Ile Maurice: «Si je lutte pour une cause, je ne peux pas demander de faveurs au ministre»

interview

À la veille de son départ pour la France, où elle a des projets musicaux avec notre compatriote Mario Ramsamy, la chanteuse et syndicaliste Joëlle Coret fait le point sur son action en tant que présidente de l'Union des Artistes. Le choix d'aller à une réunion avec le ministre des Arts et du patrimoine culturel le même jour et à la même heure où un collectif d'artistes faisait une marche pacifique à Port-Louis lui a valu de nombreuses critiques.

Après une série d'annulations, le 28 décembre 2023, le ministère des Arts et du patrimoine culturel annonce qu'il y aura une «site visit» des lieux de concert en janvier 2024. C'est l'une des retombées d'une rencontre avec l'Union des Artistes. Nous sommes à la mi-mars. Avez-vous eu des nouvelles de cette visite ?

L'Union des Artistes a repris contact avec le ministre concerné, vu que c'est lui qui a fait cette annonce. Il faut bien comprendre que ce n'est pas nous qui avons prévu cette site visit. Le ministère m'a dit que c'est en bonne voie, qu'il travaille dessus.

Votre dernier contact avec le ministère date de quand?

Il y a eu deux contacts, l'un fin janvier, l'autre mi-février. C'était justement pour demander où en sont les choses concernant la site visit. Des fonctionnaires m'ont informée qu'ils travaillent dessus.

Quels sont ces lieux de concert qui seront visités ?

Le stade Anjalay-Coopen a été cité. Selon le ministère, des organisateurs de concerts auraient soumis une liste de sites où il n'y aura en principe pas de problèmes de pollution sonore. Parmi ceux-ci, il y a le Domaine du Business Park à Riche-Terre, le Domaine Sept Cascades, le terrain de foot de Médine, Côte d'Or, le Domaine de Saint-Aubin entre autres.

%

Savez-vous selon quels critères le ministère des Arts va juger si ces lieux sont appropriés pour l'organisation de concerts?

Il semblerait que ce soit le niveau de la sonorisation et s'il y a un risque de perturber les habitants aux alentours. wEst-ce que cela élimine d'office tous les autres endroits où il y a déjà eu des plaintes pour tapage nocturne après des concerts ? Il n'en reste plus beaucoup dans ce cas-là. Il semblerait que oui. Le ministère devrait aussi prendre en compte les facilités de parking. Mais ce qui a intéressé l'Union des Artistes c'est que le ministère a souligné que tout cela se fait avec des organisateurs et des artistes.

Le ministère a aussi annoncé la mise en place d'un «one-stop shop» pour faciliter l'organisation de concerts. Savez-vous ce qu'il en est ?

En décembre, nous avons demandé au ministère comment ce one-stop shop se met en place et est-ce qu'il va régler la situation des organisateurs. D'autant que même s'ils obtiennent les divers permis (NdlR: sanitaire, pompiers, collectivités locales, Mauritius Society of Authors etc.) au final, la police peut objecter à la tenue du concert. Ce qui voudrait dire que la situation ne serait pas réglée. Le ministère a répondu que cela n'est pas de son ressort, qu'il devra se tourner vers les autorités concernées. Je suppose que c'est le commissaire de police. Nous en avons profité pour soumettre des propositions concernant le one-stop shop, en soulignant qu'il faut prendre en compte la question de la sécurité privée. Contrairement aux accusations qui ont circulé, l'Union des Artistes n'avait nullement l'intention d'accaparer la gestion des concerts. Ni de représenter les organisateurs. L'Union est concernée par tous les domaines où l'artiste est impliqué. L'artiste ce n'est pas que le chanteur, la chanteuse ou les choristes. Ce sont aussi les ingénieurs de son, les musiciens, des éléments importants pour qu'un concert ait lieu. Les organisateurs font de gros investissements, ils ont de grandes responsabilités, c'est pour cela que le syndicat leur a lancé un appel à la collaboration.

Des organisateurs ont-ils répondu positivement ?

Heureusement qu'il y a des organisateurs qui ont compris que l'Union des Artistes ce n'est pas que Joëlle Coret. Que c'est une entité légale qui peut donner un coup de pouce. Pa bizin kontan mwa. Le plus important c'est de voir comment avancer. L'Union a toute légitimité pour poser des questions au ministre des Arts et du patrimoine culturel.

