Namibie: Hidipo Hamutenya :'Nous voulons développer notre industrie'

11 Juin 2002

Le ministre namibien de l'industrie et du commerce Hidipo Hamutenya , à la tête d'une délégation deux pays d'Afrique méridionale est à Washington pour demander une modification de la législation américaine sur le commerce.

La délégation qui comprenait entre autre le secrétaire permanent botswanais du ministère du commerce et de l'industrie , de l'environnement et du tourisme Tswelope Connie Moremie , a rencontré les membres du Congrès pour une exemption et plaider du cas de leur pays pour qu'ils soient ajoutés à l'African Growth Opportunity Act ou AGOA , qui a été adopté en 2000. Pendant les trois jours qu'ils ont passé dans la capitale américaine, ils ont rencontré le leader du parti majoritaire au sénat Tom Daschle et les autres membres du Sénat, du Parlement et aussi les principaux assistants législatifs.

De nouvelles dispositions connues sous le nom de AGOA II , ont été ajoutées sur le projet de loi adopté l'année dernière par le Parlement , mais pas dans la version votée récemment par le Sénat . Dans un entretien accordé à Ofeibea-Quist-Arcton et Charles Cobb Jr de allAfrica.com, Hamutenya donne les raisons pour lesquelles les deux gouvernements veulent le changement et ce que cela signifie pour les efforts menés par le Botswana et la Namibie pour développer leurs économies.

Voici la première partie de l'entretien.

Monsieur le ministre Hamutenya quelle est la raison de votre mission ?

Nous sommes ici pour mobiliser du soutien pour l'adoption des amendements de l'AGOA II en projet de loi sur le commerce. Durant le mois de novembre dernier, le Parlement a voté les amendements de l'AGOA II en projet de loi qui comprenait plusieurs composantes. Quant c'est arrivé au sénat, les sénateurs ont adopté le projet de lois sans l'AGOA II, donc nous nous sentons concerné. AGOA II est important à bien des égards. Il a été conçu pour corriger certaines erreurs commises dans AGOA I. Par-dessus tout il est sensé fournir à la Namibie et au Botswana le statut de 'pays moins développé'. Nous avons été classifiés par la Banque Mondiale et le FMI comme des 'pays aux revenus moyens ". En ce qui concerne la Banque Mondiale et le FMI nous ne sommes pas qualifiés pour des " prêts faibles ".

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Pensez - vous que ce soit la bonne classification ou le contestez - vous ?

Nous l'avons contesté pendant un moment. Nous avons renoncé à le contester dans la mesure ou la Banque Mondiale et le FMI sont concernés, mais nous en débattons maintenant dans le contexte spécifique de l'AGOA. L'AGOA a donné de grandes opportunités à nos voisins - des pays comme le Kenya, le Lesotho, le Malawi, la Tanzanie et le Mozambique pour développer rapidement leurs industries textiles et d'exporter une grande quantité aux Etats-unis. Le Botswana, la Namibie, l'Afrique du Sud sont classés parmi les pays aux revenus moyens, ce qui ne peut pas les qualifier à exporter des vêtements qui sont fabriqués à base de tissus provenant de pays ou ils sont les moins chers, par exemple les pays d' Asie du sud-est.

Cela veut-il dire que vous ne pouvez pas importer de tissus pour confectionner des vêtements et ensuite les exporter vers les Etats-Unis ?

Tout à fait. En dehors de la Taiwan, de Hong-Kong ou de la Corée, nous ne pouvons pas importer de tissus pour les transformer en vêtements et les exporter vers les Etats-Unis en tant que vêtements. Donc vous voyez nous devons prendre le tissu à l'intérieur même de l'Afrique au sud du Sahara et comme vous le savez il n y a qu'un seul pays capable de produire assez de tissus et c'est l'Afrique du Sud. Et l'Afrique du Sud elle-même répond aux besoins intérieurs de son industrie. Elle confectionne des vêtements pour l'exportation aux Etats-Unis. Alors vous voyez, l'Afrique du Sud n'est pas en position d'approvisionner toutes les usines de la région en tissus, permettant ainsi à ces pays de créer des emplois et d'exportater de vêtements vers les Etats-Unis.

Donc pensez-vous qu'on vous traite de manière inéquitable ?

Eh bien, que ce soit de manière équitable ou non , nous voulons juste qu'on nous accorde l'opportunité d'acheter les matières premières à bas prix , de produire et de lancer le processus de développement de notre industrie , c'est à dire l'industrie du textile . C'est ce qui nous intéresse vraiment. Nous voulons que l'on nous traite de la même manière que les autres.

Avec qui avez-vous abordé la discussion à ce propos et quelle a été la réponse ?

Principalement le Congrès. Nous avons négocié avec différents sénateurs et différents membres du Parlement.

Y a t il eu du succès ?

