Burkina Faso: Grande famille Gomgnimbou de Pô - De multiples incompréhensions sur la gestion des terres

A Pô, chef-lieu de la province du Nahouri, Gomgnim (qui veut dire coupeur de tête en Kassena) est l'ancêtre du quartier Zenian, selon les récits oraux. Le quartier Zenian qui regroupe les secteurs 6 et 7 ainsi que le village de Katchéli, est aujourd'hui habité par la grande famille Gomgnimbou (les fils du coupeur de tête). La gestion des terres familiales a généré des incompréhensions entre les trois composantes du quartier que sont les « Kolo », les « Kanzono » et les « Mora ».

«Pendant les guerres de conquêtes, notre grand ancêtre ramenait toujours les têtes de ses ennemis comme trophée de guerre. En langue Kassena, notre ancêtre est Gomgnim et tous ses descendants sont des Gomgnimbou qui signifie en Kassena, fils du coupeur de tête », explique le patriarche Apékira Gomgnimbou.

Se basant sur l'histoire orale, le chef de famille de la composante « Kolo », Apékira Gomgnimbou révèle que leur ancêtre a migré d'un village de Guiaro (localité située à 35 km de Pô) appelé « Kolo » et s'est installé à Pô et en est devenu le premier occupant. Notre interlocuteur précise que son ancêtre s'est installé dans le quartier Zenian, regroupant aujourd'hui les secteurs 6 et 7 ainsi que le village de Katchéli.

En souvenir de son village d'origine, il a créé un sous-quartier à Zenian qu'il a baptisé « Kolo » dont les descendants sont aujourd'hui une composante de la famille. Ce sous-quartier ne sera pas le seul, foi du patriarche. Des années sont passées et au vu de l'étendue de ses terres et de la valeur dépositaire de tout ce qui constitue la puissance de Gomgnimbou, l'ancêtre aurait fait une délégation de pouvoir à son premier fils et l'aurait installé dans un autre sous-quartier baptisé « Kanzono » qui est aujourd'hui, la deuxième composante de la famille.

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Apékira Gomgnimbou explique que l'ancêtre de la composante « Mora » est un chasseur originaire de Manga, mais aussi un neveu des Kassena, notamment de la famille Tiétiembou qui habite le quartier Nakou au secteur 4 de Pô. Selon le récit du patriarche de la composante « Kolo », l'ancêtre des « Mora » , à la suite d'une querelle avec son frère, tous deux chasseurs, a été ligoté par ce dernier et abandonné en brousse à la merci des fauves. Fort heureusement, soutient-il, ses grands parents l'ont retrouvé vivant et l'ont sauvé.

Il annonce que c'est ainsi que l'ancêtre des « Mora » est devenu Kassena et a pris le nom de famille Gomgnimbou. « Les grands parents ont estimé que s'ils l'ont sauvé et établi, vu qu'il est chasseur, il doit bien connaitre leur brousse plus qu'eux-mêmes. C'est ainsi qu'est venue l'idée de lui confier la gestion de la terre en lui demandant de les aviser chaque fois qu'il verra quelque chose de suspect », renchéri Apékira Gomgnimbou. L'ancêtre des « Mora » a donc été installé dans le sous-quartier du même nom et il a constitué la troisième composante de la famille. A en croire, Apékira Gomgnimbou, le secteur 7 constitue le quartier des « Mora » tandis que les « Kolo » et « Kanzono » habitent le secteur 6.

« La terre est devenue de l'argent et chacun veut usurper »

Aujourd'hui, pour la gestion des terres de la grande famille Gomgnimbou, les trois composantes s'accusent de ne pas jouer le rôle qui leur est dévolu par la tradition. De l'avis d'Apékira Gomgnimbou, dans la gestion des terres familiales, la composante « Kanzono » a le rôle d'intermédiaire entre les composantes « Kolo » et « Mora ». Il explique que lorsqu'une personne veut une portion de terre pour exploiter, elle doit s'adresser à la composante

« Mora » qui est chargée de prendre avec l'intéressé, quatre poulets, une daba et du tabac qu'elle amène chez le responsable de la composante « Kanzono » qui, en tant qu'intermédiaire, les acheminent chez les « Kolo », la composante de l'ancêtre Gomgnim. Cependant, il relève qu'avec la disparition des grands parents et des parents, cette organisation n'est plus respectée et les membres de la composante

« Mora » se réclament également propriétaires terriens.

Une position soutenue par Claude Gomgnimbou de la composante « Kanzono ». Pour lui, les membres de la composante « Mora » sont leurs « étrangers ». Par conséquent, estime-t-il, ils ne peuvent ni faire des offrandes à la terre, ni se proclamer chefs de terre. Les affirmations des deux composantes « Kolo » et « Kanzono » sont battues en brèche par le chef de famille de la composante « Mora », Kounipoa Pouabidjié, par ailleurs, chef du secteur 7 de Pô et chef de terre du village de Katchéli.

« A Kachéli, lorsqu'on demande à voir le chef de terre, c'est chez moi que les gens viennent. En cas d'accident, c'est moi qui fais les rituels pour nettoyer le sang. Ce fut le cas de l'accident qui a fait 18 morts en 2017. J'ai amené un bœuf qui a été immolé sur le lieu de l'accident. Il y a beaucoup d'autres choses que je fais en tant que chef de terre. Mon grand-père et mon père l'ont fait avant moi. Maintenant, c'est à mon tour », insiste Kounipoa Pouabidjié.

