Washington,DC — Les accords obtenus lors du Dialogue Inter-Congolais de Sun City, en Afrique du Sud, ont été rejetés par le Rwanda, qui de cette façon embrouille la question sur les perspectives de paix dans ce grand pays d'Afrique Centrale. En attendant, les audiences vont bientôt commencer à la Cour Pénale Internationale (CPI) de la Hayes, aux Pays Bas, dans lesquels la République Démocratique du Congo accuse les troupes rwandaises d'avoir commis des actes de génocides à l'intérieur de la RDC. Malgré ceci, Patrick Mazimhaka, l'envoyé spécial du président rwandais Paul Kagamé , insiste sur le fait que la paix n'est pas impossible s'il y a assez de pression. Mais en attendant, le retrait des troupes des autres pays engagés en RDC est plus illusoire que réel, a souligné le conseiller de Kagamé, et son pays a l'intention de maintenir ses troupes en RDC jusqu'à ce qu'il y ait à Kinshasa un gouvernement capable d'assurer la sécurité du Rwanda. Charles Cobb de allafrica.com s'est entretenu avec Mazimhaka. En voilà un extrait.
Qu'est ce qui vous amène à Washington DC, et avec qui avez-vous discuté ?
Nous sommes venus pour discuter avec le gouvernement et le Congrès de la crise qui secoue la RDC (République Démocratique du Congo) et de la manière dont cette crise affecte notre pays en particulier. Nous avons vu des personnes au Département d'Etat, au Département de la Défense, à la Sécurité Nationale et nous avons aussi parlé avec plusieurs membres du Congrès. La question principale qui nous concerne est celle de la perte de vitesse dans le Dialogue Inter-Congolais. Le gouvernement américain peut jouer un rôle déterminant sur ces dialogues en influant sur la direction que prennent les choses.
L'autre question en discussion est celle de l'Interahamwe et des forces des ex-FAR qui se trouvent au Congo. Ces dernières sont en grande partie responsable du génocide de 1994 au Rwanda. Ils sont recherchés au Congo. Ils livraient combat contre notre gouvernement à l'intérieur du Rwanda et maintenant à l'intérieur du Congo. Nous avions espéré que grâce au processus des accords de Lusaka, nous aurions pu les dissuader de continuer la guerre, les désarmer, les démobiliser et les rapatrier au Rwanda.Malheureusement rien de cela n'est arrivé.
Qui pensez-vous peut leur parler ?
D'après notre lecture, le gouvernement de Kinshasa, que ce soit le gouvernement de Laurent Kabila ou celui de Joseph Kabila, l'ont fait dans les deux sens. Nous sommes tous au courant, la communauté internationale est au courant - le Conseil de Sécurité n'est pas seulement au courant mais a aussi fait des enquêtes sur le rôle négatif joué dans la région ( par le Interahamwe et les insurgés des ex-FAR ), sur leurs liens avec les groupes terroristes, leur non respect des droits de l'homme et leur idéologie du génocide. Mais ils ont aussi voté des résolutions qui interdisent au gouvernement de s'associer à eux, de leur fournir quoi que ce soit, de les armer mais jusqu'à présent, ils (le gouvernement de Kabila ) n'ont pas utilisé les moyens nécessaires mis à leurs dispositions pour appliquer ces résolutions. Je pense qu'il est temps que le Conseil de Sécurité se montre plus sévère à l'encontre de Kinshasa.
Le Tribunal International (le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, en Tanzanie) a accusé plusieurs chefs militaires qui circulent librement, organisent leurs armées et mobilisent aussi des ressources. Ils sont basés à Kinshasa, à Lubumbashi et dans d'autres villes. Nous pensons que le gouvernement de Kinshasa devrait être contraint à travailler avec le Tribunal International afin que ces gens soient arrêtés. C'est cette approche qui manque au processus.
Mais pour tous ces objectifs pratiques le gouvernement à Kinshasa est justement cela ; un gouvernement à Kinshasa. Quelle portée peut elle avoir en dehors de cette ville, spécialement une capacité assez grande pour contenir les forces ex-FAR ou l'Interahamwe ?
