Sénégal: Bassirou Diomaye Diakhar Faye - Au nom de l'honneur et de la dignité

26 Mars 2024

Le président de la République élu, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est un produit du monde rural, méthodique. Ses proches saluent sa rigueur.

À quoi peut penser Bassirou Diomaye Diakhar Faye au moment où sa victoire à l'élection présidentielle du 24 mars 2024 est annoncée ? À son enfance en milieu rural à Ndiandiaye, un village de la commune de Ndiaganiao ? À sa maman Khady Diouf qu'il aidait très souvent dans les tâches ménagères ? À son père, Samba Faye, ancien technicien agricole, responsable socialiste et compagnon d'un certain Niadiar Sène ? À son grand-père Ndiouma Kor Faye, ancien combattant qui s'est vaillamment battu pour la création d'une école au village en 1946 ? À son anniversaire inoubliable de cette année ou à sa nouvelle mission de Chef d'État ?

Cet inspecteur des Impôts et des Domaines qui a flirté avec le monde syndical et le milieu associatif a maintenant la lourde charge de mener aux destinées du Sénégal. Il est élu président de la République du Sénégal dans un contexte géopolitique mondial on ne peut plus agité, où l'extrémisme gagne du terrain dans le Sahel et où le nouveau type de citoyen est devenu plus exigeant, veut tout et tout de suite. C'est un moment où ce citoyen nouveau, irrigué par le « big data », n'a plus la patience d'attendre ou d'apprendre. Dans un contexte pareil, sa période de grâce peut être beaucoup plus courte, comparé à celles de ses prédécesseurs.

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Mais pour ceux qui le connaissent, cet énarque a un destin présidentiel. Son grand père Ndiouma Kor Faye est un ancien combattant de la première guerre mondiale qui a été gravement blessé lors de la bataille de Verdun. Une fois de retour au pays, ce propriétaire terrien et chef du village de Ndiandiaye s'oppose à la maltraitance des populations locales qui étaient soumises aux travaux forcés collectifs de toutes sortes. Il a été arrêté de force et mis en prison à Podor sept mois durant. Ayant compris le rôle central de l'école comme ascenseur social, le grand-père du Président élu s'est battu pour la création d'une école publique à Ndiaganiao.

C'était en 1949. En 1997, les ressortissants de Ndiaganiao lui ont rendu un vibrant hommage avec à la clef un concert avec des sommités africains-américains du reggae. Ils ont par la suite créé une fondation à lui dédiée. Plus tard, pour couronner le tout, les habitants de Ndiaganiao ont baptisé le lycée de la localité à son nom. Quant au père de Bassirou Diomaye Faye, il a aussi été chef de village. Ancien technicien agricole, il a sillonné le monde rural pour former les agriculteurs à l'usage de la petite machinerie agricole. Il a également milité activement au Parti socialiste, sous la houlette du défunt Ousmane Tanor Dieng, et avec Niadiar Sène, ancien député et dernier président de la communauté rurale de Ndiaganiao.

Valeurs cardinales

Son frère Pape Ndiouma Kor Faye, homonyme de son grand père, est le censeur du lycée éponyme. Il retient de lui un très brillant élève. « Quand on est né et on a grandi dans ce milieu où l'éducation et le travail sont des valeurs cardinales, on a toujours une motivation supplémentaire pour exceller. Cela te pousse à l'effort. Bassirou est méthodique et s'est imposé une rigueur depuis qu'il est tout petit », témoigne-t-il. « En plus, explique le frère, en tant que descendant de Ndiouma Kor Faye, on n'a pas le droit de faire certaines choses, nous disait-on très souvent ».

Mor Sarr, son ami d'enfance est optimiste. Ce secrétaire général de la section communale de l'ex-Pastef de Ndiaganiao estime que Diomaye a la tête sur les épaules. Des épaules suffisamment larges pour supporter le poids de la charge. « Au collège, il était fort en littérature et moi dans les matières scientifiques. On s'est connu et on est devenu des amis depuis lors. Ce qui forge ses relations avec les autres, c'est l'excellence. Il est méthodique et peut payer tout l'or du monde pour le savoir », atteste M. Sarr qui est le parrain d'un des enfants de Diomaye.

