Madagascar: Enjeux sécuritaires - Visites en série de flottes de guerre

Les visites de flottes de guerre étrangères dans les ports de Madagascar se succèdent. Il s'agit d'une diplomatie militaire impulsée par des motivations géopolitiques, des enjeux sécuritaires et économiques.

Diplomatie militaire. Depuis quelques années, les citoyens lambdas, surtout ceux des villes portuaires du pays, peuvent en prendre la mesure. Dans le domaine de la défense et de la sécurité maritime, surtout, Madagascar est de plus en plus au coeur d'une valse diplomatique militaire.

Les ports de Toamasina et d'Antsiranana accueillent souvent des navires de guerre étrangers. Cependant, ces dernières années, ces visites s'enchaînent. Depuis le début de la guerre en Ukraine et la montée des tensions au Moyen-Orient, ces visites se sont enchaînées. Des pays envoient même une flotte entière. La tension entre la Chine et Taiwan vient y mettre son grain de sel, également. Des jeux d'influence sur le plan de la géopolitique se jouent en coulisse. Il y a aussi des enjeux sécuritaires et maritimes expliquant cette valse diplomatique militaire incessante.

La visite de trois vaisseaux de guerre chinois, le 10 avril, au port de Toamasina, a attiré l'attention sur le sujet. Selon une communication du ministère des Forces armées, sur sa page Facebook, il s'agit de la 45e flotte d'escorte de la marine chinoise. Les trois navires ont ainsi fait une halte de quelques jours à Madagascar, après avoir effectué une mission d'escorte des bateaux commerciaux chinois dans les eaux somaliennes et dans le golfe d'Aden.

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La sécurisation des bateaux commerciaux contre la piraterie maritime est la raison de cette valse incessante près des eaux malgaches. Deux des principales autoroutes commerciales maritimes se trouvent, en effet, à quelques encablures du territoire maritime de Madagascar. L'une se trouve dans le Canal du Mozambique et l'autre dans l'océan Indien. Depuis plusieurs mois, les attaques menées par les Houthis, au large du Yémen, perturbent la navigation commerciale internationale.

Dans une certaine mesure, la sécurisation des convois maritimes est une opération multinationale. Toutefois, certains pays en profitent pour intensifier leur offensive diplomatique, par le truchement de leur armée. Au regard de la géopolitique actuelle, avoir une entrée à Madagascar pourrait être un atout. Surtout dans le domaine de la sécurité et de la défense maritime. L'usage de flottes de guerre comme faire-valoir est une manière de donner un aperçu des moyens et des possibilités d'un renforcement de la coopération militaire entre les pays liés par un accord.

Intérêts

Pour la Chine, «il s'agit d'une volonté de prolonger le concept de nouvelle route de la soie sur le renforcement des liens commerciaux, au domaine militaire». Avant l'Empire du Milieu, l'offensive indienne en matière de diplomatie militaire est également remarquable. En 2014, quatre unités de la marine indienne ont fait escale à Antsiranana. Depuis, des vaisseaux de guerre indiens font fréquemment halte dans les eaux au port de la capitale de la région Diana. En mars 2023, deux d'entre eux y ont accosté avec trois cent cinquante éléments à leur bord.

Le Japon, la Corée du Sud, ou encore l'Italie et la Turquie, engagent une offensive diplomatique pour une coopération militaire avec la Grande Île. Le domaine de la sécurité maritime est toujours au centre des discussions. En face, il y a les partenaires conventionnels de Madagascar, que sont la France et les États-Unis. La semaine dernière, par exemple, avec le passage du bateau militaire Le Champlain à Antsiranana, la marine française a effectué un partage d'expérience avec les forces navales malgaches, dans le domaine du sauvetage en mer.

La France peut aussi compter sur les Forces armées de la zone Sud de l'océan Indien (FASZOI) pour garder des liens étroits avec Madagascar, sur le plan militaire. Une énième édition de l'exercice Papangue s'est justement tenue du 7 au 12 avril, à La Réunion. Un exercice interarmées, organisé par la France, par le biais des FASZOI. Madagascar y a toujours pris part. Depuis quelques années, les États-Unis ont fait de même avec l'exercice Cutlass Express. La lutte contre la piraterie maritime, la pêche illégale et la traite d'êtres humains sont les objectifs affirmés.

De hauts responsables militaires viennent souvent en visite dans le pays, comme précurseurs de ces exercices conjoints. Pour en revenir aux visites de navires de guerre, ces manoeuvres sont également une lutte d'influence. Il s'agit d'une manière, de part et d'autre, d'indiquer qu'ils peuvent défendre leurs intérêts n'importe où. Toutefois, Madagascar peut aussi surfer sur ces offensives diplomatiques pour se renforcer dans le domaine de la sécurité et de la défense maritime.

La Grande Île peut tirer sa carte de cette joute diplomatique au coeur de laquelle elle se retrouve, de prime abord, malgré elle. Jusqu'à l'heure, il n'est question que de partages d'expérience, de formation, ou encore, de bourses pour les académies militaires et écoles de guerre. Madagascar peut, cependant, prétendre à en avoir plus. Il peut même élargir ses bénéfices diplomatiques à d'autres domaines, au-delà des intérêts militaires.

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