Sénégal: Le pays dans l'œil du cyclone?

7 Mars 2024

Le Sénégal vient de franchir un tournant décisif dans son évolution politique et institutionnelle, c’est le moins qu’on puisse dire. Le conseil constitutionnel vient de rendre le 06 Mars 2024, une décision sans précédent dans l’histoire de cette juridiction, tant par sa hardiesse, mais aussi dans l’esprit et la lettre de ses prérogatives de garant de la Constitution.

Ce qui au départ a été perçu comme une opération de communication, pour agrémenter la psychose d’un chaos réel ou supposé, a finalement tourné en une véritable crise, même si certains observateurs sont encore dubitatifs de ce point de vue.

Faut-il le rappeler, tout est parti d’une date une première fois annulée par le Conseil constitutionnel. Par la suite silence radio excepté une lettre laconique signée du conseiller du Président, dans laquelle le Président himself dit « prendre acte », laissant place à toutes sortes de spéculations sur la notions de « meilleurs délais » indiquée pour fixer une autre date avant la fin du mandat.

Heureusement que le conseil constitutionnel s’est dressé en rempart face au glissement dangereux que le président Macky Sall était en train de faire au Sénégal par son dilatoire. Tout porte à croire aujourd’hui que ce n’est pas encore fini, pour la bonne et simple raison que le président de la république en exercice joue à contretemps. C’est à moins 30 jours du   scrutin qu’il se décide, après moult atermoiements, à signer le décret de convocation du corps électoral, contrairement aux dispositions du code électoral qui prescrit 80 jours entre la date du décret et celle de l’élection.

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Le Conseil Constitutionnel qui avait déjà retenu la date du 31 Mars, qui coïncide au dimanche des rameaux, veille de Pâques, a dû se réajuster sur le 24 mars finalement choisi par Macky Sall. On est enfin dans la durée limite du mandat et la légalité a été sauve au forceps.

Jamais dans l’histoire de ce pays le Conseil constitutionnel n’a eu, dans un intervalle aussi court, à annuler deux décisions successives du Président de la République manifestement anti constitutionnelles. C’est inédit d’autant que le Président de la République a semblé faire fi des décisions du Conseil, qui lui indiquaient clairement la voie à suivre. Pour un précédent, ç’en fut un de très dangereux.

D’ailleurs, la plupart des analystes y ont vu une sorte de « bras de fer » entre deux institutions de la République, ce qui accrédite la thèse de la crise.

En revanche pour d’autres, les différentes péripéties qui vont, du décret illégal de révocation de la convocation du corps électoral, et la loi visant prolongation du mandat du président qui va avec, à la proposition de loi visant in fine, la révision de la liste des candidats arrêtée par le conseil constitutionnel, ne sont que des contrefeux allumés pour masquer une volonté de proroger le mandat sans frais.

Si on n’y ajoute la loi d’amnistie, que l’on qualifierait volontiers de « l’amnistie de la discorde », qui vient d’être votée ce mercredi 06Mars 2024, on ne peut nier une volonté politicienne de déplacer les priorités du débat public, qui sont focalisées sur la date du scrutin et sur la campagne électorale, dont la durée sera écourtée, mais surtout sur l’éventualité d’une vacance ou d’un vide du pouvoir après le 02 Avril. La Conseil constitutionnel a tranché sur la date, et sur l’échéance de l’après 02 Avril, qui marque la fin du mandat en cours. Reste à voir comment le président Macky Sall va-t-il  se comporter.

La dissolution de son gouvernement aussitôt après la communication de la décision du conseil constitutionnel, et le vote de la loi d’amnistie générale, laissent planer un grand doute sur sa volonté d’organiser une élection transparente et sincère dans la tradition de ces prédécesseurs. La nomination de son ancien ministre de l’intérieur à l’origine des tracasseries observées durant le processus de parrainage ne lui donne pas un préjugé favorable. L’avenir nous dira.

 

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