Burkina Faso: Projet USAID On Est Ensemble (USAID OEE) / Réduction des conflits entre agriculteurs et éleveurs - La médiation du programme « On est ensemble »

interview

Le programme « On est ensemble (OEE) » est un Programme de l'Agence des Etats- Unis pour le Développement International (USAID), qui a pour mission de réduire des conflits entre les communautés d'agriculteurs et d'éleveurs dans les régions du Sahel, du Centre-Nord, des Hauts-Bassin et des Cascades. Dans cette perspective, le programme favorise le vivre ensemble, la compréhension mutuelle et la cohésion véritable entre les communautés. Il intervient dans 22 communes du Burkina Faso. Dans cette interview accordée à Sidwaya, la chargée de communication, Mme Haoua Ango/Sawadogo, présente le Programme OEE et ses acquis.

Sidwaya (S) Parlez-nous du projet « On est ensemble (OEE) » et de ses missions ?

Haoua Ango Sawadogo (H.A.S.) : « On est ensemble », est un Programme financé par le Centre pour la prévention des conflits et de la violence de l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID). Il a été lancé en 2020 et est mis en oeuvre par « Chemonics International ». Il faut dire qu'au départ, il s'agissait d'une phase pilote qui couvrait 14 villages des provinces du Séno dans le Sahel et du Namentenga dans le Centre-Nord. A partir de l'année dernière (ndlr, 2023), OEE a bénéficié d'une extension pour couvrir des communes cibles dans les Hauts-Bassins et les Cascades. Actuellement, OEE intervient dans 22 communes cibles à travers ces quatre régions.

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S : Quels sont les objectifs de ce Programme ?

H.A.S. : « On est ensemble » vise de manière générale à favoriser le mieux vivre ensemble entre les communautés d'agriculteurs et d'éleveurs des provinces du Séno, du Namentenga, du Houet, du Kénédougou, de la Comoé et de la Léraba à travers la cohésion sociale grâce à une meilleure confiance aux entités formelles et informelles impliquées dans la prévention et la résolution des conflits locaux. Pour atteindre cet objectif, OEE travaille à renforcer les liens entre les communautés d'éleveurs et d'agriculteurs afin de briser les perceptions négatives, d'identifier les défis communs en matière de moyens de subsistance, d'instaurer la confiance et d'apporter des solutions collaboratives qui, sont dirigées par les communautés elles-mêmes pour relever les défis identifiés. Tout cela, dans l'optique de renforcer non seulement les synergies entre les communautés elles-mêmes mais aussi entre les communautés et les autorités et entités administratives et étatiques.

S : Pourquoi le choix de ces zones ?

H.A.S. : Le choix des zones a été fait sur la base des informations sur les conflits récurrents dans ces localités. Outre cela, disons que le choix de ces zones est le fruit d'une recommandation d'un programme antérieur du Office of Transition Initiatives de l'USAID dénommé « Burkina Faso Regional Program qui, a été mis en oeuvre en 2018-2022. Sur la base des différents conflits entre les communautés d'agriculteurs et d'éleveurs dans ces zones du Burkina, il y a eu la nécessité d'agir via OEE afin d'améliorer l'entente mutuelle et la collaboration entre ces communautés.

S : Quels sont les résultats engrangés par « On est ensemble » de 2020 à nos jours ?

