Tunisie: Gaspillage alimentaire - Quels moyens de lutte ?

20 Mars 2024

Le gaspillage alimentaire coûte à chaque Tunisien 64 dinars par mois en moyenne. Soit 66% des produits alimentaires sont jetés durant le mois du Ramadan dont le pain (46%), les fruits (30%), les pâtisseries (20%), les viandes (19%), le lait et dérivés (18%), les légumes (14%), les boissons (13,4%) et les oeufs (5%). Alors, comment peut-on y faire face ?

Dans le cadre du projet dialogues nationaux autour de l'économie bleue et le gaspillage alimentaire, une journée d'information et de formation à l'intention des journalistes actifs dans les domaines de l'environnement et du développement durable a eu lieu, récemment, à la Cité des sciences à Tunis.

Ce projet a été présenté par Samir Meddeb, président de l'Association Racines et développement durable (RDD), abordant la place des modes de consommation et de production durable et l'économie circulaire dans le développement. Selon Mme Meryam Barakety, membre du projet ProtecT parrainé par la GIZ, agence de coopération allemande, une stratégie et un cadre réglementaire en matière de gaspillage alimentaire manquent à ce jour en Tunisie. Le point focal est d'apprendre à valoriser le patrimoine de la mer en limitant le gaspillage alimentaire et en valorisant l'économie bleue. De son côté, Ridha Abbess, consultant en environnement et gestion des déchets, est entré dans le vif du sujet, évoquant les outils de lutte contre le gaspillage alimentaire : «Tout peut être traité dans le cadre de l'économie circulaire pour modérer la consommation et rationnaliser les achats», fait-il remarquer.

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Un jour du dépassement coûte cher !

Tout compte fait, l'humanité consomme actuellement plus de ressources que celles créées par la planète. Cela détruit les écosystèmes qui nous soutiennent et met en péril les besoins de nos générations futures. Les ressources de notre planète s'épuisent, mais les populations continuent de croître. Si la population mondiale atteint 9,8 milliards d'habitants en 2050, l'équivalent de près de trois planètes sera nécessaire pour fournir les ressources naturelles essentielles au maintien des modes de vie actuels. L'empreinte matérielle par habitant dans les pays à revenu élevé est 10 fois supérieure à celle des pays à faible revenu. Une mesure est sans équivoque à ce sujet, c'est celle du «jour du dépassement».

M. Abbess a présenté un histogramme intitulé «Earth Overshoot Day» qui indique le jour du dépassement à l'échelle mondiale, sur la période 1971-2022. Ainsi, le jour du dépassement marque la date à partir de laquelle, chaque année, nous avons consommé toutes les ressources que notre planète peut régénérer en une année. A ce titre, le 13 octobre 2022 a constitué le jour du dépassement pour la Tunisie. On remarque que le jour du dépassement dans le monde recule considérablement, alors qu'il était en toute fin d'année en 1971, il se situe en fin du mois de juillet en 2022, ce qui est néfaste pour la planète... Dès lors, quelques actions pour reculer le jour du dépassement ont été dévoilées par le WWF (Fonds mondial pour la nature), dont celle du frein du gaspillage alimentaire : reforester 350 millions d'hectares pourrait ainsi décaler la date du dépassement de 8 jours; réduire de moitié la consommation mondiale de viande ferait reculer la date du dépassement de 17 jours; diviser par deux l'empreinte carbone de l'humanité permettrait de faire reculer le dépassement de 93 jours, soit de trois mois environ; diminuer de 50% le gaspillage alimentaire dans le monde ralentirait le dépassement de 13 jours.

On jette 900.000 baguettes par jour

En Tunisie, la lutte contre le gaspillage alimentaire est devenue une nécessité, sachant que les Tunisiens jettent 900.000 baguettes par jour selon des chiffres révélés. Même si des voix ont relativisé, en prétextant que le Tunisien consomme 30% de pains en moins durant Ramadan. Alors, les modes de consommation et de production durables sont privilégiés pour rompre avec les mauvaises habitudes alimentaires.

