Madagascar: Diplomatie / Union européenne - L'État demande le rappel de l'ambassadrice Delattre

D'après une information qui a circulé hier, Madagascar demande le rappel de l'ambassadrice de l'Union européenne. Cette demande fait suite à des déclarations controversées de la diplomate, le 26 février, concernant l'inscription de la castration des violeurs d'enfants dans le code pénal.

Des confirmations à demi-mots et des silences. Telles sont les réactions des sources contactées au sujet de l'information qui a agité les rédactions des différents organes de presse, hier. Il s'agit d'une nouvelle selon laquelle l'État malgache a demandé «le remplacement» de Isabelle Delattre Burger, ambassadrice de l'Union européenne (UE). Plus exactement, il s'agit d'une «demande de rappel de l'ambassadrice».

Le sujet a été publié par le site d'information Africa Intelligence. Il a ensuite été repris par plusieurs médias étrangers. Contactés, le ministère des Affaires étrangères et l'ambassade de la délégation de l'UE sise à Ankorondrano n'ont pas démenti l'information. Les deux entités affirment toutefois ne pas vouloir faire de commentaire, ni de remarque sur la question. Dans les coulisses, néanmoins, bien que laconiques, des sources confirment l'information. La lettre a été envoyée à Bruxelles, début mars.

Une indiscrétion confie que «la lettre est confidentielle. Elle n'aurait pas dû être rendue publique». Au fil des bribes d'échanges avec différentes sources, les brèves réponses se rejoignent sur un point. La lettre consiste en «une demande de rappel» de la diplomate Delattre Burger. Reprenant le sujet, Le Monde Afrique met en avant une réponse d'un «porte-parole de la Commission Européenne».

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La source citée par Le Monde Afrique aurait confirmé que «le Haut représentant de l'Union [Josep Borrell, Haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité] a reçu une lettre pour exprimer le mécontentement de Madagascar au sujet de la conférence de presse [tenue par l'ambassadrice Delattre Burger] et demander à l'UE de procéder à son remplacement (...)». Arrivée en septembre 2022, la diplomate européenne est souvent directe dans ses interventions publiques.

Dans un contexte préélectoral tendu, ses propos «mal interprétés» sur un des sujets brûlants de l'époque, ont été la première source de friction publique entre la diplomate et les tenants du pouvoir. Durant une conférence de presse le 8 mai 2023, elle avait laissé entendre que l'UE ne s'opposerait pas «à une Transition préélectorale, en cas d'accord entre tous les acteurs». Ceci, au nom de l'apaisement et sans pour autant remettre en cause les échéances électorales inscrites dans la Constitution.

Point de rupture

La délégation de l'UE a dû publier un communiqué pour apporter «des éclaircissements» aux propos de l'ambassadrice afin de décrisper la situation. Une autre déclaration de la diplomate, lors d'une autre conférence de presse, le 26 février, marque cependant le point de rupture avec l'administration Rajoelina. Elle a qualifié l'inscription de la castration chirurgicale des violeurs d'enfants, dans le code pénal, de «contraire», à la Constitution et à la convention des Nations unies contre la torture.

Les propos de l'ambassadrice de l'UE ont déclenché le courroux de différents responsables étatiques. D'autant plus que, le 23 février, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) a déjà déclaré les dispositions légalisant la peine de castration chirurgicale «conformes à la Constitution». Ceci, après qu'elles aient été adoptées par le Parlement. L'initiative, par ailleurs, a été défendue à cor et à cri par Andry Rajoelina, président de la République.

Devant le Parlement, du reste, Landy Mbolatiana Randriamanantenasoa, ministre de la Justice, a mis en avant «la souveraineté nationale», pour défendre la modification du code pénal afin d'y inscrire la castration des violeurs d'enfants. Les propos de l'ambassadrice de l'UE, du 26 février, lui ont valu une convocation par Rafaravavitafika Rasata, ministre des Affaires étrangères, trois jours après.

Cette demande de rappel fait suite, de prime abord, à cette convocation. Il s'agit, également, d'une façon de ménager la chèvre et le chou. À savoir, dire officiellement que les autorités ne souhaitent plus travailler avec la diplomate, d'une part. Et d'autre part, préserver de bonnes relations avec l'UE. Dans la pratique diplomatique, le départ d'un diplomate faisant l'objet d'une demande de rappel est incontournable. «Le processus est en cours et aucune autre information ne peut être fournie à ce stade», aurait ajouté la source contactée par Le Monde Afrique.

Le départ de Isabelle Delattre Burger pourrait se faire durant la période de rotation des chefs de mission diplomatique de l'UE, en septembre. Rapportant les échanges avec une source auprès de la délégation dans la rubrique Afrique de son site web, Radio France internationale (RFI) indique: «Notre volonté est de garder de bonnes relations avec Madagascar et c'est pour cela qu'on se plie à la demande. Mais son départ dans ces conditions aura forcément des conséquences politiques et financières».

La posture de Bruxelles suite à cette demande de rappel de son ambassadeur pourrait être décryptée sur le processus de désignation de son remplaçant. Un remplacement dans la foulée ou quelques semaines après le départ de Isabelle Delattre Burger indiquerait que les relations entre Madagascar et l'UE sont au beau fixe. À contrario, une longue période d'intérim par un chargé d'affaires sera le signe d'un malaise.

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