Ile Maurice: Le temps commence à se gâter

Orages passagers, nuages noirs qui commencent à s'amonceler, débordements çà et là. Le ton est donné. La forme tourne à l'affrontement. Le fond aussi. Celui du discours du Deputy Speaker, Zahid Nazurally, issu du Muvman Liberater (ML), à l'encontre des dynasties qui tiennent le gros de nos politiciens par la barbichette (en particulier les deux dynasties qui ont fait leur le poste de Premier ministre), est annonciateur du climat qui va se détériorer au fur et à mesure que les états-majors politiques finalisent leur fameuse liste de candidats. Cet exercice ne se fait jamais dans la sérénité. Cette année encore, il sera quasi-impossible pour Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam de plaire, sur leurs listes respectives, à tous les prétendants et partis-satellites qui gravitent autour d'eux et qui sont actuellement en ébullition.

Les dirigeants politiques qui font le lien entre les gros propriétaires de partis et leur base électorale nous avouent vivre un moment fatidique en ce moment, où il faut couper-trancher, kasé-ranzé, trier, négocier, ne pas céder, faire des compromis et compromissions, avaler des couleuvres, ou se faire hara-kiri. Au sein du Sun Trust, l'on se base sur des rapports du terrain, des fois contradictoires, pour ne retenir qu'une poignée de ministres qui sont restés «clean», loin des tentations et des scandales.

En même temps, les stratèges suivent de près la campagne de Modi, qui court aussi derrière un troisième mandat, face à une opposition élargie, mais mal ficelée pour l'instant. Si Modi va se battre contre le symbole de la dynastie Gandhi en faisant appel aux citoyens lambda, à Maurice, Pravind Jugnauth ne pourra pas reprendre ces slogans antidynastiques, mais pour le reste, tout ou presque peut être copié-collé et adapté. Surtout le fameux «divide and rule» légué par les Britanniques et perfectionné par des esprits castéistes tordus.

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Si Pravind Jugnauth doit vider au moins 50 % de son cabinet pour injecter du sang neuf, à l'instar de Nisha Luchoomun, la nièce de Leela Devi Dookun-Luchoomun et soeur de Sandhya Boygah au no7, ceux qui sont hors du MSM s'agitent et luttent pour leur survie. Ainsi, à l'heure où le ML d'Ivan Collendavelloo tente d'afficher sa différence fondamentale avec le tandem Obeegadoo-Ganoo (qui a inventé une nouvelle plate-forme, appelée Linite Militan), les prises de position et de parole vont immanquablement provoquer des éclairs (pas forcément des coups de foudre). À vrai dire, Ganoo et Obeegadoo ne veulent pas de Collendavelloo parce que ce dernier, mis à l'écart par le chef suprême (le roi Soleil), risque de diminuer leur part de tickets. Ils préfèrent garder leurs distances de leur ex-camarade du MMM, parce qu'il n'est plus dans les bons papiers du MSM, et aussi parce qu'Obeegadoo se complaît désormais dans son rôle de numéro 2 du gouvernement et n'envisage aucunement d'être rétrogradé dans le cadre d'un accord moins favorable. Et Ganoo, lui, veut admirer Tania Diolle installée sur un maroquin ministériel.

Dans le camp de l'opposition, Navin Ramgoolam temporise le jeu et n'est pas pressé de finaliser la liste de candidats. Ses deux adjoints qui ne savent pas encore qui des deux sera no2 et qui sera no3 ne mesurent peut-être pas suffisamment la pression qu'exercent les Travaillistes pur sucre sur leur leader pour arracher un ticket. En même temps, Duval et Bérenger subissent les interrogations de leurs effectifs quant au déploiement des candidats et des agents sur le terrain. Dans un ménage à trois, il est difficile de plaire concomitamment aux deux partenaires.

Chacun aura son morceau mais il ne faut pas se faire d'illusion, ce ne sera pas un partage chrétien, tout comme il n'y aura pas d'accord à l'israélienne. Le PTr a besoin de galvaniser ses troupes et ne peut pas faire trop de concessions, comme en 2014 avec le MMM, ou en 2019 avec le PMSD. La situation se corsera parce que Xavier-Luc Duval, qui joue bien son rôle de leader de l'opposition, ne compte pas aller s'asseoir au Réduit, tout comme Bérenger, qui pense qu'il peut encore contribuer de manière active avant d'aller planter des fruitiers au Réduit, en écrivant ses mémoires comme l'inégalable Lider Maximo de la politique mauricienne, au départ antidynastique, aujourd'hui pro-dynastie Bérenger.

La saison tire à sa fin, une autre se prépare. Pravind Jugnauth ne veut pas traverser le désert, ayant goûté au pouvoir suprême. Son rival en a marre de ramer dans l'opposition. Leur affrontement cette année va provoquer des secousses profondes et va redessiner le paysage politique, alors que les «petits» partis, qui tentent difficilement de se muer en troisième force, n'arrivent pas à s'entendre entre eux, malgré la tentative de Rezistanz ek Alternativ de les réunir autour d'une table (pour discuter réforme électorale et amendements constitutionnels). Les petits partis finissent par imploser au lieu de faire exploser le système que dénonce Nazurally, qui attend, lui, que son leader se réveille...

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