Angola: La guerre est finie mais la paix coûte chère, selon le leader de l'Unita

18 Juin 2002
interview

Washington, DC — Le Général Paulo Lukamba " Gato " (nom de guerre), le dirigeant par intérim de l'Unita, l'ancien mouvement rebelle de l'Angola, vient de terminer une visite aux Etats-Unis avant de se rendre au Portugal et en France.

Le Général Gato a lancé un avertissement d'une crise humanitaire en Angola, en demandant à la communauté internationale de venir en aide aux ex-combattants de l'Unita, casernés dans des camps après la signature d'un accord avec le gouvernement.

Le Général Gato est actuellement le chef d'un comité de direction de l'Unita, en attendant le prochain congrès du parti. Il était un proche de feu Jonas Savimbi, ancien chef du mouvement, tué en février lors d'un accrochage avec l'armée gouvernementale.

Les bélligerents, le gouvernement du MPLA et l'Unita, ont signé un accord en avril qui semble mettre fin a la guerre civile de trente ans en Angola.

Dans une interview accordee a Ofeibea Quist-Arcton de allAfrica.com, le Général Gato a donné des précisions sur la crise humanitaire et sur l'avenir politique de l'Unita et d'une espoir de paix en Angola.

Maintenant que l'Unita a quitté le maquis et que vous faites partie du processus politique en Angola, quels sont vos espoirs et vos soucis pour l'avenir?

Tout d'abord, on se bat pour la survie du parti en tant que parti politique indépendant avec son identité propre, pour améliorer ses performances sur le plan politique, par la réunification et la cohésion interne, avant d'évoluer vers le neuvième congrès pour l'élection d'une nouvelle direction et surtout pour redimensionner la stratégie du parti de façon à ce qu'il soit à la hauteur des enjeux de la politique angolaise.

L'un des problèmes de l'Unita est que vous n'êtes pas unifiés. Il y a même l'Unita Rénovée (Unita Renovada). Vous avez des problèmes internes même avant d'aller vous confronter au gouvernement du MPLA.

Tout à fait. Nous pensons que oui, c'est vrai. Il y a des scissions au sein du parti et l'exercice dans lequel nous nous sommes engagés, dès notre arrivée à Luanda, était justement de faire un effort dans le sens de la réunification de la grande famille de l'Unita. Il y a des obstacles que nous considérons artificiels, parce qu'ils étaient créés, encouragés et financés par le gouvernement. Mais nous pensons que l'esprit patriotique et la discipline partidaires pourront aider à ce que les militants de l'Unita se retrouvent, se réconcilient et qu'on puisse bâtir à nouveau notre parti, un parti qui a son espace et sa politique propres, qui pourra et qui devra préserver cet espace et, pourquoi pas, offrir ou proposer aux angolais un nouveau projet de société, une nouvelle façon d'être et de faire la politique en Angola.

Est-ce que vous êtes en position de contrôler les petites factions de l'Unita qui ne sont pas pour la paix et qui veulent continuer la guerre?

Nous avons fait un travail politique avant d'engager les négociations avec le gouvernement de Luanda et la rapidité avec laquelle les gens rejoignent les camps de casernement montre bien que le message de la direction du parti a été reçu cinq sur cinq. Depuis la signature du mémorandum de paix, il n' y a pas eu le moindre accrochage où que ce soit dans le pays. Donc ça démontre que la direction a le contrôle effectif et total de toutes ces troupes.

Alors pensez-vous que la guerre est terminée même pour les ex-soldats de l'Unita?

Tout à fait. C'est une décision qui découle de la volonté politique de la direction et nous avançons très sérieusement vers la consolidation de ce processus de casernement en vue d'une véritable paix. Nous avons la fin de la guerre mais il faut progresser vers la paix civile. C'est un travail dans lequel nous sommes très sérieusement engagés.

Est-ce que vous êtes sûr que vous allez pouvoir réunir toutes les factions de l'Unita, même l'Unita Renovada?

Tout à fait. Je pense que c'est un défi énorme mais qui est à la portée de la direction actuelle. Au fait, nous avons déjà engagé cette discussion. Les signes sont tout à fait encourageants mais je pense que, dès mon retour à Luanda, on pourra poursuivre cet exercice. Plus tôt que tard on pourra effectivement retrouver l'unité et la dynamique traditionnelle et habituelle au sein de l'Unita.

Vous parlez de la direction de l'Unita. Vous êtes maintenant le leader par intérim de l'Unita. Vous êtes son ex-secrétaire général, mais après la mort de votre Président, Jonas Savimbi, vous êtes devenu le leader. Primo, est-ce que vous croyez que les membres de l'Unita vont choisir le Général Gato comme dirigeant. Secundo, est-ce que vous, le Général Gato, vous allez pouvoir unifier votre parti?

D'abord, je reste toujours secrétaire général du parti. Je dirige une commission qui gère les affaires du parti jusqu'à la tenue du congrès. Ma décision personnelle a été prise dès mon arrivée à Luanda. Je ne serai pas candidat à l'élection présidentielle au sein du parti.

Pourquoi pas?

Je ne me retirai pas de l'activité politique, mais je resterai très vigilant et à l'écoute des uns et des autres pour pouvoir aider le parti à retrouver son unité et sa dynamique. Ma décision est personnelle et on verra d'ici début 2003 quels seront les développements dans ce sens. Mais en principe, je ne serai pas candidat à la présidentielle au sein du parti.

