Libye: L'envoyé de l'Onu Abdoulaye Bathily jette l'éponge

La démission fracassante de l'émissaire de l'Onu pour la Libye acte l'échec des efforts de réconciliation entre les dirigeants libyens rivaux.

Des élections présidentielle et législatives libyennes étaient prévues en décembre 2021, mais avaient été reportées sine die en raison de divergences entre les deux camps qui revendiquent la direction du pays : le gouvernement reconnu par l'Onu de Tripoli, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, et le maréchal Haftar à Benghazi.

Abdoulaye Bathily a dénoncé le manque de volonté politique et de bonne foi des dirigeants libyens qui se satisferaient, selon lui, de l'impasse actuelle.

"Le pays d'origine de l'envoyé spécial est important"

Pour Tim Eaton, chercheur principal au think tank Chatham House, basé à Londres, le départ du Sénégalais Abdoulaye Bathily n'est pas surprenant, pour la simple raison que le processus qu'il menait depuis plusieurs mois était déjà exsangue.

"Nous avons constaté, au fil du temps, parmi les nombreux envoyés spéciaux, que son aura joue pour beaucoup. De même, le pays d'origine de l'envoyé spécial est important."

Virginie Collombier, professeur à la Luiss School of government de Rome et coéditrice du livre Violence et transformation sociale en Libye, estime pour sa part que la démission d'Abdoulaye Bathily n'aura pas beaucoup d'impact sur la situation déjà précaire en Libye.

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Selon elle, "au cours de l'année écoulée, Bathily s'est concentré sur cette sorte de diplomatie de la navette, essayant de convaincre les principales parties au conflit à se rencontrer. Il n'a jamais réussi à les réunir. Et il est clair qu'il n'avait que très peu de moyens de pression sur les parties au conflit. Je ne pense pas que cela aura donc un quelconque impact."

Des efforts sapés par les acteurs régionaux

Le désormais ancien envoyé spécial de l'Onu a également pointé du doigt, sans les nommer, les soutiens étrangers des deux camps rivaux.

Depuis le début de la guerre, plusieurs Etats ont soutenu les deux camps antagonistes, parfois jusqu'à l'envoi de mercenaires en Libye : la Turquie et le Qatar à l'Ouest (Tripoli), la Russie, l'Arabie Saoudite et l'Egypte à l'Est (Benghazi).

Selon Claudia Gazzini, analyste principale de l'International Crisis Group pour la Libye, il ne s'agit pas seulement de la responsabilité des acteurs libyens, mais aussi de l'Onu.

"Pourquoi y a-t-il une situation de tension ou un manque de progrès sur la scène politique ? Je pense que Bathily a une part de responsabilité dans la situation actuelle parce qu'il a conçu un processus de négociation qui est entièrement entre les mains des acteurs libyens qui sont au pouvoir", affirme Claudia Gazzani.

En attendant un successeur, c'est l'Américaine Stephanie Koury, désignée en mars comme adjointe d'Abdoulaye Bathily pour les affaires politiques, qui assurera l'intérim. Un remake du scénario du mandat intérimaire de sa compatriote Stephanie Williams, après le départ en mars 2020 de l'ancien émissaire, Ghassan Salamé.

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