FDA III: Synthèse des rapporteurs, mardi 5 mars :

7 Mars 2002
communiqué de presse

Deuxième séance plénière : Histoire et perspectives de l'intégration régionale en Afrique

La liberté de circulation des personnes à travers les frontières est une condition essentielle du succès de l'intégration régionale de l'Afrique, a déclaré mardi

M. Adedeji, un ancien Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique.

«La meilleure chose pour l'Afrique serait d'instaurer un passeport unique auquel tous les Africains pourraient avoir accès», a affirmé M. Adedeji durant la période que questions et réponses du Forum sur le développement de l'Afrique qui se déroule actuellement. L'une des toutes premières questions que l'Union africaine devrait examiner était celle de la libre circulation des personnes.

M. Adedeji avait présenté au préalable une étude intitulée «Histoire et perspectives de l'intégration régionale en Afrique», lors de la deuxième séance plénière d'ADF III, présidée par M. Abdoulaye Bathily, Vice-Président de l'Assemblée nationale du Sénégal.

M. Bathily a déclaré que l'histoire de l'intégration régionale en Afrique était riche, tant du point de vue des idées que de l'expérience pratique. D'importants enseignements devaient en être tirés pour les initiatives d'intégration actuelles. La séance était, en outre, importante car elle donnait l'occasion de faire un examen critique des efforts antérieurs d'intégration régionale et d'en tirer des enseignements pour élaborer une vision de l'intégration de l'Afrique.

Le succès de l'intégration économique de l'Afrique exigera également une intégration politique concomitante, a affirmé M. Adedeji, qui a ajouté : «Pour que l'intégration économique soit menée à bien, elle doit reposer sur des valeurs et des visions politiques communes.»

M. Adedeji a indiqué que l'intégration de l'Afrique avait été envisagée dans une optique excessivement économique, qui avait été la cause de son échec. A l'heure où le continent s'efforçait de réaliser son intégration régionale, certains pays étaient à couteaux tirés, ce qui était bien entendu tout le contraire d'une véritable intégration. «Comment peut-on être en désaccord et coopérer économiquement» a-t-il demandé?

A l'heure où le continent s'efforçait de réaliser son intégration régionale, certains pays étaient à couteaux tirés, ce qui était bien entendu tout le contraire d'une véritable intégration. «Comment peut-on être en désaccord politique et coopérer économiquement?» a-t-il demandé.

M. Adedeji a souligné qu'il faudrait mettre en place un «nouveau régionalisme» comportant des volets politique, économique, sécuritaire et de cohérence, dans le cadre de la mondialisation. «Notre disgrâce sera éternelle si l'Union africaine est un nouvel échec» a-t-il dit.

D'autres raisons «fondamentales» de l'échec de l'intégration en Afrique, selon M. Adedeji, tenaient, notamment, au fait qu'aucun pays africain n'avait réalisé une transformation économique structurelle significative et que les moyens manquaient pour impulser le développement et résister aux chocs extérieurs.

Les échecs tenaient également à l'absence de stabilité, de visions et de valeurs politiques régionales communes, au fait que le processus d'intégration n'était pas suffisamment axé sur les populations, à la concentration excessive sur le choix et la structure des institutions au détriment des questions de fond, enfin, à la prolifération d'institutions dont les mandats et les tâches se chevauchaient.

M. Adedeji a poursuivi en déclarant que le bilan de l'Afrique «dénotait de nombreux problèmes», comme le manque de volonté politique, l'absence de sanction en cas de manquement et l'appartenance de certains pays à plusieurs institutions sous-régionale. Il fallait y ajouter la dépendance excessive des gouvernements à l'égard des recettes douanières, la répartition inéquitable des coûts et avantages de l'intégration, des calendriers irréalistes, l'habitude qu'avaient prise les Etats membres de signer des protocoles mais de ne jamais les appliquer et la faible participation du secteur privé et de la société civile.

