Tunisie: Ligue 1 / Une mauvaise gouvernance généralisée sur notre football - Non-assistance à clubs en danger !

1 Avril 2024

Avec des projections illusoires, des perspectives impossibles et des hauteurs inaccessibles, à l'exception de rares clubs au processus de gestion des risques efficiente, le cas du CAB notamment, nos clubs restent quasiment sans visibilité sur le reste de la saison.

Les temps sont durs pour les clubs tunisiens, pour la plupart avec des finances mises à mal. Aujourd'hui, la Ligue 1 professionnelle, ce miroir aux alouettes, ressemblerait plutôt à une division « amateurs » avec beaucoup de disparités entre les différents clubs. Pourquoi ? Parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Premièrement, est-il normal que certains clubs aient autant de joueurs salariés pour jouer à ce niveau? Doit-on s'interroger avec insistance sur les différences de moyens des clubs, au play-off comme au play-out, alors que pour le gros des troupes, même si les salaires proposés aux joueurs et entraîneurs sont indécents, la crise latente et persistante fait que ces traitements financiers ne sont pas toujours servis à temps (primes et indemnités comprises) ? Le cas de l'OB ces derniers jours, interpelle, mais aussi celui de la majorité de nos clubs sur toute une saison.

A l'exception de l'EST, cette saison et la précédente, quel club tunisien n'a pas eu affaire à des joueurs qui refusent de reprendre l'entraînement avant paiement des arriérés ? Bref, nous avons affaire à des clubs pros sur les statuts sans en avoir la condition morale. Et cette confusion n'épargne pas les gros budgets de la Ligue 1, ceux qui servent de locomotive au football tunisien. Le cas du CA avant-hier, celui du CSS hier et l'exemple de l'ESS aujourd'hui. Pour l'Etoile d'ailleurs, avec des pertes colossales (un déficit record jamais atteint par le club de la perle du Sahel), la conjoncture actuelle est telle que personne jusque-là n'a fait acte de candidature pour succéder à Othman Jenayeh figure historique du club qui a tout fait pour sortir l'Etoile d'un «krach» certain.

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Ambiance précaire

Aujourd'hui donc, avec des projections illusoires, des perspectives impossibles et des hauteurs inaccessibles, à l'exception de rares clubs qui se sont distingués par une bonne gestion cette saison ( le cas du Stade Tunisien et aussi du CAB qui mise sur les jeunes du cru), nos ils clubs restent quasiment sans visibilité sur le reste de la saison. Et ils gagneraient donc à adopter des plans de rigueur et même d'austérité (pour compenser), diviser certaines primes de moitié aussi, couper là où ils peuvent (coupes budgétaires), bref, «faire des économies de bouts de chandelles», même si c'est un procédé dérisoire (on en est arrivé là!).

En fin de compte, s'il manque en fin de mois un petit reliquat de salaire, le compenser en amont par une «raideur» draconienne peut vous accorder un répit jusqu'au mois suivant et ainsi de suite. Insoutenable ambiance précaire dans le foot «pro» tunisien donc où le salut passe par l'impératif de se serrer la ceinture pour 99% de nos clubs d'élite. Ainsi, concrètement, les clubs jouent tous au même niveau, mais en termes de budget, ce n'est pas comparable. C'est donc constamment le cas d'un point de vue systémique: la majorité de nos clubs sont confrontés à de réelles contraintes externes pour leur financement, ce qui aboutit au déficit de financement des activités. Et que l'on ne vienne pas toujours blâmer les tenants des clubs, car la tutelle et la FTF ont la plus grande part de responsabilité. Car tout bien considéré, la Ligue 1 Professionnelle ne peut être manoeuvrée indépendamment du système social qui l'englobe, ni du système associatif qui fonde sa légitimité.

En Ligue 1, faute de leviers pour financer le foot et tenir tête en C1 et en C3 à la concurrence de la Botola Pro, du Championnat d'Algérie, de l'Egyptian Premier League et de la South African Football Association, à titre d'exemple, nos clubs peinent à rivaliser et à atteindre les phases avancées des compétitions continentales. Aujourd'hui, si les premières recettes du football tunisien proviennent des droits télé et du sponsoring, les stratégies markéting restent à la traîne. Or, c'est une bouffée d'oxygène partout dans le monde, qui, plus est, apporte souvent des ressources financières conséquentes avec tous les effets que cela induit.