Après le Baccalauréat obtenu au lycée Demba Diop de Mbour, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a fait la Faculté de Droit de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar d'où il est sorti avec une maîtrise avant d'intégrer l'École nationale de l'administration (Ena). Il réussit en même temps le concours de la magistrature. L'un de ses prénoms est une forme contractée du mot seereer Jiom (honneur, amour propre, dignité personnelle, pudeur, émulation) et May (plein) qui donne Jiom May, (celui qui est plein d'honneur et de dignité). L'autre prénom Diakhar signifie « qui ne peut avoir peur, qui n'est pas peureux, qui est courageux, hardi ».

Très tôt au service des siens

Adolescent, Bassirou aimait servir sa communauté, raconte Mor Sarr son ami des années de collège. « Il a créé une association des anciens du collège de Ndiaganiao, devenu plus tard lycée, pour fédérer les jeunes. Avec une partie de sa bourse d'étudiants, il achetait des livres de seconde main pour les jeunes du village. Il organisait aussi des cours de vacance à leur profit », se souvient M. Sarr. Comme tous les enfants de sa contrée, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a été initié au « Ndut » ou case de l'homme qui signifie littéralement « Nid ». Dans le Ndut, écrit l'ancien député et ancien sénateur libéral Grégoire Birame Ngom, on met en oeuvre quatre moyens d'éducation : (les chants, les devinettes, les épreuves physiques, la pédagogie nominale).

« Durant toute la période du Ndut (un à trois mois) règnent l'ordre, l'harmonie, l'équilibre et la sécurité dans le village. Le Ndut est marqué par une éducation visant à inculquer aux initiés les hautes valeurs et conduites qu'exige la société traditionnelle : le courage, le sacrifice, le don de soi au profit de la société, la solidarité, le respect de la parole donnée, le culte de l'honneur, la dignité, l'endurance, etc. », témoigne l'homme politique. Cette étape de la vie de l'homme en pays seereer, où l'on apprend aussi à se contenter de ce que l'on a et toujours être bienveillant à l'égard de l'autre, a forgé aussi la vie du prochain locataire du Palais de l'avenue Léopold Sédar Senghor, qui a assisté très souvent sa maman dans les travaux domestiques.

Humilité

Un peu avant la fin de la campagne électorale, Bassirou Diomaye Faye a fait sa déclaration de patrimoine. Il a, entre autres, des comptes créditeurs. Son homonyme qui est enseignant-chercheur en Stratégie en développement politique, n'est pas surpris de l'acte de son filleul. Il rappelle que son père qui est le grand père de Diomaye avait, en 1966, refusé une proposition de prêt de 10 millions de FCfa faite par le Président Léopold Sédar Senghor en vue de valoriser ses terres. « La terre n'est pas à vendre, c'est une propriété matrimoniale », rétorquait l'aïeul au Président-poète qui avait pourtant accordé le même prêt aux « Lamanes » (propriétaires terriens) de l'époque.

Bassirou Diomaye Faye aime le répéter à qui veut l'entendre, il vient régulièrement au village pour voir la famille et les parents. « Il est attaché à son terroir. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a tenu coûte que coûte à se marier à une femme du village pour pouvoir garder le contact avec le pays natal », précise Mor Sarr. En plus d'être initié à la case de l'homme, le ressortissant de Ndiandiaye a évolué dans le milieu associatif. Cet ancien joueur de « navétanes », a été le plus jeune président de l'association sportive et culturelle (Asc) de Ndiandiaye. Il a aussi initié des journées de consultation médicale et offert une ambulance au dispensaire de sa commune.

« Humilité, politesse, patience... »

Pour bien remplir l'exaltante mission qui l'attend, son homonyme Diomaye Faye l'invite « à garder son humilité, le sens de l'écoute, la politesse et la patience ». Un conseil que Mor Sarr et Pape Ndiouma Kor Faye s'approprient. Ce dernier l'invite, quoiqu'il advienne, à entretenir de bons rapports avec ses « amis d'hier », notamment ses frères politiques mais aussi sa famille biologique. « Il ne doit pas oublier qu'il est issu du monde rural et est porté au pouvoir par les jeunes », renchérit-il.