Tant que je n'aurai pas vu le projet de loi sur AGOA II voté, je ne dirai pas que c'est un succès. Mais je peux dire qu'ils étaient prêts à nous écouter. Nous ne nous sommes pas heurtés à des gens qui disaient : 'non AGOA II n'est pas une bonne chose, ou nous y sommes opposés '.Je pense que ça été exclu et que le projet de loi a été voté simplement parce qu'il n a pas de défenseurs et qu'il n y a pas de circonscription électorale à Washington qui exerce une pression sur ce projet de loi.

Les gens été préoccupes par d'autres sujets et dans le processus je pense qu'ils sont juste passés à coté, pas à cause d'une opposition spécifique au projet de loi, mais parce que les républicains sont plus préoccupés par le projet de loi sur le commerce, le Trade Authorization Bill, qui autoriserait le président Bush à négocier et signer des contrats sans avoir à en référer tout le temps au Congrès . Pour le moment c'est ce qui les intéresse vraiment, et ils ne veulent pas que leur projet de loi soit surchargé par d'autres projets.

Donc, vous pouvez constater que certains d'entre eux (les projets de loi) sont pour le moment mis de coté. Nous disons que nous essayons de garder l'AGOA II comme une partie du projet de loi, pour être sur qu'ils seront votés ensembles. Ils ont dit qu'ils étaient d'accord et qu'ils n'avaient pas l'intention de tuer le projet, mais qu'ils étaient seulement préoccupés par des problèmes beaucoup plus urgents, mais qu'ils l'étudieraient. Donc nous pensons que ce sera voté, il a une chance d'être voté.

Pensez-vous avoir le soutien nécessaire pour son adoption de la part du gouvernement américain et de la plupart des membres du Sénat ?

Eh bien, ayant passé ces trois derniers jours ici, j'ai un peu plus d'espoir maintenant qu'avant mon arrivée. Le gouvernement n'a aucun problème avec le projet de loi. Il veut plutôt que ce soit voté, mais il ne peut pas exercer une pression sur le Congrès qui a ses propres priorités devant le Sénat. Le gouvernement veut qu'on s'en occupe rapidement, mais il n y est pas opposé du tout.

Pourquoi la Namibie est-elle si concentrée sur les textiles ? N y a -t-il pas d'autres opportunités offertes par l'AGOA ?

L'AGOA s'intéresse beaucoup plus aux tissus et ce n'est pas une mauvaise chose. Nous pensons que la confection d'habillement ou de vêtement est une industrie stratégique. Nous regardons autour de nous et nous voyons que l'histoire nous a montré que partout c'était la confection de vêtement, c'est à dire que c'est l'industrie du textile et du vêtement qui menait au processus d'industrialisation.

Pas très loin de chez nous, de petits pays comme l'Ile Maurice, qui a commencé, il y a 25 ans avec l'industrie du textile et du vêtement, se trouve maintenant dans l'ère de l'électronique. Les textiles ont ouvert la voie à l'électronique. Le point essentiel maintenant c'est l'électronique. Mais ils ont été capables de démarrer, de décoller grâce à l'établissement de cette industrie, une importante industrie de textile et du vêtement.

Le monde n a t-il pas avancé ? Un quart de siècle plus tard, pensez-vous qu'il y ait un marché pour l'exportation des produits textiles africain aux Etats-Unis ?

Regardez-vous dans un miroir et regardez aussi ceux qui sont autour de vous. Il y a tellement de gens à habiller que le marché ne sera pas saturé parce que chaque jour que nous nous levons, nous devons nous habiller et il y a un grand marché aux Etats-Unis....

Mais quand vous regardez l'Amérique, le Mexique est à la frontière, les Etats-Unis sont à coté de l'Amérique Centrale , de Panama ,du Guatemala . Alors pourquoi les Etats-Unis regarderaient ils les vêtements venus de la Namibie quand ils peuvent acheter des vêtements tout faits, plus près de chez eux ?

Eh bien, ils ont déjà acheté des vêtements ailleurs. Les américains sont allés en Asie, en Malaisie, en Ile Maurice , à Hongkong. Aux Etats-Unis si vous allez dans les supermarchés, vous verrez des habits 'confectionnés à Hongkong', 'confectionnés en Thaïlande ', 'confectionnés en Ile Maurice', alors pourquoi pas 'confectionnés en Namibie'.

Serait-il juste de le considérer comme une partie du grand problème qui concerne l'Afrique : d'un coté les pays africains sont encouragés à s'engager dans le commerce, alors que de l'autre les pays industrialisés dressent des barrières qui handicapent les pays africains ? Pensez-vous que ce soit juste ?

Actuellement, nous ne disons pas que le marché est fermé. Je pense que maintenant le problème fondamental c'est le coté approvisionnement de l'équation. Qu'allons nous apporter sur le marché ?Vous vous rappelez que pendant plus de 25 ans nous avons eu les conventions de Lomé,1- 4 (Afrique , Caraïbes et Pacifique).

Quelles différences ont elles apporté à l'Afrique ? pas beaucoup . Etait ce parce que le marché était fermé ? non. C'était parce que nous n'avons pas mis au point notre coté productif pour être en mesure de produire de la marchandise à fournir au marché européen.

