Afrique de l'Ouest: Rabat offre sa médiation au Fleuve Mano

27 Février 2002
interview

Washington, DC — Les présidents Charles Taylor du Libéria, Lansana Conté de Guinée et Tejan Kabbah de Sierra Leone, qui se battent par adversaires interposés depuis dix ans approximativement, sont réunis à Rabat pour un sommet tenu sous l'égide du Roi Mohammed VI. Une telle rencontre avait été projetée au mois de janvier dernier, suite à la médiation de l'Association des femmes du fleuve Mano mais Charles Taylor a accusé son homologue guinéen de soutenir les rebelles libériens après la recrudescence des combats au Libéria. Le sommet de Rabat a été précédé d'une réunion des ministres des affaires étrangères. Selon Mohamed Khairat, journaliste du quotidien Al-Ittihad Al-Ichtiraki, organe des socialites de l'USFP au pouvoir, ce sommet pourrait déboucher sur d'importants résultats

Q: Qu'est ce qui est à l'ordre du jour de ce sommet?

R: Jusqu'à cet après-midi, il n’y avait pas d'ordre du jour spécifique pour ce sommet qui, d'une manière générale, voudrait réaliser la réconciliation en Afrique de l'Ouest. Mais il est fort probable que le sommet traite d'autres questions telles la réactivation de l'Union du Fleuve Mano et l'intégration économique dans la région, dans le cadre des efforts fournis par les groupements régionaux pour relever les défis de la mondialisation.

Q: Plusieurs tentatives de médiations, y compris celle du leader libyen Muammar Al-Gaddafi, n'ont pas réussi par le passé à rassembler les trois parties belligérantes. Qu'est ce qui a fait le succès du Maroc à cet égard?

R: Premièrement, il y a des facteurs objectifs qui expliquent ce succès. Les conflits dans la région ont duré trop longtemps, a tel point ils sont passés dans l'oubli, bien qu'ils aient causé énormément de souffrance. Les populations de la région sont fatigués par la guerre. D'autre part, c'est la réanimation de la diplomatie marocaine ces derniers temps. Si on prend les initiatives du gouvernement marocain durant les deux ou trois dernières années, on s'apercevra que les contacts avec l'Afrique de l'Ouest ont été intensifiés, que ça soit au niveau des visites entamées par les responsables de Rabat aux capitales de la région ou au niveau des délégations Ouest africaines visitant le Maroc. Les plus importantes de ses visites du coté marocain sont celles entamées par le Roi Mohammed VI en Mauritanie et au Sénégal. L'axe Rabat-Nouakchott-Dakar est très important dans la région.

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Q: Mais qu'est ce qui a finalement convaincu Lansana Conté, qui jusqu'a très récemment refusait de rencontrer Charles Taylor, de participer à ce sommet?

R: Il y a eu beaucoup de diplomatie 'discrète' loin des regards des médias ces derniers mois. Plusieurs contacts ont eu lieu sans qu'ils soient rapportés dans la presse. Conté, par exemple, a dépêché son envoyé au Maroc où il s'est rendu lui-même en été pour voir le Roi. Le porte-parole et ambassadeur itinérant de Charles Taylor a aussi visité le Maroc en janvier. Le Secrétaire d'Etat marocain des Affaires Etrangères, Fassi Fihri, a lui aussi voyagé dans la région. Tous ces efforts ont convaincu Conté de la nécessité de participer au sommet de Rabat, qui, je pense, débouchera sur d'importants résultats.

Q: Verra-t-on un arrêt immédiat des hostilités entre les belligérants par exemple suite à ce sommet?

R: Il serait prématuré de parler d'un tel développement mais l'ambiance générale à Rabat et les premiers échos qui nous sont parvenus de la réunion des ministres des affaires étrangères prêtent à penser que l'esprit qui règne dans ce sommet est constructif. Les chefs d'Etat directement concernés sont devenus convaincus qu'il est temps que chaque partie cesse de soutenir les rebelles de l'autre et qu'une solution doit être trouvé au drame des réfugiés dans la région et que leurs gouvernements doivent regarder vers le future. C'est là le vrai défi qu'il leur est lancé.

Q: Et comment s'explique cet effort du Maroc pour trouver une solution à ces conflits?

R: Il ne faut pas oublier que le Maroc est un pays fondateur de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et qu'il est membre actif dans l'Union Africaine. Bien que le Maroc ait un problème très spécifique avec l'OAU, et avec l'Algérie en particulier [concernant le conflit du Sahara occidental], l'orientation africaine du Maroc est devenue plus claire de par l'amélioration de ses relations avec la Mauritanie, maintenant devenues excellentes, et les liens historiques qui l'attachent au Sénégal. Comme j'ai souligné auparavant, l'axe Rabat-Nouakchott-Dakar s'étend dans la région. Du point de vue de Rabat, cette orientation africaine confirme les racines du Maroc dans le continent et de là le pays cherche l'intégration dans cette région immense et riche en ressources naturelles et humaines.

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