Washington, DC — Un référendum garantissant une plus grande autonomie à chacune des trois iles qui constituent la République fédéral islamique des Comores a eu lieu en décembre. L'ancienne colonie française, au large de l'Océan Indien près de la côte sud-est de l'Afrique, semlait se diriger vers une réconciliation qui lui avait longtemps échappé. Mais une attaque armée contre l'ile de Moheli, quatre jour avant la consultation, est venu porter un autre coup à la stabilité, déjà fragile, du pays. allAfrica.com a interviewé, Chaharane Mogne, Chef de Corps de la force comorienne de défense, actuellement en visite à Washington, sur le rôle de l'armée dans la vie politique des Comores.
Q: La situation sécuritaire aux Iles Comores continue de susciter des inquiètudes aussi bien au niveau local que régional et international. Au mois de décembre dernier, par exemple, un groupe d'hommes armés, qualifiés de 'mercenaires' par votre gouvernement, a débarqué sur Moheli, la petite ile de l'archipel, et engagé les forces comoriennes dans des combats sanglants. L'évenement est survenu juste quelques jours avant le référendum sur une nouvelle constitution portant sur le futur de l'Union. Que s'est-il passé exactement?
R: Effectivement, à quatre jours de la consultation sur une nouvelle constitution du nouvel ensemble comorien, on a été reveillé tôt le matin par le commandement militaire à Moheli pour nous annoncer un débarquement de mercenaires qui se réclamaient de l'armée américaine et qui étaient là pour essayer de mettre à mal le gouvernement du Colonel Azali parce que, d'après eux, le gouvernement était affilié aux reseaux terroristes de Ben Laden. Ils disaient que l'armée devait se rendre parce que c'est un combat perdu d'avance et qu'il ne fallait pas se faire tuer pour le colonel Azali qu'ils disaient être reclamé par la communauté internationale pour des actes terroristes.
Cette version de la présence de soldats américains venus déloger le gouvernement n'a jamais éte réaliste et on s'est dit qu'à quatre jours des élections, il faut qu'on fasse quelque chose et c'est à partir de là que nous avons décidé, au niveau de l'état majors de déployer des moyens supplémentaires pour aller appuyer les forces locales et essayer de mettre à mal cette invasion et démontrer que nous, en tant que Comoriens, on ne voulait plus de ce genre d'opération.
Q: Selon la version officielle de votre gouvernement, il y avait des Français parmi ces hommes désignés comme mercenaires. Le fait que des Français seraient impliqués dans une opération de ce genre porterait-il une signification quelconque aux yeux des autorités comoriennes?
R: A priori non, parce que quelque soit la nationalité des mercenaires, l'essentiel c'est de leur montrer que l'armée comorienne, contrairement au dires des politiciens ou des Comoriens, était prête à défendre l'intégrité territoriale de notre pays. Justement, dans cette situation où l'armée a pris les commandes depuis Avril 1999 pour essayer d'amener les Comoriens autour d'une table et faire en sorte qu'on ait une répblique unie, elle était prête à montrer qu'elle était en mesure d'apporter quelque chose à ce pays. Quitte à se faire tuer par des hommes qui se réclament d'un courant d'opposition ou de je ne sais quoi.
Q: Justement le fait que les Iles aient une longue histoire de troubles politiques, une vingtaine de coups ou de tentatives de coups en un peu moins de trente ans, n'indique t-il pas que l'armée fait aussi partie du problème?
R: Effectivement on qualifie les Comores d'un pays où il y a eu ces évenements que vous évoquez. Mais çela ne s'explique pas d'une façon très claire de la part des politiciens qui ont eu recours dés l'indépendance à ces moyens pour accéder au pouvoir, des méthodes qui ne sont pas très démocratiques. Quand on a proclamé l'indépnedance unilatéralement en 1975, il y a eu un coup d'Etat par les marxistes, juste quelques semaines. Trois ans aprés, il y a eu un autre coup, celui d'Ahmed Abdallah, avec l'aide de mercenaires et àprès 1978 il y a eu des tentatives qui ont été étoufées de la base par l'armée. Après l'assassinat d'Ahmed Abdallah, il y avait une période d'instabilité qui a fait qu'entre politiciens, on ne se retrouvait pas pour essayer de savoir où est ce qu'on va. Donc, chacun de son côté essayait de trouver la faille, de trouver d'autres moyens pour accéder au pouvoir et c'est par là qu'on a eu tendance à avoir des coups d'Etat d'une façon pas violente, à partir des institutions en place. On a eu tendance à avoir des coups d'Etat à partir de rébellions internes ou à partir de gens venus de l'extérieur et ainsi de suite. Donc c'était une période d'instabilité qui était naturelle après la phase de parti unique pour accéder à la phase de démocratisation. Et je crois qu'une situation similaire s'est produite dans beaucoup de pays, bien que pas d'une façon très marquante par rapport à nous. Et j'avoue que ça nous fait mal quand on fait ce décompte macabre comme quoi on a eu vingt coups. Mais les Comores ne doivent pas se faire sentir comme un pays d'instabilité chronique parce que la sécurité des gens n'a jamais été mise à mal, c'est à dire on a jamais eu de guerres civiles et les coups d'Etat ont été limité au niveau de réclamations à partir de la radio et ainsi de suite. Après on se retrouvait dans de meilleurs sentiments pour trouver des solutions à la comorienne comme on dit.