En attendant, Bassirou Diomaye Diakhar Faye pourra savourer la vie avec Marie Khone Faye et Absa Faye, ses deux épouses, mais aussi sa fille Coumba et ses fils Abdou Karim, Mor Talla et Ousmane Sonko. Une autre vie commence pour l'homme qui a soufflé ses 44 bougies hier.

PROGRAMME DE BASSIROU DIOMAYE FAYE

Une offre souverainiste

Élu président de la République à l'issue du scrutin du 24 mars, Bassirou Diomaye Faye devra très vite faire face à l'épreuve du pouvoir. Cela commence par la mise en oeuvre du programme qu'il a soumis aux Sénégalais.

Bassirou Diomaye Faye a largement remporté le scrutin du dimanche 24 mars. Mais que propose-t-il aux Sénégalais ? Son programme se présente comme « une offre politique de réappropriation de la souveraineté nationale en matière de gestion des ressources naturelles, de diplomatie, de défense et de sécurité ». Deux points ont essentiellement retenu l'attention des analystes avant le scrutin. Ce qui, d'ailleurs, avait poussé le duo Sonko-Diomaye à faire une mise au point lors de leur conférence de presse à leur sortie de prison pour apporter certaines précisions.

Le premier concerne la création d'un poste de vice-président. Une proposition visant à réduire les « prérogatives proéminentes » du président de la République. Toutefois, on ne sait pas si une telle réforme va s'appliquer à partir de ce quinquennat. L'autre point ayant fait l'objet de vifs débats dans les médias porte sur la création d'une monnaie nationale. Une proposition qui ravive le débat sur le franc Cfa, même si le candidat Diomaye avait assuré privilégier une approche communautaire. La réforme de la justice constitue également un point phare du programme du président nouvellement élu, avec notamment le remplacement du Conseil constitutionnel par une Cour constitutionnel aux pouvoirs renforcés et une réforme du Conseil supérieur de la magistrature afin de renforcer l'indépendance de la justice vis-à-vis de l'Exécutif. La reddition des comptes et le renforcement de la compétence des corps de contrôle s'inscrit dans cette dynamique à travers la mise en place d'un parquet national financier et la suppression des fonds dits « politiques » qui seront remplacés par des fonds spéciaux.

Sur le plan économique, le nouveau président promet « un Sénégal prospère, avec le plein emploi productif, un travail décent pour tous, et une réduction de la pauvreté sous toutes ses formes ». « Nous ferons de la baisse des prix des denrées de première nécessité une priorité absolue de notre première année de gouvernance », promet-il aux ménages durement éprouvés par le coût de la vie.

La souveraineté alimentaire, la protection de l'environnement, le capital humain, les infrastructures, l'innovation technologique et l'érection de pôles économiques de développement figurent également en bonne place dans le programme du nouveau président. Pour financer les projets clés de son programme, il mise sur l'optimisation des dépenses fiscales (exonérations) - qui ont atteint 6 354,89 milliards de FCfa sur la période 2013-2021 - les transferts de la diaspora, les Ppp, mais surtout la création d'un fonds de développement et d'une banque publique d'investissement.

VICTOIRE DU CANDIDAT DE LA COALITION « DIOMAYE PRÉSIDENT »

Le mythe de la prison et le dépassement de la personne, ces points gagnants d'une campagne électorale

Plusieurs aspects peuvent expliquer le résultat obtenu par le candidat de la coalition « Diomaye Président » au scrutin présidentiel du 24 mars 2024, dès le premier tour. Selon certains observateurs de la scène politique sénégalaise, le mythe de la prison ainsi que le dépassement de la personne dont a fait preuve Ousmane Sonko, leader et concepteur du projet de l'ex-Pastef, sont entre autres des facteurs qui ont été déterminants dans cette consécration.