Comment peut-on y faire face ? Garantir des modes de consommation et de production durables, chose essentielle pour préserver les moyens de subsistance des générations actuelles et futures. D'ici 2030, l'on prévoit de réduire de moitié à l'échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant au niveau de la distribution comme de la consommation et réduire les pertes de produits alimentaires tout au long des chaînes de production et d'approvisionnement, y compris les pertes après récolte. Les pertes et le gaspillage alimentaire existent à tous les stades de la chaîne alimentaire : production, transformation, au niveau de l'importation avec la distribution et la commercialisation des biens et marchandises, au niveau des activités culinaires dans la restauration et la consommation.

Et les chiffres sont têtus : «1,3 milliard de tonnes de nourriture sont gaspillés chaque année. Tandis que près de 2 milliards de personnes souffrent de faim ou de malnutrition. Le secteur alimentaire représente environ 22% des émissions totales de gaz à effet de serre, en grande partie à cause de la conversion des forêts en terres agricoles. A l'échelle mondiale, 2 milliards de personnes sont en surpoids ou obèses». La question du gaspillage alimentaire est importante en Tunisie, mais pas de la même ampleur que dans les pays développés. La conjoncture socioéconomique affecte la consommation et le gaspillage alimentaire. «Le gaspillage du pain est le plus marquant, probablement à cause des subventions», fait remarquer M. Abbess. Cela coûte à chaque Tunisien 64 dinars par mois en moyenne : «66% des produits alimentaires jetés durant le mois du Ramadan dont le pain représentent 46%, les fruits 30%, les pâtisseries 20%, les viandes 19%, le lait et dérivés 18%, les légumes 14%, les boissons 13,4% et les oeufs (5%)», selon une enquête réalisée par l'Institut national de la consommation (INC).

Un plan d'action national en quatre axes

En fait, le plan d'action national sur les modes de production et de consommation durables (PAN MPCD agro-alimentaire 2016-2025) comporte 4 axes stratégiques et des objectifs opérationnels. Le premier axe vise à garantir une production agricole durable et adaptée à l'industrie par la rationalisation de l'utilisation des ressources naturelles et la réduction des sources de nuisance (pesticides et déchets), par la promotion des pratiques agricoles durables et le savoir-faire local et le fait d'assurer la viabilité de l'activité agricole. Le deuxième vise à élaborer des produits durables utilisant des procédés écologiques par la rationalisation de la consommation d'énergie, d'eau et des autres intrants. Développer l'aspect social et sociétal au niveau de l'industrie. Réduire et valoriser les rejets. Alors que le troisième axe va permettre de promouvoir les circuits de distribution qui valorisent les produits durables, soit promouvoir la distribution des produits issus de modes de production ou d'approvisionnement durables et lutter contre les marchés parallèles.

Enfin, le quatrième axe va permettre de promouvoir la culture de consommation durable et inciter à l'élimination sélective des déchets, en assurant la transparence et la diffusion de l'information, l'ancrage de la dimension environnementale dans le comportement des consommateurs et renforcer le tri et le développement de la consommation des produits labellisés.

Mais alors, quelle approche de lutte contre le gaspillage alimentaire ? Il y a une approche individuelle dans laquelle chacun de nous doit identifier les sources de son gaspillage pour les éviter. Idem, une approche sectorielle pouvant être appliquée dans le secteur hôtelier et de restauration, l'industrie agroalimentaire, mais aussi dans les espaces commerciaux et de distribution. De même, il y a une approche communautaire et locale où les villes et les communes doivent identifier les sources potentielles de gaspillage et adopter des mesures de contrôle efficaces. Et partant, l'Etat, lui, doit suivre, en mettant en place un cadre réglementaire et incitatif contre le gaspillage alimentaire. Enfin, une approche internationale pour assurer la sécurité alimentaire.

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