La dynamique de l'intégration remontait au XVIIIe siècle, en passant par la fondation, en 1900, du Congrès panafricain et sa rencontre historique de 1945 à Manchester, et elle a culminé avec le Plan d'action de Lagos de 1977 et les événements qui ont suivi. En dépit de cette longue histoire, les pays africains n'avaient guère montré leur attachement au processus de l'intégration. Toujours d'après M. Adedeji, le Plan d'action de Lagos et le Traité d'Abuja instituant la Communauté économique africaine «avaient été davantage violés que respectés,» même s'ils correspondaient au véritable esprit du panafricanisme.

M. Adedeji a ensuite défini cinq phases de l'intégration économique et politique de l'Afrique. La première était celle de la lutte historique pour le panafricanisme, menée par des dirigeants africains et des Africains de la diaspora, ainsi que par des administrateurs coloniaux, qui avaient créé des fédérations coloniales en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale et en Afrique de l'Est.

Les années 60 avaient représenté la deuxième phase, au cours de laquelle de nombreuses organisations multilatérales intersectorielles avaient été mises en place, surtout au niveau sous-régional. Mais c'était trop beau pour durer et l'intégration avait connu ses pires moments au milieu des années 70. C'était à cette époque que la Communauté de l'Afrique de l'Est avait été démantelée.

Durant la troisième étape, qui s'était étalée entre 1975 et 1983, des progrès décisifs avaient été accomplis, culminant avec la création d'entités sous-régionales. La CEA avait joué un rôle de premier plan dans la mise en place des blocs sous-régionaux. De nouvelles institutions s'étaient cependant superposées à des organisations qui existaient déjà, ce qui avait donné naissance à des doubles emplois, rendant toute rationalisation impossible, si bien qu'à la fin de cette période, la plupart des pays africains étaient membres de plusieurs entités.

Quatrièmement, on a essayé, dans les années 80 et 90, de réaffirmer les idéaux du panafricanisme par l'établissement d'une coopération régionale pragmatique. Le Plan d'action de Lagos en était l'illustration. Complexe, il s'inscrivait dans le long terme et visait à créer une Communauté économique africaine. Avec l'Acte constitutif de l'Union africaine, l'Afrique était en train d'entrer dans la cinquième étape de l'intégration.

Commentant la communication de M. Adedeji, M. Nuwe Amanya, Secrétaire général de la Communauté de l'Afrique de l'Est, s'est demandé ce qui se serait passé si la Communauté avait survécu. Il a soutenu qu'elle se serait sans doute étendue aux pays voisins et aurait été en mesure de résister aux chocs politiques, y compris à l'effondrement de la Somalie et au génocide du Rwanda.

Il a contrasté la libre circulation des poissons du lac Victoria dans les eaux des trois pays qui le bordent aux difficultés que rencontrent les citoyens des trois pays pour traverser leurs frontières communes. Il a conclu que la survie de l'Afrique dépendait de la création de grandes entités politiques, qui, selon lui, pourraient mieux assurer la défense des intérêts des citoyens.

En outre, les citoyens des trois pays, notamment ceux qui vivaient dans les zones frontalières, passaient librement d'un pays à l'autre et commerçaient à l'échelle régionale, à la différence des opérateurs structurés qui, eux, étaient confrontés à bien des problèmes.

«Quelle est donc cette souveraineté qu'il faut défendre alors que l'on est incapable de nourrir sa population?» a demandé M. Amanya-Mushega. Pour lui, la survie de l'Afrique reposait sur la création de grandes entités politiques qui pourraient mieux assurer la sauvegarde des intérêts des citoyens. Les petits pays, a-t-il ajouté, avaient abdiqué leur souveraineté et n'exerçaient aucun contrôle sur leur politique économique. L'union de l'Afrique ferait sa force. Sa désunion entraînerait la stagnation de tous les pays africains.

M. Hassan Sonmonu, représentant des syndicats, a souligné combien la participation populaire était importante. Un représentant du Maroc a rappelé l'importance de l'Union du Maghreb arabe (UMA). M. Adedeji a précisé à cet égard que l'UMA était en fait l'un des quatre blocs régionaux prévus dans le Plan d'action de Lagos.

