Ile Maurice: État providence - La surenchère

Alors que l'on entame les derniers mois avant les élections générales, le gouvernement fait une nouvelle fois monter les enchères, en allant au-delà de sa promesse électorale. Ainsi, après les étrennes de fin d'année et l'augmentation de 12,5 % de la pension de vieillesse des seniors âgés d'au moins 75 ans, la boîte à cadeaux dévoile d'autres surprises dispendieuses.

C'est la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, qui a eu le privilège de communiquer la grille des nouveaux barèmes de la Basic Retirement Pension (BRP) pour les différentes catégories de pensionnés, ainsi que les montants réajustés de la pension de veuve, de la pension d'invalidité et de la pension d'orphelin.

À partir d'avril, les personnes âgées de 60 à 64 ans verront leur BRP bondir de Rs 11 000 à Rs 13 500, soit une hausse de 22,7 %. Celle-ci est encourue intégralement par l'État et sera débloquée à partir du Consolidated Fund. Pour les 65 à 74 ans, la pension grimpe de Rs 12 000 à Rs 14 500 (+20,8 %). Les seniors de 75 à 89 ans voient leur pension à nouveau augmenter, en passant de Rs 13 500 à Rs 16 000. Finalement, la BRP est majorée à Rs 23 710 pour les 90 à 99 ans et à Rs 28 710 pour les 100 ans à monter.

Ces généreuses allocations grèveront les finances publiques. Comme l'a indiqué Fazila Jeewa-Daureeawoo, elles nécessiteront un déboursement additionnel de Rs 2,3 milliards du Trésor public pour la période d'avril à juin. Sur une période de 12 mois, ce sont donc Rs 9,2 milliards supplémentaires que l'État aura à lever en termes d'impôts pour financer le relèvement des prestations sociales. Quant au budget de la sécurité sociale, il a pratiquement quadruplé, passant à Rs 51,1 milliards contre Rs 13,9 milliards en 2014.

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Parallèlement, les bénéfices payés à partir de la Contribution sociale généralisée (CSG) aux pensionnés âgés d'au moins 65 ans vont crever le plafond. Dans un rapport publié l'année dernière, Aon Solutions annonçait la couleur et révélait que le CSG Retirement Benefit de Rs 1 000 à quelque 169 000 seniors dans la catégorie des 65 ans à monter coûterait environ Rs 2,3 milliards pour l'exercice financier 2023-24. Avec la nouvelle grille de la BRP, les bénéfices versés par la CSG aux personnes âgées pourraient grimper à plus de Rs 4 milliards sur la base d'un scénario où l'État puiserait du Consolidated Fund pour payer la pension jusqu'à Rs 13 500. En attendant des clarifications du ministère des Finances à ce sujet, il est clair que le budget de la protection sociale va mettre une pression énorme autant sur les finances publiques que sur le plan de pension. Déjà, en excluant le CSG Retirement Benefit, les différentes allocations payées par le mécanisme de la CSG pour renforcer l'État providence coûtent environ Rs 8,5 milliards par an (chiffre calculé par Aon Solutions).

À mesure que les chiffres s'empilent telles des briques de Tetris, les inquiétudes sont légitimes quant à l'effet en cascade de la majoration des prestations sociales. Essentiellement, l'impact se fera sentir à quatre niveaux, à savoir, les finances publiques, la CSG et sa soutenabilité dans le temps, les salaires et l'inflation.

D'aucuns diront que l'État a ouvert une boîte de Pandore en voulant s'attirer les faveurs des 265 245 électeurs potentiels (environ 26 % des votants) concernés par la BRP et qu'après les législatives, ce sera un véritable casse-tête d'administrer les finances publiques. Dans tous les cas, l'équation est simple : le pays est condamné à accroître son niveau de croissance pour pouvoir soutenir le coût pharaonique du budget de la sécurité sociale. Il faudra peut-être faire mieux que la croissance de 6,5 % attendue par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, pour 2024. De même, il faudra espérer que la stratégie de dynamiser l'économie par la consommation donnera des résultats concluants. En stimulant la demande, l'État sera, pourquoi pas, en mesure de gonfler suffisamment les recettes perçues sur la taxe à la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés pour financer les Rs 51,1 milliards que requiert le paiement des prestations sociales.

Mais restons optimistes. Depuis l'Indépendance, les différents gouvernements qui se sont succédé ont eu le courage d'adopter des mesures sociales fortes tout en repoussant les frontières de l'État providence. Sir Seewoosagur Ramgoolam a, sans doute, jeté les bases en introduisant l'éducation gratuite en 1976. Cette mesure progressiste a participé non seulement au développement humain, mais aussi au progrès économique. Continuons à croire en notre bonne étoile !

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