Tunisie: Mes Humeurs - Ouvert ?

17 Mars 2024
opinion

Vous devinez de quoi je parle, puisque j'ai évoqué dans l'humeur précédente cette interrogation agaçante ; ouverts ou fermés pendant le mois de Ramadan ? Quoi donc ? Les cafés. Fermés.

Les mêmes arguments reviennent chaque année, traînant une cascade de remarques critiques, pour ne pas dire désobligeantes : et les malades et les visiteurs étrangers et les non, croyants et les vieilles personnes, etc.

A cette question, personne n'a une réponse claire, les gérants d'établissements vous disent que les autorités relevant du ministère de l'Intérieur pourraient à tout moment intervenir et fermer les cafés. Pourtant, sur certaines artères, on déniche quelques établissements ouverts. Ouverts, mais discrètement, l'habitude fait qu'on couvre les vitres de papier journal, n'y poussez pas la porte pour un café ou pour aller aux toilettes, vous risquerez l'étouffement, non pas par les fumerolles d'un volcan, mais par les épais nuages de fumée à couper au couteau.

C'est un cas singulier, cocasse et pathétique qui m'a fait revenir à cette interrogation.

Ramadan, 2021, vers les 11h00 au Bardo, traversant une galerie commerciale sinistre et sombre qui ressemble à un coupe-gorge, un couple étranger m'interpelle, «s'il vous plaît, y a-t-il un café ouvert ?» L'artère principale regorge de commerces, de cafés et de restaurants pour la plupart, «Non, c'est Ramadan», répondis-je, un court échange m'apprit que ce couple cherchait des toilettes, «un besoin urgent», me dit l'homme. Je n'avais d'autre solution que de les inviter à la maison (à près de 50 mètres). J'insiste pour leur offrir un café.

%

«On ne savait pas que le musée était fermé, on a pris le chemin du retour, on a attendu, pas un taxi», vous connaissez la suite. J'ai ânonné ce que disent les autorités sur la fermeture du musée, la sécurité, etc. A propos du musée, me dit la dame, «on est venus, mon mari et moi, non seulement pour voir les pièces, mais surtout pour nous recueillir devant la stèle en marbre». Silence, le mari apparemment très touché, continue, «oui, un parent, ami à moi fut parmi les victimes de l'attentat de 2015, son nom figure sur la plaque en marbre».

Un ange passe.

J'ai dévié le cours de la conversation, abordant le sujet par la bande, les conséquences désastreuses du Covid, la fragilité de l'homme, la décennie noire (2011-2020), les attentats, la crise mondiale... J'ai beau réveiller des souvenirs lointains d'un pays qui avait en bouche le mot tolérance et n'avait à combattre qu'un seul ennemi : le sous-développement. Rien n'y fait, mes interlocuteurs étaient fixés sur les sujets actuels. Sur la fermeture des établissements, je n'avais pas d'arguments ni de voix pour continuer, «Prenez-vous encore un peu de café ?».

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.