Troisième séance plénière : Evaluation de l'intégration économique en Afrique et lancement d'ARIA

Carolyn Knapp, Rapporteur officiel d'ADF III

Monsieur Yousif Suliman, Chef de la Division de la coopération et de l'intégration régionales de la CEA, a présenté le Rapport annuel sur l'intégration en Afrique (ARIA), une publication phare de la CEA élaborée dans le but d'évaluer les progrès accomplis chaque année dans le domaine de l'intégration régionale. Le rapport synoptique est disponible sur le site www.uneca.org/adfiii.

Monsieur A. Gelb, économiste principal pour la région Afrique à la Banque mondiale, qui animait le débat, a estimé qu'il était nécessaire, avant de s'intéresser aux questions se rapportant à l'infrastructure et aux investissements, de régler le problème des inégalités qui pourraient résulter de l'intégration régionale et de se pencher sur la question des avantages et des inconvénients que celle-ci procure pour chacun des membres. Il a ajouté que les partenariats public-privé mis en place par la Banque mondiale avaient été extrêmement utiles sur le plan de l'analyse des politiques et que ceux-ci pouvaient compléter les activités de suivi et d'analyse que mène la CEA à l'occasion de la préparation d'ARIA. M. Gelb a également souligné combien il était important, à l'occasion de l'élaboration des indicateurs, de tenir compte de l'expérience des personnes qui vivent et travaillent dans plusieurs régions.

Durant la discussion d'une demi-heure qui a suivi, M. Suliman a précisé qu'ARIA reposait sur des analyses plurisectorielles mais aussi sur des indicateurs macro-économiques tels que ceux relatifs au développement humain et à l'intégration du marché de l'emploi. Il a souligné qu'ARIA n'était que l'une des grandes publications de la CEA. Deux autres publications approfondies seraient publiées, l'une sur la gouvernance et l'autre sur la femme et le développement.

Clôturant les travaux, M. K.Y. Amoako a souligné que la préparation du premier Rapport sur l'intégration régionale en Afrique, qu'il a qualifié d'ambitieux, avait nécessité deux années de travail. Il comptait bien recevoir, au cours des jours suivants, des propositions concrètes à intégrer dans le processus. Il a aussi souligné que la CEA était convaincue de l'importance du rôle des Etats capables. Enfin, il a souligné la nécessité d'approfondir les discussions sur le NEPAD et il s'est engagé à prévoir du temps pour le dialogue sur cette question au cours de la semaine.

Quatrième séance plénière : : L'intégration dans les autres régions : les enseignements à tirer pour l'Union africaine

Andrew Allimadi, Rapporteur officiel d'ADF III

Présentant ce thème, le Président a demandé instamment aux participants de concentrer leur attention sur des questions de fond et de s'interroger, notamment, sur les points suivants: Quelle est la condition préalable de la réussite de l'intégration? Est-ce qu'il faut une économie dominante pour faire avancer le processus d'intégration? Quels sont les coûts et les avantages de l'intégration ? Comment l'intégration répond-elle aux préoccupations des petits pays? Quels sont les mécanismes nécessaires pour apaiser les craintes des petits pays? Quelles sont les contraintes que l'intégration impose aux gouvernements et comment ceux-ci peuvent-ils y faire face?

Abordant ces questions, le premier orateur, M. Walter Kennes de la Commission européenne, a dit que:

L'objectif fondamental qui avait inspiré l'Union européenne était la nécessité d'établir la paix et la sécurité en Europe et d'assurer la croissance économique, ce qui n'était pas très différent du projet de l'Union africaine. L'orateur a passé en revue l'évolution historique de l'Union européenne, à partir du Plan Marshall de 1948, puis la Communauté européenne du charbon et de l'acier en 1951, jusqu'à l'Union actuelle. Les objectifs initiaux étaient modestes et c'est en 1968 que l'Union douanière avait vu le jour.

L'Acte unique européen de 1992 qui avait institué la liberté de circulation des personnes et la libéralisation du secteur des services avait constitué une avancée décisive.

La structure institutionnelle de l'Union était conçue pour répondre de façon équilibrée aux besoins des grands comme des petits pays. La Commission européenne veillait aux intérêts de l'Europe entière tandis que le Conseil européen s'occupait des intérêts des pays membres.

La prise de décision au sein de l'Union européenne était régie par le principe de subsidiarité, qui garantissait que les décisions de l'Union étaient prises au niveau le plus approprié. Les décisions de la Cour de justice européenne annulaient et remplaçaient la législation nationale.