H.A.S. : En termes de résultats, nous avons mené plusieurs activités en lien avec la cohésion sociale et la mitigation de conflits entre les communautés agriculteurs et éleveurs. Du début du projet jusqu'au décembre 2023, OEE a conduit 831 activités, formations, initiatives, événements dont 791 sont axées sur la cohésion sociale et des interactions interpersonnelles positives entres les bénéficiaires. Au cours de cette période, le programme a touché directement plus de 52 000 personnes. Parmi ces bénéficiaires, 22 208 personnes, y compris des personnes déplacées internes, ont bénéficié de documents d'identité (extraits d'actes de naissance et CNIB). OEE a pu dynamiser des cadres de concertation et a soutenu l'élaboration de feuilles de route pour la prévention et la gestion de conflits dans les communes cibles. Nous pouvons également citer la mise en place de 50 comités de gestion d'eau dont les membres ont été formés en maintenance des forages et en technique de prévention et de résolution des conflits. Les résultats de l'enquête à mi-parcours de la troisième année montrent une amélioration de la capacité des comités à gérer les forages avec 97 % des personnes interrogées affirmant avoir constaté une amélioration de la capacité des comités à gérer les forages dans leurs communautés. En termes de sensibilisations des émissions radios ont été enregistrées et diffusées sur la cohésion sociale, la redevabilité et les dispositions des lois relatives au foncier et au pastoralisme, notamment la loi 034/2009, et la mitigation des conflits en langues locales et ont atteint plus de 500 000 membres de la communauté. Grâce à l'ensemble des activités, OEE a pu augmenter de 80% le nombre d'agriculteurs/éleveurs qui déclarent avoir constaté une amélioration de la compréhension mutuelle avec d'autres agriculteurs/éleveurs du fait des interactions interpersonnelles (P2P).

S : Vous utilisez l'approche P2P pour mettre en oeuvre la cohésion sociale ?

Parlez-nous-en.

H.A.S. : Rappelons qu'OEE est un programme financé par le Centre pour la Prévention des Conflits et de la violence de l'USAID. De ce fait, nos activités s'alignent également sur les approches valorisées par le bailleur. A ce titre, le programme, « On est ensemble », est essentiellement un programme de people to people ou P2P ; une approche qui favorise les interactions interpersonnelles positives entre les communautés. Le principe du P2P est de réunir les groupes en conflit, afin qu'ils puissent interagir délibérément dans un espace sûr. Cette approche permet d'aborder les divisions au sein d'une communauté qui peuvent être enracinées dans des différences de groupe telles que l'ethnicité, la religion ou le statut de personnes déplacées ou de réfugiés. Elle permet également de créer des opportunités pour une série d'interactions entre les groupes en conflit dans la communauté afin de promouvoir la compréhension mutuelle, la confiance, l'empathie et des liens sociaux résilients. Lorsque la santé des relations entre les groupes s'améliore, la probabilité de violence entre eux décline. Donc en utilisant cette approche People-to-people (P2P), OEE traite les griefs sociaux, politiques, et économiques en favorisant la compréhension mutuelle et la réconciliation entre les groupes d'agriculteurs et d'éleveurs dans les communautés cibles. Autrement dit, nous travaillons à briser toutes les barrières entre ces communautés, à réduire les stéréotypes et les stigmatisations qui se construisent à l'égard des uns et des autres. Nos activités visent donc essentiellement à permettre aux communautés d'avoir une meilleure communication et une collaboration effective et surtout de privilégier le dialogue et de préférer une résolution pacifique de leurs différends. C'est d'ailleurs en cela que nous trouvons cette approche importante dans nos contrés où nos mécanismes endogènes de gestion de conflits eux-mêmes privilégient le dialogue.

S : Qu'est-ce qui fait la particularité de cette approche ?

H.A.S. : Cette approche permet aux communautés d'avoir des échanges directs sur leurs différends dans un environnement sûr et sous l'encadrement de leurs leaders. De ces échanges, naissent le plus souvent des pistes de solutions acceptées de tous. Avec cette approche, nos activités permettent un brassage positif, permettant aussi aux gens de comprendre leurs problèmes et de travailler ensemble de manière collaborative à trouver une solution durable et surtout à privilégier une résolution pacifique des conflits. Pour ce faire, nous mettons à contribution des festivals, des Thé-débats, les causeries éducatives, les cadres de concertations et nous associons ces types d'activités aux campagnes de délivrance de document d'identité pour également permettre des interactions positives. Lors de ces activités, des personnes ont pris publiquement l'engagement de favoriser la cohésion sociale au sein de leur communauté en matérialisant cela par des signatures d'accords. Ces personnes deviennent des ambassadeurs de paix dans leurs communautés et oeuvrent à sensibiliser les autres et à instaurer un climat favorable à la paix et au développement de la communauté.

