Congo-Kinshasa: Masire se dit préoccupé mais optimiste

25 Février 2002

Lobatse, Botswana — L'ancien président botswanais, et facilitateur du dialogue inter-congolais, Sir Ketumile Masire, se dit optimiste quand aux discussions qui se sont ouvertes lundi à Sun City, en Afrique du Sud, entre le gouvernement de Kinshasa, les rebelles congolais, l'opposition politique et la société civile. Cepandant, Masire affirme que la tâche de rétablir la paix en République démocratique du Congo (RDC) n'a rien de facile.

Né en 1925, Masire, ancien professeur et journaliste, a successivement occupé les postes de député, ministre des Finances, vice-président et président du Botswana, ancien protectorat britannique. Après avoir contribué a la paix et à la prospérité dans son pays et dans la région toute entière, il a quitté le pouvoir en 1988 pour se consacrer à ses activités humanitaires et à l'élevage de bétail et d'autruches dans sa ferme à Lobatse, au Botswana.

Père de 6 enfants, et grand-père de 8, Masire reste l'un des chefs d'etat africains les plus populaires parmi ses paires, bien qu'il ne soit pas aussi connu que Nelson Mandela, par exemple, au sein des populations africaine. Il est aussi l'un des rares dirigeants africains qui ont quitté le pouvoir de leur propre gré le remettant à un successeur démocratiquement élu.

Notre envoyée spéciale, Ofeibea Quist-Arcton, était parmi un groupe de journalistes internationaux qui ont interviewé Sir Ketumile dans sa ferme sur les horizons des discussions de Sun City ainsi que sur la décision qu'il avait prise au départ d'assumer le rôle de facilitateur. Receuils.

Q: Pourquoi avez-vous accepté d'être facilitateur du dialogue inter-congolais?

R: J'étais réticent, je ne voulais pas le faire, j'avais refusé plusieurs foix. Mais les secrétaires généraux de l'OUA, Salim Ahmed Salim, et des Nations unies, Kofi Annan, ont fait pression sur moi et sur mon président, Festus Mogae, pour que j'accepte cette mission. Alors le Botswana s'est finalement positionné pour relever ce défi.

Q: Pourquoi étiez-vous réticent ?

R: Je m'étais retiré de la vie politique un auparavant, en 1998. On ne part pas à la retraite pour entreprendre un nouveau travail, surtout un travail aussi difficile que celui-ci.

Q: Avez-vous des regrets aujourd'hui ?

R: Non, même si je pense que je me porterais mieux aujourd'hui si je ne m'étais pas engagé, si quelqu'un d'autre avait accepté cette mission.

Q: Pourquoi ?

R: Je ne voulais pas un travail aussi épuisant que ça. Il y a des moment ou je suis deçu. Je me demande parfois si les congolais eux même prennent ce dialogue au sérieux. Mais je ne regrette rien. Quand j'aurais le sentiment que cela ne vaut plus le temps que j'y passe, je demissionnerai.

Q: Vous donnez-vous un délais d'un an ou deux avant de jeter l'éponge dans la facilitation?

R: Je ne pense pas que les Congolais ou moi-même devrions nous fixer des limites. Lorsque vous commencez à négocier, vous le faites en toute bonne foi, et vous ne devriez pas dire "maintenant ou jamais" - même si je pense que les discussions de Sun City représente le bon moment.

Q: Et si le conflit au Congo se reglait, souhaiteriez vous prendre en charge d'autres missions de médiation sur le continent ?

R: Je prie Dieu tous les jours pour que l'on trouve une solution a ce conflit. Et je lui demande aussi, si jamais une solution était trouvée, de ne plus jamais me donner un autre problème a résoudre....

Q: Quelles sont les qualités qu'un facilitateur dans la crise actuelle en en RDC doit posseder?

R: Vous devez être aussi diplomatique que possible à l'égard de tout le monde, supporter beaucoup d'insultes parfois, parce que certains pensent vous rendre service en vous acceptant comme facilitateur.

Q: Vous avez été président et ministre des Finances, pas ministre des Affaires étrangères. La diplomatie est-elle votre fort ?

R: Certaines aptitudes sont mieux jugées par d'autres que par soi-même.

Q: Etes vous devenu plus diplomate ?

R: Qui sait?

Q: Ne vaudrait-il pas mieux ne pas être trop diplomate, dans votre position?

A: Non, la diplomatie signifie la politesse, et je ne pense pas qu'il vaille mieux être impoli.

Q: Pourquoi la rencontre d'Addis-Abeba a-t-elle échoué en octobre 2001?