Selon ses explications, ceux qui ne sont pas d'accord, (NDRL, Claude Gomgnimbou et Marc Salazar, l'un des deux neveux de Michel Adoubé Gomgnimbou, chef de famille de la composante « Kanzono ») veulent continuer à vendre la terre par hectare alors que cela ne profite ni à la famille, ni à la population. Aussi, indique-t-il, sa famille a été victime de leur pratique puisque le champ de son père et celui de son frère cadet ont été vendus.

Pour manifester leur mécontentement, il confie que les membres de sa composante ont arraché les bornes. Pour prouver que sa composante est bien habilitée à vendre la terre, le chef des « Mora » et policier à la retraite Kounipoa Pouabidjié, a fait savoir que c'est bien lui qui a signé le protocole d'accord avec la société Immobilière Haeven Gate en partenariat avec la Maison internationale de commerce (M.INT. CO) pour l'octroi à cette dernière, d'une centaine d'hectares à Katchéli.

De l'avis de l'ancien 1er adjoint au maire de Pô, Assane Gomgnimbou, par ailleurs membre de la composante « Kolo », c'est Marc Salazar et Claude qui remettent en cause les principes qui ont été établis par leurs propres grands-parents. Il étaye ses propos par la simple raison que les terres ancestrales sont devenues de nos jours une source de revenus pour ces derniers. Pour Marc Salazar, c'est l'un de ses oncles, Michel Adoubé Gomgnimbou, chef de famille de la composante

« Kanzono », qui a permis à Kounipoa Pouabidjié de s'arroger le droit de vendre des terres. « Quand l'oncle a su que la famille n'est pas de son bord, il s'est dirigé vers Kounipoa Pouabidjié pour lotir Katchéli sans au préalable aviser la famille. Lorsque nous avons appris que Katchéli devrait être loti, Michel a été interpellé et il a dit ne pas être informé », renchéri, Marc Salazar Gomgnimbou.

Des terres partagées par les grands-parents ?

Si l'incompréhension demeure sur la gestion de la terre par la composante Mora, les deux autres composantes ne s'accordent pas non plus sur leurs rôles respectifs. Le patriarche des Kanzono, Michel Adoubé Gomgnimbou, réfute les propos du patriarche des « Kolo » affirmant que sa composante n'a qu'un rôle d'intermédiaire dans la vente des terres.

Selon ses dires, il y a eu un partage depuis l'époque des grands-parents et chaque composante a hérité de ses terres. « Nous sommes tous nés trouver cela ainsi. Les "Kolo" ont leurs terres vers les villages de Torem et de Tiakané, une partie du secteur 6, mais différent des terres des Kanzono.

Par conséquent, chaque grand-père avait ses terres qu'il a léguées à ses enfants et petits-enfants », a soutenu le chef de famille des « Kanzono ». Sur le sujet, Marc Salazar Gomgnimbou, ajoute que les terres des « Kolo » sont situées vers l'aérodrome de Pô. En revanche, concernant les terres des Kanzono, Michel Adoubé Gomgnimbou estime qu'elles sont très immenses.

« Elles débutent à la sortie nord de Pô, route de Ouagadougou, c'est-à-dire depuis les secteurs 6, 7 et le village de Katchéli jusqu'au fleuve Nanzinon à la limite du parc national Tambi-Kaboré. A l'Ouest, elles se limitent aux villages de Tiakané et de Torem de la commune de Pô. A l'Est, elles sont frontalières avec les villages de Koukouya, Banon et Kampala », explicite-il. Les « Kolo » ne sont pas d'avis que les terres aient été partagées entre les trois composantes.

L'ancien 1er adjoint au maire de Pô, Assane Gomgnimbou, par ailleurs membre de la composante « Kolo », martèle que c'est la même famille et donc, les membres partagent et travaillent sur les mêmes terres. « Le grand père des "Kolo" et celui des "Kanzono" sont des frères.

C'est-à-dire que le grand-père des "Kanzono" avait cette responsabilité de gérer les terres parce qu'il était le fils ainé de l'ancêtre des "Gomgnimbou" et cette pratique continue depuis lors », précise-t-il. A la suite de son frère cadet, Apékira Gomgnimbou a ajouté que c'est parce que la gestion des terres familiales a été confiée aux « Kanzono » par leurs ancêtres qu'eux les « Kolo » ne signent pas les accords de cession des terres.

Il évoque le cas de la signature des accords de cession avec la société immobilière GELPAZ IMMO S.A, l'Agence de gestion immobilière Tapsoba et frères (AGIT) et la société ZOTIMSON qui ont tous été scellés par les « Kanzono ». Cependant, Apékira Gomgnim-bou a précisé que les parcelles qui sont octroyées par les sociétés immobilières à la suite des cessions, sont partagées à toute la grande famille, eux y compris.

Le problème des terres au sein de la grande famille Gomgnimbou a éclaté à la faveur de la célébration tournante des festivités du 11-Décembre en 2018 dans la région du Centre-Sud. Les « Kolo » ont protesté parce qu'ils n'ont pas été impliqués dans les opérations de lotissement. Le chef de famille de la composante « Kanzono » et ses deux neveux (Claude et Marc Salazar) qui au départ travaillaient en parfaite harmonie ont eu des points de vue divergents sur la gestion de la terre. Le prochain article qui traite de la question nous édifiera davantage.

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