou siklonn, zot pou fer lapert... Bé lerla pa gagn la kantité légim kouma bizin.»*

Vikash, un de ses clients, tient à ajouter son grain de sel, tout en achetant un fruit à pain et d'autres légumes à crédit... «Mo ti marsan légim Rose-Hill mwa, mo fer bizness aster. Ar mwa zot baja pa frir. Mo pwin séki bizin libéralise importasyon. Pa kapan zis 2-3 ti kopin ki gagn drwa amenn karot par examp. Ti bizin vann Rs 35 laliv sa. Me akoz monopol lor importasyon, konsomater bizin soufer.»

Un autre marchand - ancien policier - veut lui aussi témoigner, sous le couvert de l'anonymat. «Apar bann problem lézot inn dir la, ena ousi fakter voler légim ki bizin pran an kont. Ou koné komié fwa zot kokin mo cressons ? Ek zot pa rass li kouma bizin, zot koup latet zot alé, zot fer massak...»

Le massacre, c'est aussi dans le cabas des clients, qui ont du mal à respecter leur budget hebdomadaire alloué à l'achat de légumes. «Terib sa bann prix-la», s'exclame Radha, en écarquillant ses yeux en amande. «Mo pa pou soutir marsan mwa, si tro ser, mo pa asté. Mo val pran légim sirzélé.»

Et alors que les autorités ont annoncé que certains légumes seront subventionnés, alors que des conteneurs comprenant notamment des giraumons, des lalos doivent débarquer de Rodrigues demain, les consommateurs, eux, demeurent sceptiques. Entre les prix des denrées au supermarché et maintenant ceux des légumes, bientôt, «on n'aura plus un radis», affirme-t-on, le visage flétri.

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