Des clubs pros mais non affranchis

Sponsoring, communication, la réalité économique dans le monde du football est telle que nos clubs ne peuvent plus se permettre de «paresser» en attendant l'accompagnement de l'Etat-providence, qui, en Tunisie, poursuit une tradition d'intervention dans la gestion du sport en général dans différents domaines. Et en subventionnant le sport-roi à travers les collectivités territoriales, les autorités régionales, les pouvoirs publics (ministère de la Jeunesse et des Sports, municipalité, groupement d'intérêts régionaux), l'Etat retarde involontairement la vague d'insolvabilité qui guette nos clubs, modestes et huppés.

Ce qui ne fait que conférer à nos associations sportives le statut de «formations assistées» qui se limitent à attendre la subvention du gouvernorat, de la municipalité, du Groupement chimique tunisien, de la Compagnie des phosphates de Gafsa, de la Société tunisienne des industries de raffinage de Zarzouna et de la Régie nationale des tabacs et des allumettes par exemple (d'antan mais plus maintenant) pour fonctionner correctement !

Ce n'est plus possible aujourd'hui de s'en remettre uniquement aux pouvoirs et aux entreprises publiques pour gérer au mieux un club pro.

Ce ne sera même plus possible demain de compter uniquement sur le pouvoir central et les autorités régionales pour financer les équipements sportifs, rénover et construire de nouveaux stades. Dans ce cas précis d'ailleurs, l'on pourrait encourager le «naming », ce partenariat entre un club sportif et une entreprise désireuse de gagner en notoriété à travers la rebaptisation d'une enceinte sportive en y accolant son nom.

C'est un partenariat gagnant-gagnant puisque cette alliance peut déboucher sur la construction d'un stade aux frais de l'entreprise en question. En l'état, en Afrique (passons l'Europe qui a un train d'avance sur nous), l'on gagnerait à s'inspirer de l'expérience sud-africaine avec le Stade «First National Bank», autrefois connu sous le nom de Soccer City, l' «Ellis Park Stadium» dont les droits de naming sont conservés par Emirats, le «St George's Park Stadium» dont les droits de nanimg sont acquis par Dafabet, mais aussi au Rwanda où la «BK Arena» est devenue un véritable symbole de l'essor économique du pays, grâce à un accord de naming avec la Banque du Kigali. Bref, cet outil représente actuellement une nouvelle source de revenus pour les clubs, les ligues et les fédérations, tout en offrant aux marques une visibilité sans précédent.

La régulation par le fair-play financier

Depuis quasiment l'instauration d'un professionnalisme de façade, l'économie du football tunisien est fragilisée et l'on ne peut compter que sur la fidélité des inconditionnels à travers la billetterie et la manne de certains mécènes providentiels pour survivre. Il est donc temps de prendre de front les difficultés, au point de prendre des décisions radicales pour assainir avant de s'en remettre ensuite aux législateurs pour faire évoluer sa jurisprudence en droit du sport.

Tout d'abord, nos clubs doivent plafonner les salaires, soit revoir à la baisse les salaires des joueurs. Qu'on se le dise une bonne fois pour toutes, le début de régulation du système économique du football passe par là. Aujourd'hui, notre championnat d'élite accuse déjà un retard conséquent sur ses voisins maghrébins qu'il ne peut se permettre d'entretenir cet écart abyssal en termes de moyens (entre clubs) qui fait de la Ligue 1 tunisienne un championnat inégal.

Ce faisant, ceux qui estiment que le football tunisien gagne en visibilité et en considération, devraient étudier le sujet de plus près et se rendre compte que la « patrie du football est en danger». En cause, les déficits exorbitants, les comptes déficitaires et l'envolée des salaires des joueurs, surtout pour les étrangers dont la plupart apparaissent sur nos pelouses tels des avions furtifs avant de s'en remettre à l'instance de Zurich (Fifa) puis à celle de Lausanne (TAS) pour réclamer leurs impayés.

Pourquoi ce circuit est emprunté constamment ? Parce que nos clubs oublient toujours qu'ils ne peuvent payer ce qu'ils n'ont pas.

Dès lors cependant, faut-il s'attendre à des cessations des paiements précédant la déconfiture pour certains? En clair, si la trésorerie est insuffisante pour payer ses dettes et surtout assurer le paiement des frais de fonctionnement, alors l'insolvabilité déclarée conduit à la ruine et donc à la déliquescence avant que les Fans, à travers l'appel généralisé aux dons lancé et l'Etat-providence ne viennent au secours du club meurtri. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, et pour «sauver les meubles », ou du moins limiter la casse, le même mode opératoire, soit l'appel aux dons, est l'ultime recours. Ça tourne donc en boucle chez nous avec ce même «modus operandi». A qui le tour à présent ?

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