Pourriez-vous nous dire quelles sont ces raisons personnelles dont vous parlez?

Il n' y a pas une raison tout a fait personnelle. La raison est politique. Moi je ne souhaiterais pas qu'on dise que le fait d'avoir joué le rôle que j'ai joué, après la crise issue de la mort du Président Savimbi-- notamment d'avoir regroupé les morceaux et conduit le parti à la négociation et à la réunification-- je ne souhaiterais pas qu'on considère ça comme un avantage sur le plan des candidatures. C'est pour cela que je resterai à l'écart mais, comme je vous ai dit, je resterai aussi très vigilant. Je serai très actif au sein du parti dans le sens de pouvoir faire ma contribution.

Quels sont les problèmes qui se posent pour, selon vous, les 80,000 ex-soldats de l'Unita qui ont été casernés?

Actuellement, le problème qui se pose c'est plutôt celui de leur existence matérielle, c'est à dire que le gouvernement a sous-évalué les effectifs de l'Unita. Le gouvernement ne s'est pas préparé à cet effort énorme, a cette exigence énorme sur le plan du coût de cette opération. Et ça fait bientôt un mois et demi que cela dure. Donc, c'est à nouveau à la direction de l'Unita de pouvoir persuader les hommes, les faire patienter, leur faire subir une fois de plus cette souffrance en attendant à ce que la situation s'améliore.

Nous reconnaissons qu'il y a un effort de la part du gouvernement dans le sens de pouvoir apporter aux hommes et aux femmes casernés les moyens nécessaires à leur survie et nous demandons également à la communauté internationale d'apporter son soutien supplémentaire pour qu'on puisse donner aux hommes et aux femmes une vie digne dans les camps de casernement avant de pouvoir penser à ce que sera l'avenir de ces 80,000 hommes casernés, dont seulement 5,000 feront partie de l'armée nationale et des forces de police.

Nous aurons donc à peu près 75,000 hommes à démobiliser, à réinsérer dans la vie sociale, ce qui demande un autre effort énorme sur le plan financier d'abord, pour pouvoir donner à chacun une compétence et une formation technique et professionnelle ou alors doter ces femmes et ces hommes de moyens nécessaires pour qu'ils puissent gérer les fonds pour leur propre survie. Donc, nous avons un défi énorme pour lequel il faut demander un effort énorme de la part du gouvernement dans le sens de pouvoir payer cette note de la paix. La paix a un prix. Il faut la payer. Nous pensons que quelque soit le prix de paix, il sera toujours largement inférieur à la facture de la guerre. C'est pour cela que c'est un effort qui vaut la peine d'engager.

On dit qu'il y a des ex-soldats de l'Unita qui fuient les casernements et qu'il y a même des morts parmi les femmes et les enfants?

Tout à fait. Il a eu des décès surtout dans les couches les plus vulnérables, c'est à dire les enfants et les personnes agés. D'un autre côté, face aux difficultés matérielles de survie, il y a ceux qui préférent quitter les camps de casernement. Mais nous pensons que la situation va s'améliorer au fur et à mesure et nous pourrons effectivement avoir le contrôle total des hommes comme point de départ pour le succès de toute cette opération, de tout ce processus de paix. Donc, c'est très important que l'on prenne conscience du fait que le casernement a 100% de nos hommes est effectivement la clef du succès de tout le processus de paix.

Qui est responsable de cette situation, de ces décès, est-ce le gouvernement, la communauté internationale, les ONG...?

Nous sommes les fils d'un pays qui est particulièrement riche en ressources. Aujourd'hui, on ne peut plus justifier le manque d'argent du fait de la guerre. La guerre est finie, donc il faut consacrer les ressources du pays à la gestion du processus de paix. C'est fondamental. C'est vital pour l'avenir du pays. La responsabilité est fondamentalement celle du gouvernement. Il est seul responsable de la situation actuelle. C'est ce qui a été prévu dans l'accord de paix, que c'est au gouvernement qu'il incombe de gérer et de fournir tous les moyens de l'existence des hommes. C'est pour cela que nous disons que le gouvernement fait un effort, mais qu'il a sous-évalué au départ les effectifs de l'Unita bien que, petit à petit, en se mette face à la réalité. On pense qu'avec l'aide de la communauté internationale dans les jours qui viennent, la situation pourrait s'améliorer largement.

Alors est-ce que l'Angola, et surtout l'Unita, peut éviter une crise humanitaire ou est-ce que c'est déjà trop tard?

Je crois qu'on est déjà dedans. On est déjà en pleine crise comme résultat de cette guerre. Ce qui est à faire c'est de pousser le gouvernement à investir le maximum dans le domaine humanitaire mais aussi faire appel à la communauté internationale de façon à ce qu'elle puisse venir au secours de ces hommes et de ces femmes qui, pendant des années et des années, ont été des victimes de cette guerre et l'Unita est prête à contribuer à cet effort en mobilisant la communauté internationale. C'est le travail que nous avons fait pendant notre séjour aux Etats Unis. Nous ferons la même chose au Portugal et en France dans le sens que cette communauté puisse donner, à nouveau, un coup de main aux angolais en vue de la stabilité de la situation humanitaire.

Demain le Général " Gato " parlera de l'effet et des conséquences de la mort de Savimbi, de l'Unita et de la guerre. Il parlera aussi des élections prévues en 2004 en Angola.

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