« Faire campagne, c'est comme marcher dans un labyrinthe. Si vous prenez un mauvais virage au début, tout ce qui suit sera également erroné », disait le célèbre politologue Français, Louis Perron. Cette boutade, on peut soutenir sans se tromper que les responsables de la coalition « Diomaye Président », en ont fait la leur en la prenant par le bon bout. En effet, dès leur sortie de prison, après près d'une année d'emprisonnement, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, candidat de la coalition « Diomaye Président » et son mentor Ousmane Sonko, ont réussi à dérouler devant les Sénégalais une sorte de récit voire un conte, selon certains.

Comme le soutient le professeur Sahite Gaye, spécialiste en communication des organisations, le mythe de la prison a eu un effet notoire dans la mobilisation des Sénégalais autour du projet défendu par le candidat de la coalition « Diomaye Président » lors de la campagne électorale. En un moment, rappelle-t-il, des gens disaient même « De la prison au Palais ». Et de l'avis du spécialiste, « la sortie de prison et l'accueil populaire d'Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye ont beaucoup joué durant cette campagne car en un moment donné, c'était comme un conte qui se déroulait devant les gens. On était même dans une sorte de récit », affirme le Pr Gaye.

Un avis qu'il partage avec Bacary Domingo Mané. Analyste politique, M. Mané estime qu'en libérant Diomaye et son mentor, Ousmane Sonko, en pleine campagne électorale, cela a eu un effet de surprise et de découverte auprès des masses populaires. Pour preuve, il renvoie les esprits à la déferlante qui a suivi la libération des deux hommes dans les rues de Dakar. S'y ajoute aussi, l'aura d'Ousmane Sonko. Quelqu'un qui, comme le reconnaît M. Mané, a ce don de drainer des foules. « Le phénomène Sonko a eu un effet d'entraînement des masses durant cette campagne électorale », a soutenu l'analyste politique. Il cite comme preuve, le rush de certaines personnalités de l'État vers le candidat qu'il a désigné depuis la prison ainsi que l'adhésion de nombre d'alliés au projet que compte incarner la coalition « Diomaye Président » une fois aux affaires.

M. Mané demeure convaincu que ce phénomène a eu un effet et a beaucoup contribué à polariser l'attention des Sénégalais autour du candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye lors de cette campagne présidentielle. La témérité des deux hommes face à aux attaques et autres « injustices », ajoute M. Mané, ont été aussi des facteurs à ne pas négliger. « Voilà des gens qui ont subi une injustice depuis 2021. Ils ont été persécutés et des vies ont été perdues durant cette épreuve notamment chez les jeunes. Des milliers de familles ont eu le coeur meurtri. Des milliers de jeunes se sont retrouvés derrière les barreaux et ici dans notre pays, on n'est en famille nucléaire. Donc, ce sont des milliers de familles qui ont été concernées par tout cela et c'est ce qui s'est traduit durant la campagne électorale et lors du scrutin », a souligné le journaliste. Il revient sur l'épisode de l'attaque dont a été victime le cortège de Ousmane Sonko à l'étape de Kaffrine où celui-ci a fait preuve de courage en défiant des nervis. « Cette image a été gardée dans le subconscient des Sénégalais surtout des jeunes qui, le jour du scrutin, ont décidé de manifester cela dans les urnes », a dit Bacary Domingo Mané.

Sahite Gaye de mentionner avec insistance aussi le fait que le leader de l'ex-Pastef, Ousmane Sonko ait réussi à « dépasser son personnage pour ne parler que de projet » durant tout leur parcours. « Cela a démontré encore une fois que Ousmane Sonko met en avant le projet de leur formation politique. Il a pu dépasser la personne qu'il incarne pour ne parler que de projet. À Pastef, ce n'était plus une question de personne même si souvent, on dit que la présidentielle, c'est la rencontre d'une personne et d'un peuple », a fait savoir M. Gaye. Sonko dit-il, a réussi à casser le culte de la personnalité au niveau de son parti et à dépasser ce code qui veut que c'est le leader qui doit toujours être au-devant de la scène.