R: Je ne pense pas que les différentes parties soient venues avec l'intention de trouver un accord. Je pense que les congolais n'étaient pas vraiment prêts pour Addis. Je pense qu'ils le sont un peu plus aujourd'hui. Les questions d¹organisation qui nous ont été reprochées n¹ont été qu¹un prétexte utilisé par certains pour ne pas venir.

Q: Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui que le processus est sur les rails?

R: Je l'espère. Mais ce n'est pas le genre de chose que l'on peut mesurer avec un instrument. Les choses se présentent mieux aussi sur le plan financier. J'avais realisé, dis jours avant Addis, que nous n'aurions jamais assez de fonds pour tenir 45 jours. Il nous fallait donc soit réduire le nombre de delegations de 62 a 15, soit limiter le dialogue a sept jours. Tout ceux qui ont participé aux discussions d'Addis savaient que problème existait.

Q: Les critiques de votre médiation ont été nombreuses. On vous a accusé notamment de ne pas pouvoir 'faciliter' ce dialogue parce que vous êtes anglophone. Est-ce un problème majeur ?

R: Pas du tout. Si vous avez un enfant malade, où vous dirigerez vous? Chez quelqu'un qui parle français, mais qui n'est pas medeçin, ou chez un docteur anglophone? Nous avons toujours eu des traducteurs très compétents. Ce n'est pas la communication qui pose problème.

Q: Les élections au Zimbabwe auront-elles un impact sur le dialogue inter-congolais ?

R: Cela se peut, dans la mesure où les Zimbabwéens sont impliqués en RDC.

Q: Avez-vous discuté cette question avec Robert Mugabe ?

R: J'ai fait une habitude de tenir informés tous les présidents de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), notamment, Yoweri Museveni de l'Ouganda, Paul Kagame du Rwanda, en raison de leur implication au Congo. J'ai rendu visite à Mugabe plusieurs fois pour parler de ce dossier.

Q: Quel est le principal obstacle à un dialogue constructif ?

R: Tous les participants veulent diriger le pays. Quand vous parlez, tout le monde vous écoute poliment et puis chacun suit sa voie. Vous ne pouvez jamais être sûr d'avoir été pris au sérieux ou non.

Q: Voyez-vous parmi les participants au dialogue une vision, un projet politique clair émerger pour le pays ?

R: Nous essayons d'abord de favoriser un accord, un projet pourra ensuite émerger durant la période de transition, lorsque les gens auront l'occasion d'exprimer leurs points de vue. Maintenant, il est difficile de connaître les programmes politiques de différentes parties.

Q: Le coeur du problème congolais ne tient-il pas à l¹absence d¹une vision politique dans ce pays ?

R: Cela se peut. Le Congo compte plus de 800 partis politiques. De quoi parlent-ils ?

Q: Quel rôle jouent les immenses ressources naturelles dans le conflit ?

R: Au Congo, il y a une abondance des richesses. C'est très domage pour ce pays, parce que d'autres, des acteurs extérieurs, convoitent sans cesse ces richesses. Tout le monde veut se tailler une part du gâteau. Le Congo est un pays très riche representant beaucoup d'intérêts en jeu. C'est un pays qui a toujours été mal géré. En consequence de quoi, personne ne fait confiance a personne. L'ambiance est loin d'être conviviale. Il y a fort peu de signes d'un esprit d'unité nationale.

Q: Est ce que vous trouvez que certains participants au dialogue manquent de bonne volonté parce que le conflit est plus rentable que la paix ?

R: Peut-être.

Q: Avez-vous tiré pareilles conclusions vous-même ?

R: La commission économique des Nations unies a dénoncé certains groupes, les accusant de vouloir prolonger la guerre.

Q: Pensez-vous que tous les participants congolais veulent faire aboutir les prochaines discussions ?

R: Je l'espère. Aucun instrument ne peut mesurer la volonté. J'espère que tout le monde estimera avoir parcouru un si long chemin qu'il est temps d¹aboutir à un accord.

Q: Quelle est la solution pour le Congo ?

R: J'espère que tous les Congolais réalisent l'état dans lequel se trouve leur pays, aussi bien du point de vue social qu'éducatif, sanitaire et économique. J'espère qu'ils se mettront sérieusement au travail lorsque nous nous rencontrerons à Sun City.

La solution consiste à se mettre d'accord sur l¹avenir du pays. Après tout, ce que nous pensions être des problèmes insolubles, comme la situation sud-africaine, n'ont pas empêché les gens d'arriver à des solutions à l' amiable. Alors pourquoi pas le Congo? La situation dans ce pays n¹est pas aussi compliquée que celle du régime de l'apartheid en Afrique du Sud.

Q: La paix est possible au Congo alors?

R: Oui, bien sûr.

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