S : Quelles sont les bonnes pratiques que nous pouvons retenir du programme OEE ?

H.A.S. : L'essentiel pour débuter tout projet, c'est d'impliquer les autorités locales. Dans le cadre de ce programme, OEE a mis en oeuvre en partenariat avec les communes et les services techniques déconcentrés de l'Etat plus d'une trentaine d'activités. Cela, permet à la communauté de voir en leurs autorités locales des personnes engagées pour leur cause, renforçant ainsi leur confiance en ces dernières. Il est important d'impliquer les autorités et les personnes clés c'est-à-dire les coutumiers, les religieux et tous ceux qui ont un certain poids dans les communautés pour plus d'impacts. Au-delà de ces stratégies d'approche nous impliquons les jeunes qui sont un maillon important pour la réduction des conflits. Souvent quand on parle de conflits agriculteurs et éleveurs ou de conflits, en général, on voit plutôt les aînés pour la résolution tandis que les jeunes sont un peu laissés à l'écart. Pourtant, ils constituent un levier important puisqu'ils sont susceptibles, dans une certaine mesure, d'animer les conflits. Outre cela, les impliquer dans les discussions, leur donner un rôle à jouer dans la prévention et la gestion des conflits et surtout les sensibiliser à privilégier la résolution pacifique, contribue à une meilleure atteinte des résultats. Tout comme les jeunes, il faut travailler à impliquer davantage les femmes dans la prévention et la résolution de conflits. Le partenariat avec les organisations locales est également une bonne pratique dans la mise en oeuvre des activités. En effet, OEE a établi des accords de partenariat avec 35 organisations/associations locales comme partenaires de mise en oeuvre (Voir encadré pour la liste). Lorsque vous menez des activités sur le terrain, c'est toujours bon de s'appuyer sur des acteurs locaux (comme un agent de mise en oeuvre ou des points focaux du projet). Cela crée une meilleure confiance des populations, favorise le succès de ces activités mais aussi permet de pérenniser certains acquis. Dans la mesure du possible, nous utilisons des organisations locales connues des populations qui vivent les mêmes réalités pour mettre en oeuvre les activités. En sommes nous travaillons de sorte que nos actions ne causent de préjudice à personne dans les communautés. C'est pourquoi nous prenons des dispositions pour NE PAS NUIRE à travers nos interventions, car nous sommes un Programme de résilience et de cohésion sociale. Ainsi, « à défaut de réduire les frustrations, il ne faut pas en rajouter ».

S : Quelles sont les recommandations que vous pouvez faire pour améliorer les projets et programmes qui interviennent dans les mêmes communautés que vous ?

H.A.S. : Ils doivent intégrer plus de people to people (P2P) dans leur stratégie de mise en oeuvre des activités parce que nous avons remarqué que c'est une chose qui marche. Il est aussi important que ces projets/programmes s'inspirent de ce qui existe au niveau des communautés comme pratiques et donc s'appuyer sur l'existant pour mieux le parfaire et le divulguer si nécessaire. Par exemple, on sait qu'il y avait une méthode formelle de gestion des conflits avec les autorités administratives mais il est aussi nécessaire de tenir compte des mécanismes endogènes qui existent et qui sont d'ailleurs utilisés par les gens pour la résolution des conflits au niveau local ou communautaire. Il est important de tenir compte de ces aspects et c'est pourquoi OEE et ses partenaires répertorie en ce moment les mécanismes endogènes de résolution de conflits les plus efficaces ou utilisés par les communautés afin de les documenter pour la postérité. Il faut surtout continuer à insister sur le fait que lorsque l'on parle d'éleveurs et d'agriculteurs, tout le monde est aussi concerné car comme dirait une personne ressource, l'éleveur c'est tout le monde, idem pour l'agriculteur ; les zones où l'on pratique l'agriculture sont les mêmes que les zones où l'on pratique l'élevage et parfois les agriculteurs sont des éleveurs qui confient leur bétail aux bergers !

Interview réalisée par Boukary BONKOUNGOU

et Jacqueline Wêndengûudi OUEDRAOGO (Stagiaire)

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