Ile Maurice: Hausse des prestations sociales - Coup d'épée dans l'eau à long terme ?

La nouvelle tant attendue est arrivée : la pension de vieillesse est désormais portée à Rs 13 500 pour les personnes âgées de plus de 60 ans, ce qui semble une bonne initiative face au coût de la vie de plus en plus élevé. À ne pas oublier que le salaire minimum est également à Rs 15 000. Alors que le cash disponible pour la consommation augmente, il est légitime de se demander quelle en est la valeur réelle face au déclin du pouvoir d'achat et l'impact continu et néfaste de l'inflation à Maurice.

La bête noire pour certains, un outil pour d'autres, l'inflation reste encore et toujours l'élément central de cette perma-crise affectant les économies les plus robustes à travers le monde. Avant d'en voir les détails, concentrons-nous brièvement sur la tendance inflationniste. Il est important de noter que l'inflation peut parfois stimuler la croissance économique d'un pays, notamment en favorisant une augmentation de la demande de la consommation et de la production.

Un exemple flagrant est celui du Japon, qui a récemment enregistré une hausse historique des salaires, évènement positif pour la Bank of Japan. Dans un contexte où le Japon a longtemps été affecté par une déflation, cette augmentation des salaires pourrait avoir un impact positif sur la demande, la production et, en fin de compte, sur la croissance économique. De plus, une augmentation des taux d'intérêt dans le cas du Japon peut être bénéfique avec déjà une amélioration notable de la performance du yen japonais par rapport au dollar.

%

Cependant, à Maurice, au Royaume-Uni et ailleurs, l'inflation s'est avérée néfaste pour une croissance économique saine et a accentué les pressions sociales avec une réduction du pouvoir d'achat et une détérioration de la qualité de vie en général. Il est également important de souligner qu'un ralentissement ou une baisse du taux d'inflation ne signifie pas nécessairement une diminution des niveaux de prix réels, mais plutôt une augmentation moins rapide. Voyons l'impact dans le concret.

En février 2024, le taux d'inflation en glissement annuel était de 6,2 %, contre 11 % en février 2023, 9 % en février 2022, 1,2 % en février 2021, 2,1 % en février 2020 et -0,8 % pour la même période en 2019. En examinant ces taux, prenons l'exemple d'un produit qui coûtait Rs 50 en février 2019. En février 2020, son prix aurait augmenté à Rs 51,05, à Rs 51,65 en 2021, à Rs 56,29 en 2022, à Rs 62,48 en 2023 et enfin à Rs 66,35 en février 2024, soit une hausse totale de Rs 16 sur cette période, soit +32 %. De même, un produit coûtant initialement Rs 150 en février 2019 coûterait Rs 153,15 en 2020, Rs 154,98 en 2021, Rs 168,92 en 2022, Rs 187,50 en 2023 et enfin Rs 199,125 en février 2024, soit une hausse totale d'environ Rs 50 pour cette même période. Cette inflation cumulative illustre clairement l'érosion du pouvoir d'achat au fil du temps.

*** Maintenant, face à la pression croissante sur les ménages, notamment avec l'augmentation des coûts de la nourriture, du logement, des médicaments et des services de base, il est indéniable que davantage de soutien financier est nécessaire. Dans ce contexte, nous avons observé une série de mesures, telles que l'augmentation de la pension de vieillesse à Rs 13 500, la hausse du salaire minimum à Rs 15 000 ainsi que diverses initiatives de soutien aux employés des entreprises. Cette action, si l'on enlève le calcul politique derrière, semble être une réponse adéquate à une inflation persistante.

Toutefois, elle ne prend tout son sens que si, en réalité, elle parvient à contrer l'impact de l'inflation sur le coût des produits de consommation. En d'autres termes, cette augmentation de revenus doit permettre aux individus d'acquérir davantage de produits et de services par rapport aux années précédentes, et donc de rendre leur vie plus confortable. Pour les pensionnaires et ménages à faible revenu, cela peut effectivement être le cas actuellement, comme en témoignent les changements observés dans l'indice des prix à la consommation (IPC) par rapport à l'augmentation des prestations sociales entre 2019 et 2024.

Cependant, il convient de souligner qu'une augmentation soutenable et efficace des revenus devrait être soutenue par une croissance économique générée par la production, les services ou les investissements dans le pays - ce qui n'est pas tout à fait notre cas actuellement. Bien que le soutien aux familles mauriciennes face à l'augmentation des prix de la nourriture et du logement soit une nécessité sociale, le problème sous-jacent qui pèse sur nos portemonnaie demeure inchangé : l'inflation et la baisse généralisée du pouvoir d'achat.

Dans ce contexte, la capacité réelle du pays à soutenir ces augmentations de revenu à long terme, compte tenu du faible progrès réel de la valeur du PIB, est préoccupante. Selon les estimations de l'économiste Sushil Khushiram, le déficit de notre compte courant, excluant l'offshore, c'est-à-dire la différence entre nos revenus et nos dépenses nationales, s'élèverait à 14 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2023, malgré l'augmentation des revenus touristiques en dollar. En gros, nous dépensons plus que ce que nous produisons.

La balance commerciale, qui compare nos importations à nos exportations, est donc un facteur crucial ici, le déficit commercial étant estimé à Rs 180,3 milliards en 2023, selon Statistics Mauritius. La conclusion est qu'avec la dépréciation sévère de notre monnaie, la note d'importation est si élevée qu'elle annule les effets positifs d'une hausse de revenus en devises par le tourisme sur l'économie. De plus, le rationnement des devises, comme pratiqué par la Banque centrale l'année dernière, aurait aussi dû ralentir le volume d'importation mais, encore une fois, combien de temps cela peut fonctionner!

La dépréciation de la roupie face au dollar est une tout autre histoire, passant de Rs 34,63 le 13 mars 2019 à Rs 46,43 à ce jour - ce qui a un impact majeur sur la confiance dans l'investissement, encourageant les spéculations et, bien sûr, affectant le coût final des produits importés, ce qui se répercute directement sur notre porte-monnaie.

Au final, si nous continuons à privilégier des solutions temporaires et non productives pour soulager le fardeau financier de la population, nous risquons de nous retrouver confrontés à une crise de la balance des paiements qui pourrait devenir une situation critique pour le pays. Cela pourrait non seulement appauvrir davantage les Mauriciens, mais également compromettre la stabilité économique à long terme de l'île. Un soulagement aujourd'hui peut donc nous coûter bien plus cher plus tard si nous ne revoyons pas notre discipline fiscale, la performance de nos exportations et notre productivité, entre autres. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pas si sûr.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.