Ile Maurice: Montée en puissance en parallèle de la FIU

Les légistes, agents immobiliers et autres bijoutiers demeurent sous la férule de la «Financial Intelligence Unit» (FIU) en dépit des dispositions de la «Financial Crimes Commission Act». On se demande pourquoi.

La Financial Crimes Commission (FCC) Act est entrée en vigueur le 29 mars et, comme prévu, la FCC prendra en charge les fonctions de l'Independent Commission Against Corruption, de l'Integrity Reporting Services Agency et de l'Asset Recovery Investigation Division. (Celle-ci tombait avant cette date sous la FIU après avoir été sous la tutelle du bureau du Directeur des poursuites publiques). C'est ce que l'on a appris d'un communiqué non daté et émis le 2 avril par la FCC, soit quatre jours après l'entrée en vigueur de la FCC Act.

Les amendements liés à d'autres lois, les «consequential amendments», pour remettre le pouvoir à la FCC, ont aussi été actés. Sauf l'article 166 (9) (g) de la FCC Act. Et cela n'était pas prévu. Ces exceptions concernent les amendements de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) relatifs aux avocats, avoués, notaires et cabinets d'avocats qui devraient répondre, en vertu de la FCC Act, au bureau de l'Attorney General (AG) à la place de la FIU. Ainsi, les items 3,4 et 5 du premier Schedule ont été gelés. En clair, les légistes continueront à avoir la FIU comme Regulatory Body sous la FIAMLA, et non l'AG.

«Donn rol FIU»

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On ne sait pas si c'est un moratoire, et si les avocats, avoués et notaires auront plus tard à répondre au bureau de l'AG. Par contre, si c'est définitif, la FCC Act ne devraitelle pas être amendée pour revenir au statu quo ante bellum ? De plus, nous n'avons pas eu connaissance de plaintes venant du Bar Council, de la Mauritius Law Society et de la Chambre des notaires pour que ce moratoire ou changement leur soit concédé. En fait, un avocat nous fait comprendre que «l'AG ou la FIU, c'est du pareil au même». Pour un autre homme de loi, on a maintenu la FIU comme organisme de contrôle probablement «pou donn rol FIU», qui n'en a plus beaucoup depuis la mise sur pied de la FCC. Ce n'est pas la première fois que ce yoyo est joué entre la FIU et l'AG. Le 22 juillet 2022, le gouvernement avait changé par décret l'institution chargée des cabinets d'avocats (Law Firms), les passant de l'AG à la FIU.

L'autre disposition (item 8) qui n'entre pas non plus en vigueur contrairement à ce qui était prévu par la FCC Act concerne les commerces de bijoux, de pierres et de métaux précieux. Au lieu de tomber sous l'Assay Office, qui vient pourtant d'être mis sur pied et dont les membres ont déjà été nommés, ils demeureront eux aussi sous la FIU. Et enfin, les promoteurs immobiliers et les courtiers resteront eux aussi sous l'autorité de la FIU au lieu de passer sous la Real Estate Agent Authority.

La Real Estate Agent Authority Act a été votée après moult débats au Parlement et promulguée en septembre 2020. Or, il semble que la Real Estate Agent Authority n'ait pas encore été mise sur pied, presque quatre ans après. Un agent immobilier nous fait savoir que tout ce qu'il doit rapporter à la FIU (ou à la Real Estate Agent Authority) est déjà fait par le notaire. Tout en nous rappelant qu'il a dû employer un Anti-Money Laundering Compliance Officer. «C'est un doublon.» Est-ce pour cela que cette autorité n'a jamais été mise sur pied ? Ou alors, comme nous le dit l'avocat, est-ce «pou donn rol» à la FIU ?

Équipements et logiciels spéciaux

Y a-t-il une guer re d'influence entre la FIU et la FCC ? On sait que la directrice de la FIU ne voulait pas travailler sous Navin Beekarry et qu'elle a pu faire de sorte que la FIU ne soit pas sous l'ombrelle de la nouvelle FCC. Cependant, une source très fiable nous parle d'une autre raison. «La FIU dispose d'équipements, de logiciels et surtout d'un accès aux données de tous les FIUs du monde. D'un seul clic, elle peut avoir toutes les informations financières et légales sur beaucoup d'étrangers et de Mauriciens.

Elle n'a pas à demander de Judge's Order.» Cela explique-t-il la décision de conserver ce pouvoir de «regulatory body» à la FIU ? Si oui, pourquoi alors avoir proposé un changement sous la FCC Act, l'avoir fait voté et l'avoir fait approuver par le président pour ensuite ne pas le faire entrer en vigueur ? «Était-ce juste pour faire croire aux institutions internationales qui nous observent de près comme le GAFI ou l'ESAAMLG que le gouvernement a de bonnes intentions concernant le combat contre le blanchiment d'argent sale ?», se demande un avocat.

Un ancien ministre est, lui, d'avis que le gouvernement ne veut prendre aucun risque pour les siens. «On préfère garder ceux et celles en qui lui ont fait confiance. Le renouvellement du contrat de Carine Charlette-Katinic à la tête de la FIU est en ce sens.» Tout en nous rappelant qu'une des justifications de la création de la FCC a été de réduire le nombre d'institutions et de prévenir tout conflit entre cellesci. «Or, voilà que la FIU commence à émerger en force.»

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