Ile Maurice: Me Yuvir Bandhu - «Un citoyen ne peut pas arrêter un suspect comme il le souhaite»

Depuis plusieurs jours, des vidéos déferlent sur les réseaux sociaux où l'on voit des membres du public maîtriser des présumés voleurs et leur donner une correction avant d'appeler la police. Du lynchage d'Iscoty Malbrook, qui avait menacé un chauffeur de taxi avec un couteau pour le dépouiller, en passant par des voleurs forcés à manger des piments ou des fruits à pain qu'ils venaient de voler, on a vu un présumé voleur être balancé du premier étage d'un immeuble à Riche-Terre et un autre contraint à s'excuser auprès des habitants de Pailles et à danser. Sans oublier Bradley Jean Clair tabassé par deux commerçantes à Grand-Baie après un vol de Rs 2 000.

Que dit la loi ? Les citoyens peuvent-ils prendre les choses en main et se faire justice eux-mêmes ? Nous avons sollicité l'avocat Yuvir Bandhu (photo). «Tout d'abord, en tant que citoyen de l'île Maurice, je constate avec tristesse l'augmentation des cas de violence et de vol ces dernières semaines. Si je me mets à la place des victimes ou d'autres citoyens, je comprends tout à fait leur colère envers les suspects ou accusés. Il est inconcevable que des gens qui travaillent dur soient victimes d'incidents aussi bas et que cela crée un climat de terreur à Maurice», confie l'avocat.

Sur le plan légal, souligne Me Bandhu, il faut noter que sous l'article 16 de la District and Intermediate Courts (Criminal Jurisdiction) Act, «une personne, qui est témoin d'un crime commis ou en voie d'être commis ou une blessure dangereuse infligée, peut sans mandat arrêter l'auteur du crime». Cela se reflète également, dit-il, dans les notes introductives du paragraphe 3(a) des Judges' Rules, selon lesquelles «les citoyens ont le devoir d'aider un officier de police à découvrir et à appréhender les auteurs d'infractions».

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Par ailleurs, «sous l'article 17 de la District and Intermediate Courts (Criminal Jurisdiction) Act, le propriétaire d'un bien ou son serviteur ou toute personne autorisée par lui peut arrêter toute personne trouvée en train de voler ce bien. De plus, sous l'article 21 du même texte de loi, une personne privée qui, sans mandat, arrête légalement une autre personne pour quelque motif que ce soit, doit la conduire dans les plus brefs délais devant le magistrat le plus proche ou la remettre entre les mains de la police», poursuit Me Bandhu.

L'homme de loi ajoute que sous l'article 30(2) de la Criminal Code Supplementary Act, une personne peut arrêter un rogue and vagabond mais elle doit le remettre à la police. Il faut également noter que lorsqu'un citoyen arrête un suspect, il doit l'informer de la raison de son arrestation. «Maintenant, il est évident que tout suspect ou accusé bénéficie de droits constitutionnels. Un citoyen doit être prudent lorsqu'il arrête un suspect et doit se fonder sur des soupçons raisonnables. Si, en fin de compte, un citoyen arrête la mauvaise personne, celle-ci peut le poursuivre au civil et il en va de même si une force disproportionnée est utilisée à l'encontre d'un suspect.»

Me Bandhu se réfère ensuite à une des vidéos où on voit un suspect être battu par des citoyens. Ceux-ci, dit-il, s'exposent à des poursuites pénales car une arrestation doit être proportionnelle à la force utilisée par le suspect. «Le suspect n'a pas fait usage de la force, ses mains et ses jambes étaient attachées. Dans ce cas, les citoyens doivent simplement remettre le suspect à la police, comme le prévoit la loi. Il est important de noter que nos lois s'appliquent même aux personnes qui ont déjà été condamnées par un tribunal et que même les prisonniers ont des droits en prison. Il serait donc erroné de supposer qu'un citoyen peut arrêter un suspect de la manière qu'il souhaite.»

Par ailleurs, la police lance un appel au public à l'avertir et à laisser la justice suivre son cours après avoir arrêté un voleur. «Il ne faut pas se laisser emporter par les émotions. Il y a eu des cas ou des voleurs ont été tabassés à mort et les citoyens se sont retrouvés face à un procès et une condamnation.»

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