En disant aux populations que « Sonko moy Diomaye, Diomaye moy Sonko », le leader de l'ex-Pastef a fait preuve de dépassement, selon lui. Selon Sahite Gaye, c'est une des raisons qui justifient aussi le fait que, dans ce parti, le slogan se résumait depuis 2019 à « Jotna », (il est temps). « Malgré les péripéties, Sonko et Diomaye ont réussi à faire ancrer cela dans la tête des populations en leur disant que ce n'est pas une question de personne. Et cela a joué beaucoup durant cette campagne », note le spécialiste en communication des organisations. Le dépassement du culte de la personnalité s'est traduit aussi par la décision prise par Ousmane Sonko de se séparer momentanément de son candidat, durant la campagne électorale, pour le laisser faire cavalier seul dans certaines étapes, note M. Gaye. « À travers ce geste, Sonko a voulu démontrer aux Sénégalais que le projet ne se résume pas à sa personne et que Diomaye est capable de porter celui-ci ». « Il n'a pas hésité à se détacher de son image et à aider Diomaye à étendre le projet », a-t-il indiqué.

Sahite Gaye n'occulte pas aussi le fait que la formation politique de Diomaye dispose d'un appareil solide. « Dans une élection cela joue énormément. Un appareil cela veut dire qu'au-delà du programme ou du projet, des cellules sont érigées et divulguent l'esprit du parti », a fait savoir M. Gaye.

Les réseaux sociaux ainsi que la jeunesse ont également joué un rôle important dans les messages véhiculés par les responsables de la coalition « Diomaye Président », notent nos interlocuteurs.

COALITION « DIOMAYE PRÉSIDENT »

D'une petite ossature à un grand ensemble politique

Investi comme candidat par Ousmane Sonko, alors qu'il était en prison, Bassirou Diomaye Faye a ratissé large pour bâtir une grande coalition électorale qui regroupe plusieurs obédiences politiques. La machine électorale s'est finalement révélée efficace.

« Je n'ai pas choisi Bassirou Diomaye Faye par amour, par proximité ou par préférence, mais par réflexion objective et choix stratégique. Ce n'est pas un choix de coeur, mais de raison ». Quand, en novembre dernier, Ousmane Sonko annonçait son choix pour l'élection présidentielle dans une vidéo certainement préenregistrée avant son emprisonnement, Bassirou Diomaye Faye (lui aussi en prison à l'époque), était, avec d'autres compagnons politiques, dans la sphère décisionnelle de l'ex-parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef-Les patriotes).

Avec les péripéties qui ont accompagné son emprisonnement et sa radiation des listes électorales, Ousmane Sonko avait mis sur la table plusieurs options que certains avaient qualifiées de plan A, B ou C. Ainsi, en dehors de la candidature de Bassirou Diomaye Faye, Habib Sy et Cheikh Tidiane Dièye, tous deux alliés d'Ousmane Sonko dans la coalition comme « Yewwi Askan Wi », ont pu bénéficier des parrainages parlementaires et citoyens avec le soutien de l'ex-parti Pastef.

En prison depuis le 14 avril 2023 et poursuivi pour « outrage à magistrat » et « appel à l'insurrection », Bassirou Diomaye Faye n'était pas encore choisi et ne courrait pas donc le risque d'une condamnation qui allait le priver de ses droits civiques. Si quelques alliés de « Yewwi Askan Wi », dont Khalifa Sall, Déthié Fall, Malick Gakou et le Pur, sont partis de leurs propres ailes pour la présidentielle, il restait ainsi quelques formations politiques qui ont constitué la première ossature de la coalition « Diomaye Président » à l'image du parti « Sénégal en Tête » de Moustapha Guirassy. Ce dernier qui avait investi Ousmane Sonko comme candidat deviendra, par la suite, le Directeur de campagne de la coalition « Diomaye Président ».

