Madagascar: Livre - Dr Joseph Rasamimanana, ce sujet universel

« Dr Rasamimanana Joseph, 1866-1935 », d'Aina Razafiarison Andrianavalona, retrace l'histoire du premier savant malgache, médecin, génie de la phytosanitaire, historien, journaliste et académicien. Samedi en milieu de matinée, la présentation de l'ouvrage a été réalisée à l'Académie malgache de Tsimbazaza.

« Les héros sont intemporels », coupe Aina Razafiarison Andrianavalona, professeur en économie à l'université d'Antananarivo et auteur de « Dr Rasamimanana Joseph, 1866-1935 ». Un livre présenté samedi à l'Académie malgache de Tsimbazaza, édité en 2023 à l'« Arche de l'édition ». L'ouvrage est en bilingue : en malgache et en français. Ce détail frappe dès les premières pages qui en compte 447. Si l'auteur est un habitué de la langue de Molière dans ces anciens travaux, il ne pouvait pas ici exclure sa langue maternelle. Puisque les écrits parlent d'un patriote, un vrai. Nécessaire donc que tout le monde ait accès à son histoire. Par la plume du professeur, malgré un lien de parenté, le narratif ne verse ni dans la surexposition ni dans l'admiration de groupie.

La plume a été tenue par un scientifique, chaque anecdote, chaque récit de vie, recèle une documentation appuyée par des témoignages de famille, des archives écrites... Un travail de mémoire au cordeau, idéal pour inspirer un cinéaste ou un bédéiste pour rendre le personnage contemporain. Tellement cette rigueur a poussé à dévoiler tout ce qui est su concernant Joseph Rasamimanana. Dans la partie 2, l'auteur revient sur son mariage « organisé » à 17 ans avec une épouse de 10 ans. La société de l'époque pouvait le permettre.

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« Dr Rasamimanana Joseph, 1866-1935 » se lit alors comme une posologie de l'héroïsme. Dans un échelonnage méthodique, allant de l'enfance, du parcours scolaire et professionnel, ses études en France, jusqu'à sa vieillesse. Ajouté à cela, un chapitre sur l'homme en coulisses avec ses loisirs. La pierre angulaire de l'ouvrage reste un focus sur son patriotisme.

A une époque coloniale trouble, le médecin se dévouait « à soigner les prisonniers... il les nourrissait, une de ses exigences, avec du riz rouge et du cresson », souligne Aina Razafiarison Andrianavalona devant l'assistance de l'Académie malgache. Dans les souvenirs de ses proches, le docteur est apparemment un penseur. Préférant la solitude et le calme. Donc « peu bavard ».

Sa vie scolaire, l'éclosion de l'excellence est passée par la moule de la « mission protestante » ensuite chez les « chers frères » catholiques. Comme toujours, la convergence est souvent plus enrichissante que la divergence. Dans ce livre, l'auteur évoque alors un patriotisme intelligent, sans armes ni violence. Tout comme chaque forme d'exclusion. Ses actes de bienfaisance suffisent dès lors à prouver son amour pour ses compatriotes. « Il a réservé douze lits gratuits pour les malades sans moyens », quand il a travaillé à l'hôpital. Il enseignait la médecine en malgache intégral, il s'érigea ainsi en défenseur zélé de la langue nationale.

C'est dit, Joseph Rasamimanana ne serait jamais allé avec sagaies et mousquets dans les tranchées pour chasser les colons français. Ses actes reflétaient tout, prudence ou peur des sanctions. « Quand il a fait son discours devant Gallieni, il a parlé en malgache » avec un traducteur, souligne Aina Razafiarison Andrianavalona.

Il faut souligner que le général colon n'était pas un tendre et avait en horreur tout patriotisme « mal placé ». Comme il est décrit dans « Dr Rasamimanana Joseph, 1866-1935 », ce geste était de la pure bravoure. Pour ainsi dire, le Malgache de l'époque vît surtout avec son âme. Malgré l'imposition, le mot est juste, de la vision du monde à la française, la « malgachitude » de ces hommes érudits restait intacte. Malgré les craintes, la mort était la solution finale attribuée par la France aux patriotes ou à la suite de simples soupçons.

Malgré les miroitantes promesses contre soumission à la supériorité de la culture, du savoir... bref de la « civilisation des lumières » française. Ce premier savant de la Grande Île s'en sortait plus en citoyen du monde qu'insulaire recroquevillé sur sa nostalgie à en croire l'ouvrage. Raison pour laquelle sans doute, les héros sont intemporels.

Encore et encore, ce genre d'ouvrage soulève les questions sur l'absence, pourtant ils et elles sont nombreu(ses)s, d'écrits et de mémoire sur les grands hommes et femmes de renom malgaches. Aina Razafiarison Andrianavalona a cité plusieurs. Et apparemment, tout le pays en regorge. Du sud au nord, de l'est à l'ouest, au centre, Madagascar, un aspect transformé en contes de bistrot au fil de la pauvreté ambiante, est un pays de la matière grise.

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