Ile Maurice: Shakeel Mohamed, nouveau leader de l'opposition - Un politicien théâtral qui maîtrise la langue de Shakespeare

Voilà une autre responsabilité à accrocher à son palmarès de politicien. Député, ministre, whip de l'opposition et désormais leader de l'opposition. Et dire que Shakeel Mohamed songeait à mettre fin à sa carrière politique afin de se consacrer à son cabinet d'avocat, légué par son père, Yousuf Mohamed, de même qu'à sa famille. «J'aimerais faire un dernier mandat après j'arrête la politique», avait-il confié à l'express en 2019. Cependant, lors d'un rassemblement politique à Plaine-Verte le 1er juin 2023, il a fait comprendre qu'il avait changé d'avis afin d'aider le pays. Désormais, il aura un grand rôle à jouer pendant les prochaines séances parlementaires vu qu'il a été désigné leader de l'opposition par le Parti travailliste, après la démission de ce poste de Xavier-Luc Duval, leader du Parti Mauricien social-démocrate.

L'avocat-politicien pourra compter sur sa longue expérience en tant que député pour mener le combat contre ce gouvernement. Pourtant, il a débuté sa carrière en tant que politicien en se présentant comme candidat du Mouvement socialiste militant (MSM) aux élections générales de 1995, sous la houlette de sir Anerood Jugnauth. Toutefois, il devait prendre la septième place et n'a pas fait long feu auprès des Jugnauth en raison d'une mésentente entre eux. D'ailleurs, alors que le Sun Trust préparait le grand meeting du 1er-Mai en l'an 2000, Shakeel Mohamed devait affirmer publiquement qu'il n'allait pas assister à ce rassemblement puisqu'il n'allait pas intervenir et qu'il n'allait pas non plus mobiliser ses partisans. Le jeune politicien qu'il était alors n'était pas d'accord pour un rapprochement avec le Mouvement militant mauricien (MMM). Il a alors claqué la porte du MSM pour relancer le Comité d'action musulman, en mémoire de son grand-père, sir Abdool Razack Mohamed, qui avait fondé ce parti.

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Cependant, pour lui donner une dimension nationale, il l'a rebaptisé Comité d'action mauricien. Ce parti a présenté des candidats aux élections de l'an 2000. Il était lui-même candidat dans la circonscription n° 3 mais n'a pu se faire élire à ce moment-là.

Par la suite, il a rejoint le Parti travailliste afin d'être candidat dans la circonscription de Rivière-des-Anguilles-Souillac (n° 13) où il a été élu en troisième position lors des législatives de 2005. Depuis, il n'a perdu aucune élection et est député de la conscription Port-Louis Maritime/Port-Louis-Est (n° 3) depuis 2010. De mai 2010 à décembre 2014, Shakeel Mohamed a été ministre du Travail.

Après les élections de 2019, il a agi comme whip de l'opposition alors qu'Arvin Boolell en était le leader. Cependant, après que le leader du MMM, Paul Bérenger, a fait un commentaire sur le poste de leader de l'opposition à la suite d'un froid entre les Mauves et les Rouges, Arvind Boolell et lui ont soumis leur démission et le poste de chef de l'opposition a été confié à Xavier-Luc Duval, qui a bénéficié du soutien du MMM.

Shakeel Mohamed est probablement un des députés ayant eu le plus d'accrochages avec le speaker, Sooroojdev Phokeer. Il maîtrise les Standing Orders sur le bout de ses doigts et intervient régulièrement quand il est persuadé que les règlements du Parlement ne sont pas respectés. Il a été expulsé à maintes reprises, voire suspendu de l'Assemblée nationale. À une occasion, il a présenté ses excuses et a aussi contesté une de ses suspensions en Cour suprême. Sooroojdev Phokeer n'est pas le seul speaker à avoir eu affaire au bouillant député de Port-Louis-Maritime -Port-Louis-Est.

L'ancienne speaker, Maya Hanoomanjee, a été qualifiée de «partiale» par Shakeel Mohamed lors d'une émission radiophonique. Ravi Rutnah, l'ancien député du Muvman Liberater, avait attiré l'attention du Parlement sur cette remarque et le Deputy Speaker d'alors, Sanjiv Teeluckdharry, avait dû présider la séance afin de réclamer une enquête auprès du bureau du Directeur des poursuites publiques. Mais il n'y a eu aucune suite à cette affaire. Shakeel Mohamed avait aussi proposé à Maya Hanoomanjee de prendre du repos. «On a point of order, as a friend, do you need a break to breathe in and calm down ?», lui avait-il demandé.

Shakeel Mohamed est réputé pour ne pas avoir la langue dans sa poche alors que d'autres estiment qu'il est plutôt théâtral. Il a été un des rares membres du Parti travailliste qui ait osé remettre en question publiquement le leadership de son parti après la défaite de 2014. Il a également osé demander si les Mauriciens sont assez matures pour voter pour un non-hindou comme Premier ministre. L'on se souvient également de son fameux, «not even a jhaant», exprimé au Parlement. Il a aussi été aux côtés des défenseurs de l'azaan quand la Cour suprême avait ordonné aux mosquées de respecter un certain nombre de décibels lors des appels à la prière. Ses adversaires ont voulu lui coller sur le dos l'affaire Gorah Issac. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si Pravind Jugnauth a évoqué cette affaire, mardi, lors de la Private Notice Question. Cependant, il a également des admirateurs qui l'apprécient pour sa maîtrise de la langue de Shakespeare et pour son éloquence lors des débats.

Le nouveau chef de l'opposition a prêté serment comme avocat en 1992 pour exercer aux côtés de son père, Yousuf, aux Mohamed Chambers. Après ses études à l'école Notre-Dame des Victoires et au Collège du Saint-Esprit puis au Collège Royal de Curepipe, il s'est envolé pour l'Angleterre et la France pour étudier le droit avec une spécialisation en droit économique européen. Depuis la mort de Yousuf Mohamed en avril 2022, il occupe à plein temps le cabinet d'avocats de son père. L'avenir nous dira s'il cédera sa place à Arvin Boolell comme leader de l'opposition, celui-ci étant actuellement en période de convalescence.

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