C'est surtout après la publication de la liste des candidats pour la présidentielle par le Conseil constitutionnel, le 13 janvier 2024, que la coalition « Diomaye Président » a obtenu le ralliement de beaucoup de candidats recalés dans l'étape du parrainage, tels que l'ancien Premier ministre Aminata Touré ou encore l'ancien Ministre de l'Enseignement supérieur Mary Teuw Niane. Cette dynamique de ralliement s'est ainsi poursuivie pour faire de la coalition « Diomaye Président » un grand ensemble politique à l'image de la coalition « Benno Bokk Yaakaar », créant ainsi une bipolarité électorale. Le ralliement le plus marquant à la coalition « Diomaye Président », finalement victorieuse de l'élection présidentielle, est sans doute celui du Parti démocratique sénégalais. Ensemble lors des législatives de juillet 2022 dans le cadre de l'inter-coalition « Yewwi-Wallu », le Pds avait pris ses distances pour se rapprocher de la mouvance présidentielle. Mais, à deux jours de l'élection, ledit parti apporte son soutien au candidat Bassirou Diomaye Faye par le biais d'un communiqué, suivi d'une audience entre ce dernier et son Secrétaire général, Me Abdoulaye Wade.

JEUNES, GOUVERNANCE...

Les raisons d'une défaite, selon Pr Yaya Bodian

Le contexte économique difficile, politique délétère, le fort désir de changement notamment de la frange jeune de l'électorat sont, entre autres, les raisons avancées par Yaya Bodian, Agrégé de droit de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'Ucad pour expliquer la défaite du candidat de la coalition au pouvoir au premier tour de l'élection présidentielle du 24 mars 2024.

Les partisans d'Amadou Bâ ne s'attendaient pas à une défaite de leur candidat au premier tour. Le pire scénario imaginable pour eux était un deuxième tour. Mais à la publication des premiers résultats sortis des urnes et au fur à mesure que la presse égrenait le verdict des centres de vote à travers le pays, ils ont commencé à déchanter. Amadou Bâ a reconnu, hier, sa défaite et félicité Bassirou Diomaye Faye. Sans se livrer à une fine analyse des résultats de l'élection présidentielle du 24 mars 2024, le professeur Yaya Bodian, Agrégé des facultés de sciences juridiques et politiques de l'Université Cheikh Anta Diop, donne quelques éléments d'appréciation sur les raisons de l'échec du candidat de la coalition au pouvoir « Benno Bokk Yaakaar ».

L'enseignant note d'abord un contexte économique difficile qui pèse sur les ménages notamment sur ceux qui ont des revenus modestes. À cela s'ajoute les tensions politiques exacerbées, le 03 février 2024, par l'annulation du décret convoquant le corps électoral, à quelques heures du démarrage de la campagne électorale. Un acte qui n'a pas manqué de courroucer de nombreux Sénégalais qui, dans les urnes, n'ont pas hésité à sanctionner le candidat Amadou Ba.

Désir de changement

Comme facteur explicatif, le professeur Yaya Bodian avance également un fort désir de changement notamment de la frange jeune de l'électorat qui voulait se débarrasser du « système » ; ce qui s'est traduit par une forte mobilisation des électeurs sénégalais. Plusieurs facteurs ont contribué à ce désir de changement. Il y a une frustration face au chômage et aux inégalités. Beaucoup de jeunes se sentent exclus des opportunités économiques alors qu'ils aspirent à un système qui leur offre plus de chances de réussir. Ils demandent aussi une meilleure gouvernance parce qu'ils sont conscients des problèmes de corruption et de mauvaise gestion qui affectent le pays, poursuit Pr Bodian.

Les jeunes exigent aussi un système plus transparent et plus responsable. Ils aspirent à un leadership plus jeune, plus dynamique, incarné par des leaders qui comprennent leurs préoccupations et qui sont à l'écoute de leurs aspirations d'où leur vote en faveur du candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye qui a obtenu presque partout dans le pays un score significatif grâce à leur mobilisation.

L'agrégé des facultés de droit pense aussi que le mode de désignation du candidat de la coalition « Benno Bokk Yaakaar » a frustré des militants de son bord et de potentiels électeurs qui ont vu en Amadou Ba, un candidat de Macky Sall.

Ces éléments d'appréciation peuvent expliquer la victoire au premier du candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye. Toutefois, ce fort désir de changement des Sénégalais est un défi pour le nouveau Président qui doit répondre aux aspirations des jeunes en s'attaquant aux problèmes de chômage, d'inégalités et de corruption. Il doit également mettre en place des politiques qui favorisent l'inclusion et leur participation dans la vie politique et économique du pays, recommande Yaya Bodian.

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