Ile Maurice: Opposition PTr-MMM-ND - Des propositions économiques qui font débat

Entendons-nous bien. À l'approche de l'échéance électorale, on assistera à une véritable surenchère avec annonces, cadeaux et promesses qui dépassent souvent les limites du bon sens, frisant dans bien de cas la démagogie. C'est la caractéristique de toute campagne électorale, à Maurice comme ailleurs, où les formations politiques ne font que faire rêver une population mais le réveil peut souvent s'avérer brutal.

En même temps, on ne peut empêcher l'opposition parlementaire, qui représente l'alternance dans un état démocratique, de proposer des changements pour répondre aux attentes d'une population qui aspire à un nouveau modèle de société. L'annonce d'une vingtaine de mesures-phares par l'alliance PTr-MMM-ND à son meeting du 1er-Mai s'inscrit dans cette démarche. Celles-ci visent, dit-elle, à consolider la démocratie, à apporter une plus grande justice sociale et à résoudre la problématique de la dépréciation de la roupie et, par ricochet, la baisse du pouvoir d'achat. Entre autres.

Trop longtemps critiquée par la majorité et certains observateurs économiques et politiques indépendants pour son incapacité à proposer des mesures profondes aux grands enjeux sociétaux du pays, l'alliance de l'opposition a ouvert le bal le 1er-Mai dernier. Tant mieux. Et depuis, chaque mesure est analysée et disséquée, des dirigeants du gouvernement et des spécialistes s'interrogeant sur son financement, voire ses implications fiscales et sociales.

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Sans doute, le tandem Ramgoolam/ Bérenger sait que la finalité de ces mesures, qui à bien des égards sont électoralistes, dit pouvoir cibler et convaincre tous les segments de la population. D'ailleurs, la marchandise a été emballée, tout au moins une partie, pour répondre à cette volonté en ciblant les ménages avec une série de baisses de prix (essence, diesel, électricité, médicaments, etc.) ; les jeunes avec l'exonération fiscale pour ceux de 18 ans à 23 ans et l'Internet gratuit ; les familles de classe moyenne avec l'abolition de la taxe sur les revenus inférieurs à Rs 1 million et sur la pension de vieillesse ; ou encore la gent féminine avec le congé de maternité d'une année. Parallèlement, on y voit l'engagement de réorganiser le port, l'aéroport, Air Mauritius, etc. et des investissements massifs dans des secteurs comme l'agriculture, l'élevage et la pêche pour redynamiser l'économie et assurer à terme la sécurité alimentaire, considérée comme une urgence aujourd'hui. Tout un chantier, dira-t-on. On ne sait pas si les dirigeants de l'alliance gouvernementale ont été pris de court mais depuis l'annonce de ces mesures, le débat s'est porté sur son financement, le chiffre de Rs 12 milliards étant avancé de part et d'autre. Les spécialistes préfèrent eux avoir accès à tous les détails avant de se prononcer.

Il ne faut pas perdre de vue que chaque parti fera grimper les enchères pour gratter le maximum de votes dans le prochain scrutin. Le MSM, qui a encore son dernier Budget à présenter - dans la deuxième semaine de juin probablement - tentera de casser la baraque en se livrant à la surenchère. Il faudra rivaliser avec l'opposition en proposant des mesures imaginatives, mais nécessairement électoralistes, sans pour autant copier celles déjà du domaine public.

Des interrogations

Pour autant, tous les partis sont une logique politique où la priorité est de remporter le pouvoir. Le temps d'analyse et du chiffrage viendra peut-être après, quitte à « fine tune » certaines mesures. Ce qui fait tiquer peut-être certains économistes et analystes à se lancer dans le décryptage de ces propositions. Pierre Dinan, économiste, souligne, dans l'interview qui suit, que le jeu démocratique implique que l'opposition vienne avec sa liste de mesures sur la base desquelles les électeurs seront appelés à exprimer leur choix, cela « par rapport à ce qui est et à ce qui est promis » Toutefois, dit-il « pour que ce jeu démocratique le soit vraiment... il y a lieu d'éclairer les électeurs quant aux moyens, présents et à venir, dont disposera le prochain pouvoir pour honorer ses engagement ». Certainement !

Rajeev Hasnah, économiste, y voit la série de mesures économiques énoncées comme une réponse aux attentes de la population pour regagner son pouvoir d'achat. Alors que celles portant sur les réformes des institutions clés du pays (indépendance des pouvoirs du DPP, réforme électorale, Indépendance de la MBC, Freedom of Information Act, etc. ) influeront positivement sur la confiance de tous les stakeholders. « Visiblement, c'est un vaste chantier qui s'ouvre. Les réformes courageuses et audacieuses prendront le temps qu'elles prendront mais si elles sont réussies, elles entraineront une dynamique de croissance dans l'économie ».Azad Jeetun, économiste et ex-directeur de la MEF, constate pour sa part, que l'opposition est contrainte de piocher aussi sur le terrain social, tout comme la majorité gouvernementale. «Elle n'a pas de choix. Ce sont hélas les mesures qui attirent plus de votes.» S'il croit qu'il y avait urgence à contrôler l'inflation en empêchant les prix des carburants, de l'électricité et des médicaments de prendre l'ascenseur, il s'attend à ce que l'Alliance PTr-MMM-ND s'explique sur le mécanisme qu'elle mettra en place pour rendre cette mesure effective.

Partant du postulat de Pierre Dinan que «l'économie d'un pays est bâtie, non sur la gratuité, mais sur la production de biens et de services», d'autres experts financiers s'interrogent, sous le couvert de l'anonymat, sur certaines mesures qui relèvent de «l'incohérence». «Le Dr. Ramgoolam a toujours prôné la responsabilité fiscale dans sa politique économique. Or, aujourd'hui, c'est exactement le contraire qu'il propose avec une série de baisses de prix, d'abattements fiscaux et de gratuité pour certains services. Ce qui fera exploser la dette publique.» De la même manière, certains se demandent si la proposition de rendre le transport gratuit ne fera pas de Metro Express une entité déficitaire, vu que nombreux seront les usagers qui migreront vers les autobus.

Quid des femmes qui se verront offrir un congé de maternité d'une année ? Si cela pourrait être une solution pour régler à terme la crise démographique, des experts se demandent «si cette mesure ne va pas contraindre des employeurs à ne recruter que des hommes, vu que son application pourrait perturber les opérations d'une entreprise». «Est-ce que les professionnelles souhaitent vraiment faire une pause pour avoir un enfant au risque de perdre une promotion alors qu'aujourd'hui elles sont plus 'focused' sur leur carrière ?»

Quoi qu'il en soit, le débat est lancé. Dans les jours à venir, les spécialistes y verront plus clair quand ces mesures seront détaillées en attendant celles du Grand argentier le mois prochain. Au final, il reviendra aux électeurs de trancher.

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