Vous avez été copieusement critiquée quand vous vous êtes rendue à une rencontre avec ce ministre le 21 décembre, le même jour et à la même heure où un collectif d'artistes manifestait dans les rues de la capitale. N'avez-vous pas trouvé le timing de cette réunion étrange ?

Cette réunion avait été demandée avant que la date de la manifestation des artistes ne soit connue. La demande date du 28 octobre 2023. La veille, nous avions rencontré le ministre. Le lendemain, j'ai demandé une réunion de suivi, pour trouver un accord concernant le one-stop shop. Le 18 décembre 2023, j'ai écrit une lettre ouverte pour demander des propositions concrètes. J'ai aussi exprimé mon soutien aux principaux animateurs de la manifestation.

** Quand la date de la manifestation a été annoncée, est-ce qu'en tant que présidente de l'Union des Artistes, vous comptiez y participer ?**

J'ai dit que je soutenais cette marche. À cause de mes ennuis de santé, je n'étais pas sûre d'être en état de m'y rendre. Ena inn dir marse pa kapav pou galoup dan biro minis inn kapav.

C'est un fait que le jour de la marche pacifique et à la même heure vous étiez au ministère des Arts et du patrimoine culturel.

Avant cette marche, les organisateurs étaient au courant des démarches entreprises par l'Union des Artistes. Ce syndicat ne dépend pas que de moi, c'est une équipe qui a pris la décision de se rendre à la réunion. Par contre, la décision de fixer la réunion ce jour-là relève du ministre.

Le choix du jour et de l'heure de la marche pacifique ne vous a pas fait tiquer ?

J'ai demandé au ministre pourquoi avoir choisi cette date et s'il allait aussi recevoir des représentants de la marche pacifique. La réponse que j'ai eue, c'est qu'il ne fallait pas que je m'inquiète. Bannla ousi ti pe vinn get li. Effectivement, après cette réunion, j'ai vu l'un des artistes de ce mouvement au ministère qui attendait de rencontrer le ministre. C'est dommage que ce collectif ne parle pas de ces démarches. Mwa mo pa fer narien an kasiet.

Certains s'attendaient à vous voir sur le podium du ministère pour la fête de l'Indépendance, le 12 mars.

J'ai un principe : si je lutte pour une cause, mo pa kapav al dimann minis faver. Je ne cèderais pas non plus au chantage. Si res trankil pou gagn tel lavantaz. Par contre, il y a des artistes qui tout en participant à ces programmes officiels, les critiquent. Je ne travaille pas dans l'intérêt personnel mais pour l'intérêt commun.

Trois mois plus tard, est-ce que ça valait la peine d'aller à cette réunion?

Oui. L'Union, qui est soutenue par la Fédération Internationale des Musiciens a entamé d'autres démarches que je ne dévoilerai+ pas pour l'instant. Si à Maurice, les associations n'éprouvent pas le besoin de soutenir l'Union des Artistes, à l'international d'autres syndicats, notamment en Afrique, marchent à nos côtés. Beaucoup n'ont pas compris que notre vision n'est pas de régler seulement le problème des annulations, mais de voir plus large. Certains artistes interprètent mal le rôle d'un syndicat. Certains croient même que le syndicat va prendre leur travail. Pour d'autres, comme la présidente c'est enn artis lotel donc elle est inférieure. Cette division ne date pas du jour de la marche, quand je suis allée dans le bureau du ministre. Elle est plus ancienne. Soyons honnêtes, ce sont des artistes eux-mêmes qui ont semé la division entre artis lotel et artis lokal.

Nouveau projet avec Mario RamsamyA cause de ses ennuis de santé, le projet musical de Joëlle Coret avec Mario Ramsamy du groupe Émile et Images a été reporté. Il va renaître cette année. Un séjour en France va permettre de concrétiser le projet. En novembre 2022, la chanteuse avait assuré la première partie d'un concert d'Emile et Images en Belgique. Joëlle Coret va aussi en profiter pour se rendre à la Fédération Internationale des Musiciens, à Paris, pour définir le prochain «move» de l'Union.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.