Nigeria: Les femmes parlementaires du monde réclament une amnéstie pour Safiya Husseini

21 Mars 2002

Washington, DC — Le Ministre nigérian de la justice, Kanu Agabi, a adressé une lettre aux gouverneurs des états musulmans du Nigeria les exhortant de ne pas permettre à "l'ardeur pour la justice et la transparence d' ébranler la loi fondamentale de la nation qui est la constitution." La lettre est intervenue quelques jours avant le verdict d'une cour de l'Etat de Sokoto qui doit se prononcer le 25 mars sur un appel de Safiya Husseini contre sa condamnation à mort par lapidation pour adultère l'année dernière. En début de semaine, 148 femmes parlementaires, représentant 130 pays, ont adopté une motion à Rabat, au Maroc, demandant une amnistie pour Safiya Husseini et condamnant la peine de mort contre elle. Badiaa Skalli, parlementaire marocaine qui a présidé la session, a déclaré à allAfrica.com, que la motion pourrait avoir contribué à convaincre le gouvernement nigérian d'agir.

Qui a proposé l'idée de cette motion?

Un certain nombre de femmes parlementaires l'a circulée comme signe de solidarité avec Safiya Husseini qui fait face à une sentence que nous considérons injuste et non-conforme aux traités internationaux sur les droits de l'homme. La motion a été adoptée sans débat, même par la parlementaire nigériane présente qui a indiqué que notre décision soutiendrait la volonté exprimée au sein même du Nigeria en faveur d'une grâce pour Safiya Husseini.

En tant que femmes parlementaires rejetant la peine de mort, êtes-vous contre la peine de mort en elle-même ou contre la lapidation?

Non, nous sommes opposées à la peine de mort en tant que telle. La lapidation est une autre question dont nous n'avons pas traité. Franchement, en tant que femmes musulmanes, à la conférence parlementaire et à travers tout le monde musulman, nous pensons que ce genre de comportement n'a rien à avoir avec l'Islam. Il y a des conditions très strictes et précises pour traiter de la question d'adultère dans la foi musulmane. Par exemple, vous devez avoir des témoins qui peuvent confirmer que le crime a effectivement eu lieu. L'adultère est punissable dans l'Islam mais pas de cette manière non-civilisée dont Safiya a été condamnée à mourir.

Est-ce que vous pensez que votre motion a peut-être influencé le gouvernement nigérian?

Le mouvement a peut-être pu jouer un rôle complémentaire dans la campagne pour sauver Safiya de la peine de mort. Cependant, je pense que notre décision a prêté du soutien au travail effectué principalement au sein du Nigeria lui-même.

Dans la conjoncture difficile que traversent actuellement les relations de l'Islam avec l'Occident, comment évaluez-vous l'impact du cas Safiya sur ces relations? Etes-vous préoccupée que la vive condamnation des occidentaux de la peine de mort par lapidation pourrait avoir un effet néfaste sur ce cas et sur d'autres dans le futur?

Franchement, je pense que les sociétés musulmanes font face à un grand défi à l'heure actuelle. Ce défi existe depuis des siècles mais il est encore plus grand aujourd'hui. Nous devons nous débarrasser des aspects négatifs attribués à l'Islam dans nos propres sociétés parce qu'ils nuisent aux relations de l'Islam avec les autres nations en Occident, en Asie et ailleurs dans le monde en voie de développement. Il ne faut pas mélanger la religion avec la tradition. Nous admettons qu'il est parfois difficile de changer les mentalités des personnes, mais nous devons faire plus parce que c'est le futur de nos propres sociétés qui est en jeu.

La peine de mort par lapidation contre Safiya Husseini a été vivement critiquée par différents forums, y compris l'Union Européenne. A votre connaissance, est ce qu'il y a eu des réaction de la part des organisations censées parler au nom du monde musulman telle l'Organisation de la Conférence Islamique et d'autres?

Je pense que parmi les problèmes que nous avons, en tant que femmes musulmanes, est que, malheureusement, les organisations qui représentent le monde musulman ne nous donnent pas d' occasions, même petites qu'elles soient, d'exprimer nos opinions et de contribuer aux processus décisionnels. Nous n'avons toujours pas assez d'occasions pour exprimer notre solidarité avec les autres. A ma connaissance, il n'y a eu aucune initiative à cet égard qui a bénéficié d'une publicité suffisamment importante à travers le monde musulman. Malheureusement, à lire la presse dans mon propre pays, aucune des organisations qui sont censées représenter le monde musulman n'ont parlé du cas de Safiya Husseini. Notre espoir serait restauré si nous entendions que ces organisations ont commencé à prêter attention à de tels sujets qui, je dois le dire, ne représentent pas les défis les plus graves que le monde musulman doit confronter aujourd'hui. Le cas de Safiya Husseini, après tout, est un incident isolé en ce moment. Mais même lorsqu'il s'agit d'intérêts vitaux au futur de nos sociétés, de nos femmes et de nos enfants, ces organisations ne traitent pas des problèmes qui nous confrontent en tant que sociétés musulmanes.

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