Je pense que se serait une perte de temps si un pays africain commençait à crier que le marché était fermé parce que nous ne produisons rien en conséquence. Quand nous atteindrons le stade ou nous produirons de grandes quantités alors nous pourrons nous plaindre de l'accès au marché, mais pour le moment nous ne remplissons pas les exigences du marché. Même dans le contexte de l'AGOA nous remplissons à peine les quotas qui nous sont accessibles.

Donc, nous parlons de l'AGOA II parce que c'est un marché, mais c'est plus à propos de production interne. Nous le voulons parce que les investisseurs voudraient sauter sur cette opportunité. Ils vont dire d 'accord , si je peux acheter mes tissus à HongKong, en Malaisie ou ailleurs , je pourrai immédiatement établir mes projets , confectionner mes vêtements , les exporter aux Etats-Unis et faire fortune en quelques mois. C'est tout le noeud du problème.

Est ce que les uns ne sont pas liés aux autres ?

Ce que je suis en train de dire c'est que l'accès au marché est maintenant possible. L'AGOA nous l'offre, mais nous ne sommes pas capables d'en profiter, parce que notre capacité de production est faible. C'est pour cela que nous voulons l'AGOA II . Nous savons qu'il y a des investisseurs qui ne nous permettront pas d'installer leurs usines. Alors ils disent que cela prendra du temps avant que nous ne soyons capables d'installer nos propres usines textiles pour fabriquer des tissus, transformer le coton en tissu, et le tissu en vêtement, et que tout cela nous prendra des années. Mais si nous pouvons commencer dès maintenant à utiliser du tissu importé, nous pourrons exporter vers les Etats-Unis dès l'année prochaine.

En utilisant du tissu importé d'Asie ?

Oui. Mais pas spécialement du tissu importé d'Asie, mais des tissus provenant de pays ou ils seraient les moins chers. C'est cela la véritable question.

Quelle place l'industrie du textile tient t-elle dans l'ensemble du plan de croissance économique de la Namibie ? Est ce que vous avez eu à le changer à cause de AGOA ?

Non, je pense que l'AGOA a fait une différence . Je ne le pense pas seulement, je sais qu'il a fait une différence.

Nous continuons de mettre en place des politiques et des programmes pour développer le secteur privé. Nous comprenons que le secteur privé est un élément critique dans nos efforts de développement et qu'il peut vraiment être un élément de développement et nous voulons qu'il en soit ainsi. Alors nous continuerons de créer un environnement favorable pour que les investisseurs étrangers directs affluent en Namibie. Nous avons investi beaucoup d'argent dans le développement des infrastructures. Nous avons les meilleures infrastructures du continent. Nous avons une région qui travaille. Si vous visitez maintenant la Namibie, je vous montrerez un grand complexe qui n'était pas construit l'année dernière. Quand Edward Royce, un membre du Congrès ( le président du House of Africa Subcommittee) était en Namibie au mois de février, je l'ai amené au nouveau complexe industriel qui a été construit l'année dernière grâce à l'appui de l'AGOA . Il ne pouvait y croire.

Il y a environ cinq grandes usines, et des milliers de personnes y travaillent. Si vous voyez ces personnes vous penserez que vous etes peut être en train de regarder une sorte de grande réunion.

Que produisent les usines ?

Des vêtements.

Que du textiles ? Ne pensez vous pas que vous êtes en train de vous restreindre en vous cantonnant au textile ? Pourquoi l'économie de la Namibie ne serait elle pas plus diversifiée ?

Nous nous restreignons, mais c'est ce qui est disponible maintenant. Mais ce n'est pas la seule chose que nous produisons .

Que produit d'autres la Namibie ?

Nous produisons autres choses. L'essentielle, c'est la diversification de l'économie, si je peux juste commencer par là. Nous travaillons à diversifier notre économie. Jusqu'à là, notre économie dépendait très fortement du diamant et d'autres minéraux. Depuis lors, nous produisons des matières premières et nous les exportons. Nous exportons du diamant, du poisson et des boeufs. Maintenant nous voulons nous lancer dans les industries de fabrication. Avec le textile nous pensons que nous pouvons commencer le processus d'industrialisation.

Nous faisons aussi d'autre chose, nous ajoutons de la valeur ajoutée aux minéraux et matières premières. Actuellement nous avons cinq usines qui taillent et polissent le diamant depuis deux ans. Donc ce sont de précieuses activités additionnelles. Nous essayons aussi d'attirer ici la production des produits pharmaceutiques, et ainsi de suite. Donc nous ne nous concentrons pas seulement sur le textile et les vêtements. Mais en ce qui concerne notre visite ici, nous discutons du diamant et des vêtements. En matière de création d'emploi les textiles sont en tête. Il n y a pas de question la dessus. Vous pouvez employer 500 personnes dans cinq usines pour tailler et polir le diamant alors que pouvez employer des milliers de personnes dans l'industrie du textile.

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