Madagascar: L'exposition «Memoria» pousse à s'interroger sur la manière de voir le monde

À Madagascar, c'est une plongée dans la mémoire intime et collective de 22 artistes africaines, originaires de neuf pays, que propose la toute dernière exposition de la Fondation H. Baptisée « Memoria : récits (au pluriel) d'une autre histoire », cette exposition panafricaine, qui débute ce 4 avril 2024 à Antananarivo et qui a déjà été présentée en Côte d'Ivoire et au Cameroun, pousse le visiteur à s'interroger sur sa manière de voir le monde, sur sa capacité à écouter des récits différents de ceux qu'il pense être la norme. Visite.

« Là, vous êtes accueillis par une assemblée de 144 Olomanga, ou littéralement "les hommes bleus". En fait, ce sont les grands hommes de la société. »

C'est par l'installation impressionnante signée Vonjiniaina Ratovonirina que démarre l'exposition « Memoria, récits d'une autre histoire ». Cent quarante-quatre statues de bois brut qui se soutiennent les unes les autres et donnent l'impression de marcher vers le visiteur...

Une exposition sous forme de récits, de points de vue personnels, intimes, qui racontent ce besoin d'exprimer une autre histoire que celle écrite par les vainqueurs ou imposée par les tenants du pouvoir.

Avec « Affichage Libre », Carine Ratovonarivo, éco-designeuse, brode les actualités malgaches, sur des sachets en papier recyclé. Un « travail d'archivage nécessaire, affirme-t-elle. On a une expression qui est assez connue : "Malagasy mora manadihana", "les Malgaches ont facilement tendance à oublier"... C'est un travail aussi de mémoire qui est très important. Sur cette série de sachets, là, je couvre le gouvernement actuel qui a été mis en place. Ce logo-là, c'est pour dire que c'est un gouvernement recyclé. Ici, c'est un chou-fleur. En Afrique, il y a eu pas mal de révolutions contemporaines quand même. Nous, en fin d'année dernière, on a eu notre "Révolution chou-fleur".

%

Là, j'ai fait une broderie qui s'appelle contrôle C contrôle V où je reprends donc pour le C de "copier", le drapeau français. Le V de "coller", c'est le drapeau malgache. Je propose une relecture de l'histoire, une réécriture. Je ne suis pas dans un activisme ou dans un féminisme pur, ce n'est pas ça. Mon arme à moi, ce sont ces mots, ces lettrages, mais c'est surtout l'aiguille en fait, qui fait piqûre de rappel » explique, le regard taquin, l'artiste.

À l'étage, la réalité augmentée offre au visiteur une immersion dans les livres de la bibliothèque anticipative créée par la poétesse et plasticienne Joey Arisoa. « Ces récits embryonnaires, ce sont des récits qui, bien sûr, moi, m'ont fondée, mais communs à tous les Malgaches, souligne-t-elle. Nous sommes dans une société de l'oralité et le moyen le plus sûr que nos histoires soient dites à l'universel et qu'elles fassent de l'écho chez l'autre, c'est qu'on puisse les lire et les découvrir ».

Des oeuvres qui semblent repousser les frontières de l'art, et qui écrivent une mémoire neuve, emplie de nos histoires communes individuelles et finalement collectives.

C'est une exposition qui va produire de nouvelles perspectives, de nouveaux regards, de nouveaux récits sur une histoire : celle du continent africain, mais aussi celle de sa diaspora. Et depuis sa genèse et sa première édition à Bordeaux en 2021, «Memoria» n'a cessé de révéler des contre-récits, de nouvelles narrations autour de deux sujets qui nous tiennent particulièrement à coeur dans notre pratique curatoriale, à savoir la mémoire et l'histoire. La mémoire et l'histoire, qui sont bien entendu très liées d'un point de vue personnel, intime, mais aussi d'un point de vue collectif, où la mémoire des peuples, la mémoire des nations, joue aussi un rôle énorme sur nos individualités et sur nos identités. Donc, ça, c'est vraiment au départ l'idée qui nous a inspirées et qui nous a aussi fait réfléchir sur le fait que cette exposition ne pouvait pas seulement exister en France, là où elle a été conçue, mais que les contenus, les récits qui nous étaient livrés par les artistes qui nous ont rejoints dans cette exposition devaient aussi être partagés sur le continent lui-même. Et c'est là, qu'à partir de 2022, une itinérance a débuté avec «Memoria».

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.