Ile Maurice: Le double jeu des incitations commerciales et de la collecte des données

Alors que la controverse autour du réenregistrement obligatoire des cartes SIM continue à prendre de l'ampleur, le gouvernement agit activement pour inciter la population à réenregistrer ses cartes. Récemment, les utilisateurs des cartes Emtel ont reçu des messages les invitant à échanger leurs anciennes cartes contre de nouvelles «free of cost» avec plus d'avantages. Cette démarche semble désespérée pour encourager le réenregistrement des cartes SIM. Parallèlement, il semble que les opérateurs ne peuvent plus stocker les informations sur leurs propres systèmes, mais doivent utiliser le «système et l'appareil» fournis par le gouvernement pour sauvegarder toutes les données de leurs clients. Cette situation soulève des inquiétudes croissantes car elle signifie que le client n'est plus uniquement lié à l'opérateur, mais aussi au gouvernement sans nécessairement en être conscient.

Alors que les débats sur un sursis à l'exécution des Règlements 2023 sur les technologies de l'information et de la communication sont prévus pour le 25 mars, la date limite pour réenregistrer les cartes étant le 30 avril, le gouvernement, par le biais des opérateurs, s'active pour encourager davantage de personnes à réenregistrer leurs cartes SIM. Bien que de nombreux utilisateurs se soient déjà conformés à cette exigence, des préoccupations persistent quant à la collecte des données personnelles lors de ce processus. Certains utilisateurs ont été surpris de constater que les opérateurs détenaient déjà l'ensemble de leurs données personnelles. Une récente découverte choquante a également été faite par des utilisateurs.

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Alain Sheratan, un utilisateur d'Emtel, a témoigné qu'il s'est rendu dans un magasin pour acheter un téléphone portable et a été informé que l'opérateur ne dispose plus de son propre système pour enregistrer les informations des clients. Au lieu de cela, les opérateurs doivent utiliser un «appareil fourni par le gouvernement». Cette révélation soulève des questions sur la confidentialité des données car il est désormais clair que le gouvernement a accès à toutes les données et contrôle toutes les informations, ce qui amène les clients à signer un accord avec le gouvernement sans forcément en être conscients. «La représentante m'a bien fait comprendre que la compagnie ne se sert plus de son système mais de celui fourni par le gouvernement, et qu'il faut suivre les règlements. Ce n'est même pas une loi, mais un règlement. Je trouve que c'est du chantage et du forcing que le gouvernement veut faire en imposant une date d'échéance sous menace que la carte sera désactivée. C'est la première fois que j'entends que le gouvernement a donné un appareil aux opérateurs pour enregistrer les informations.»

La question qui se pose est de savoir si les opérateurs auront toujours accès à ces informations sauvegardées sur l'appareil du gouvernement. Alain Sheratan, qui est aussi membre du collectif Pas tous nou SIM card, exprime son incompréhension face à cette pression pour réenregistrer les cartes alors qu'une affaire est en cours. Il se demande si ces informations pourraient éventuellement être utilisées à des fins électorales, vu le temps disponible entre avril et la date des élections pour mettre en place un système de vote électronique.

Le récent message envoyé par Emtel à ses utilisateurs, les incitant à changer leurs anciennes cartes SIM contre des nouvelles gratuites pour bénéficier d'une meilleure expérience mobile, suscite des interrogations quant à ses véritables motivations. Cette offre qui semble généreuse pourrait cacher un aspect moins évident : le processus de réenregistrement obligatoire pour ceux qui optent pour le remplacement de leurs cartes. Ce processus implique également de revalider les informations de chaque utilisateur, conformément aux directives imposées par les autorités. Pour plusieurs, cette initiative de la part d'Emtel soulève donc des questions sur la transparence et la communication autour de ces changements, ainsi que sur l'impact réel pour les utilisateurs qui souhaitent simplement profiter d'une meilleure expérience mobile.

Risques de dérogations/malversations

Les nouveaux règlements pour le réenregistrement des cartes SIM à Maurice ont été mis en place dans le but de renforcer la sécurité des abonnés. L'objectif est que chaque carte SIM soit enregistrée au nom de son utilisateur pour contrer les fraudes, les usurpations d'identité et autres actes malveillants qui peuvent compromettre la sécurité des communications et des données personnelles.

Cependant, malgré ces intentions, des préoccupations subsistent quant à l'efficacité réelle de ces règlements. Pour ceux qui se trouvent dans l'incapacité de fournir tous les documents requis pour le réenregistrement de leurs cartes SIM, cette situation pourrait conduire à des pratiques dérogatoires/véreuses, où des individus pourraient faire acheter/ enregistrer les cartes par des tiers, contournant les mesures de sécurité prévues. Ces malversations et manoeuvres risquent de compromettre le véritable objectif de ces règlements, qui est de lutter efficacement contre l'usurpation d'identité et les actes malveillants dans le domaine des télécommunications. Le réenregistrement des cartes SIM signifie seulement que le gouvernement aura accès à un ensemble de données sensibles sans aucune garantie.

La question des travailleurs étrangers

Dans un article paru hier, nous faisions état d'un Malgache à qui son employeur avait consenti à rendre son passeport, à condition qu'il achète une carte SIM. Nous avons interrogé le syndicaliste Fayzal Ally Beegun sur la pratique et la circulation des cartes parmi les travailleurs étrangers. «Une fois arrivés à Maurice, les travailleurs achètent une carte SIM pour rester en contact avec leur famille. Pour l'obtenir, ils doivent fournir une preuve d'adresse, délivrée par leur employeur, un permis de travail et un permis de séjour, en sus de leur passeport. Les entreprises n'ont pas le droit de récupérer les cartes SIM une fois que le contrat de l'employé est terminé.» Il conseille aux travailleurs de détruire leurs cartes SIM avant de quitter le pays pour éviter qu'elles ne soient utilisées par des trafiquants de drogue.

Il lance un appel aux entreprises employant des travailleurs étrangers. «Je leur demande de mettre un communiqué sur les panneaux d'affichage demandant aux travailleurs d'enregistrer leur SIM avant la fin d'avril. Ce message devrait être diffusé en plusieurs langues pour que les ouvriers puissent le comprendre.»

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