Tous les candidats à l'Union devaient accepter d'appliquer l'ensemble des mesures déjà convenues par les membres et, en général, les membres de l'Union ne pouvaient être membres d'autres groupements. Pour être membre, il fallait, au préalable, respecter les droits de l'homme et appliquer la bonne gouvernance.

L'effet de polarisation, c'est à dire le fait qu'au début, certains pays profitaient davantage de l'intégration que les autres, était, en général, temporaire et, au fil du temps, les avantages de l'intégration étaient les mêmes pour tous.

En Europe, les points de vue divergeaient en ce qui concerne le rythme de l'intégration (trop lent pour certains, trop rapide pour d'autres) et le Traité de Nice, adopté en 2002, prévoyait une refonte de l'Union.

Le deuxième intervenant, Monsieur Robert J. Berg, a examiné la question de l'intégration en Amérique latine. Il a noté que les « faux départs» avaient été nombreux mais que le processus d'intégration se mettait en place sur le sous-continent. Il a indiqué qu'il convenait de tirer de l'expérience de l'Amérique latine les leçons suivantes :

L'intégration n'était pas une fin en soi, mais un processus pour appuyer les stratégies de croissance économique, assurer une plus grande égalité sociale et promouvoir la démocratisation.

Une vision politique à long terme et une certaine hauteur de vues, au niveau régional, en étaient les éléments essentiels.

L'intégration donnait de meilleurs résultats dans le cadre d'une stratégie globale de réforme structurelle et de libéralisation.

Un système multilatéral solide et puissant, par exemple une OMC pleinement fonctionnelle, permettait d'appuyer l'intégration et vice-versa.

Il fallait concevoir un cadre institutionnel adapté au programme effectif qu'il tentait de promouvoir au lieu d'essayer de réaliser des objectifs trop ambitieux.

L'intégration régionale et les réformes structurelles avaient donné aux pays membres la confiance nécessaire pour passer à une intégration plus poussée. Il était plus facile de lancer une initiative d'intégration que de la mener à bien.

L'intégration devait se fonder sur la législation régionale et multilatérale et, par conséquent, il fallait éviter de prendre les décisions ponctuelles. La libéralisation automatique et universelle, avec des exceptions, fonctionnait bien; les tentatives précédentes de l'Amérique latine de ne libéraliser que certains produits s'étaient terminées par des échecs. Le suivi, illustré par le Rapport annuel sur l'intégration en Afrique de la CEA (ARIA), était un important volet de l'intégration.

L'animateur, le Professeur Ali El-Agraa, a fait observer que, même si l'Union africaine comprenait 800 millions de personnes, le total du PIB de l'ensemble du continent serait inférieur à celui de la France. Il a précisé que l'un des problèmes auquel l'Union africaine serait confronté résidait dans le fait que la majeure partie de son activité économique serait concentrée dans certaines zones du continent. Il fallait donc mettre en place des structures permettant de régler ce problème. Il a noté que l'Europe avait résolu le problème grâce à des Fonds structurels, répartis en quatre principales rubriques, à savoir:

Le développement régional

La cohésion sociale

L'agriculture

La pêche

Ces Fonds représentaient environ le tiers des dépenses de la Commission européenne qui s'élèvaient à près de 300 milliards d'euros ou moins de 2% du PIB de l'Europe. Les divers Fonds structurels couvraient des zones habitées par environ 51% de la population européenne.

L'Afrique devrait s'attaquer à de telles disparités qui, toujours d'après le Professeur El-Agraa, ne pouvaient être résolues par les seules forces du marché.

Au cours des discussions qui ont suivi, la question du financement d'une version «Union africaine» du Fonds social de l'Union européenne a également été abordée et de nombreux participants ont exprimé la crainte que le coût en soit trop élevé pour l'Afrique. Le professeur El-Agraa a poursuivi en affirmant qu'il était impératif que l'Union africaine attire les investissements étrangers, seule façon pour elle d'assurer sa cohésion. Afin d'attirer les investissements, il s'avère important de mettre en place des institutions fortes qui inspireraient de la confiance aux investisseurs.[ADF3]

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