Q: Mais il faut aussi dire qu'il y a un malaise socio-économique dans le pays, la population vit souvent dans des conditions de misère, sans que l'institution militaire puisse faire de sorte que cetter misère soit allègée?
R: L'armée n'a pas toujours été le point d'achoppement de tout ce qui se passe au Comores. C'est vrai, on a toujours été solicité parce que ceux qui voulaient prendre le pouvoir, voulaient le prendre par la force. Mais on a jamais été à l'origine de ces troubles-là. Le coup d'Etat qui peut être mis a l'actif des militaires c'est celui du 30 Avril 1999. Mais les autres coups étaient l'affaire de politiciens qui solicitaient l'armée pour accéder au pouvoir. Mais, comme j'ai dit, le coup d'Etat qui a été monté par les militaires est survenu à la suite de troubles qui ont précédé le 30 avril où l'Anjouanais et le Mohelien étaient sommés de quitter la Grande Comore d'une façon inhumaine et nous on a dit que le fait que nous soyions des Comoriens, ne nous permettait pas de tolérer une chose pareille. A plus forte raison qu'au sein de l'armée, il y a une forte majorité d'Anjouanais et de Moheliens et pas uniquement de Grand Comoriens.
Q: Est ce que vous pensez que le référendum de décembre dernier a mis fin aux troubles de ce genre et aux tendances sécessionistes de certains Comoriens?
R: Dans le référendum on a essayé d'aller un peu plus loin dans la méthode de gestion du pays. Avant, c'était un Etat centralisé à partir de Moroni. C'était un Etat fédéral mais qui n'avait de fédéral que le nom. Le référendum a donné un peu plus de pouvoir aux institutions locales. Il y aura un chapeau qui sera symbolisé par le Président de l'Union. Donc, puisqu'on est dans une ile, ce n'est pas facile qu' un Mohelien arrive à avoir tout ce qu'il veut de l'Etat à partir de Moheli ou qu'un Anjouanais arrive à avoir tout ce qu'il veut de l'Etat à partir d'Anjouan. Il était obligé de se déplacer de Moheli ou d'Anjouan pour aller à Moroni. Et là, on a essayé de décentraliser au maximum. C'est la façon la plus adéquate qu'on pense pour essayer de dévolopper nos iles et de limiter ces ambitions politiques démesurées de la part des uns et des autres.
Q: Le Chef de l'Etat comorien, le Colonel Azali Assoumani, a démissioné de son poste pour se consacrer aux futures élections qui auront lieu en Mars/Avril. Cela pourrait être vu comme tentative de retour en force au pouvvoir par l'armée, n'est ce pas?
R: Negatif. Le Président Azali a été au pouvoir à partir du 30 Avril 1999 et ceux qui n'étaient pas au pays avaient tendance à croire qu'au sein du gouvernement, c'était la junte militaire qui gouvernait le pays. Mais je peux dire que du 30 Avril jusqu'a nos jours, jusqu'a la démission du Colonel Azali, il y a eu dans le premier gouvernement un seul militaire qui était ministre. Nous autres, on a choisit d'être militaire parce que on a voulu donné un sens au coup d'Etat du 30 avril. C'était pas dans le but de prendre le pouvoir et de l'exercer. C'était dans le but d'arrêter un masscare qui se préparait et qui montrait qu'après tout on allait s'entre-tuer et on allait nous venir en aide avec des couvertures et des sacs de riz de la part de la communauté internationale. Donc, après le 30 Avril, on a mis en place un gouvernement de technocrates et, le temps passé, on a vu quand même qu'il fallait mettre en place un gouvernement un peu plus politique pour faire avancer les choses un peu plus rapidement et pour essayer de mettre en place un gouvernement qui allait regrouper toutes les tendances politiques du pays. Ce qui fait que, depuis ce temps-là, les militaires, je dirait en majorité, sont restés dans les fonctions qui leur ont été designées de droit, c'est à dire, les affaires uniquement militaires. Là, le Colonel Azali était le seul militaire qui était au affaires de l'Etat en tant que chef de l'Etat. Il a démissioné selon les recommendations de la Commission du suivi qui est une commission qui englobe tous les partis politiques du pays. Et je peux assurer que les instances internationales qui etaient chargées de ramener le pays dans un cadre institutionnel et démocratique sont favorables à ce que Azali soit le Premier Président de l'Union.
Q: Vous voulez dire la sous-région et notamment l'Afrique du Sud?
R: Oui. On est bien content d'avoir un pays comme l'Afrique du Sud, en tant que puissance régionale, et en tant que coordinateur pour la résolution de cette crise. On est bien content d'avoir ce pays a nos cotés pour nous aider à mettre en place des institutions et après cette mise en place à développer le pays. Nous, en tant que Comoriens, on connait nos limites, on connait nos ressources et nous demondons à l'Afrique du Sud et aux autres pays de la régions tels Madagascar, les Iles Maurices etc, de nous aider avec ces problèmes qui ont fait qu'on soit un pays très sous-développé.