Le gouvernement de Kinshasa a un accès direct et un contrôle sur plus de 80% des forces de l'ex-FAR et sur l'Interahamwe parce qu'ils se sont fondamentalement intégrés à l'armée congolaise et ils ont des places et des bases utilisées par les forces gouvernementales. Ainsi ils ( le gouvernement ) peuvent accéder à ces forces.
Sur les 20% restant qui se trouvent au Kivu - Nord Kivu et Sud Kivu - à Manyema, et au Nord du Katanga, oui, physiquement, il n'y a pas de contact avec les forces gouvernementales, mais ce sont ces dernières qui les approvisionnent en armes et de munitions. Et c'est très important, car si nous supprimons ces ravitaillements, alors la capacité pour ces forces de mener une guerre diminuera. Donc le gouvernement de Kinshasa est en mesure de faire quelques choses.
Que pensez-vous des troupes Rwandaises qui sont au Congo ? Ressentez - vous une quelconque pression pour vous retirer ? Le gouvernement Bush est hostile à la présence de vos troupes au Congo. Y'a t il une pression sur votre pays, en particulier depuis que l'Angola, la Namibie, l'Ouganda et peut être le Zimbabwe semblent s'être retiré ?
Laissez moi vous dire que le gouvernement est décidément pris entre deux positions très difficiles. Le gouvernement comprend qu'il est impossible de retirer les troupes Rwandaises du Congo sans fournir une alternative pour maintenir la sécurité que le Rwanda a établie de lui-même en se battant contre ces forces présentes au Congo. Avoir une force qui remplacerait les troupes Rwandaises, le gouvernement américain ne peut pas le faire, les Nations-Unis ne le feront pas non plus. Et vous ne pouvez pas laisser les forces de l'ex-FAR et l'Interahamwe au Congo et espérer que les choses se tassent d'elles-mêmes. Donc, ils comprennent que nous avons des inquiétudes par rapport à la sécurité, ce qui est tout à fait légitime. Ils doivent aussi défendre la souveraineté du Congo. Alors quand les deux sont pris ensembles, la tendance est d'exprimer un souhait qui est de résoudre le problème principal de la sécurité, de façon à ce que nous retirions nos troupes du Congo. C'est vrai que les pays comme l'Angola, la Namibie, l'Ouganda et le Zimbabwe ont annoncé qu'ils ont retiré leurs troupes du Congo pour des raisons de 'consommation publique'.
Pour des raisons de 'consommation publique' ?
Pour des raisons de 'consommation publique' !
La Namibie n a pas eu à jouer un rôle principal dans ce conflit. Donc elle ne laisse de vide nulle part. Mais elle a toujours des forces dans les endroits ou il y a des exploitations minières, comme au sud du Kasaï.
L'Angola dit qu'elle a retiré ses troupes, mais des troupes sont revenues sur leurs positions à Kinshasa juste avant le décès de (Laurent) Kabila. Et elle a aussi des troupes à l'Ouest du Congo, à l'Ouest de Kinshasa. Elle a retiré plusieurs troupes mais ceci est trompeur car l'Angola a la capacité de déployer en moins d'une demi-journée, si le besoin se faisait ressentir, autant de troupes qu'elle y avait avant le retrait, parce que ses propres bases se trouvent le long de la frontière du Congo. Alors le retrait de plusieurs troupes n'est pas significatif parce qu'elle a des forces basées stratégiquement à Kinshasa et à l'Ouest à cause du problème de la ( province) de Cabinda.
Le Zimbabwe a dit qu'il avait réduit ses troupes, mais il a encore 12.000 militaires au Congo. Donc la réduction n'est pas significative.
L'Ouganda elle, déclare de temps en temps qu'elle a retiré ses troupes de telle ville ou telle autre. Elle dit que le Secrétaire général des Nations-Unies lui a demandé de rappeler ses troupes à cause des pertes civils inhérents des conflits. Donc, maintenant on ne sait pas si ces troupes viennent ou si elles partent.
Le Rwanda a retiré ses troupes du Congo, probablement le même nombre que tous les autres pays - 5 bataillons sur les 20 qu'il compte au Congo. Mais qu'est ce que cela veut dire ? Nous ne faisons pas ces retraits pour faire plaisir à qui que ce soit. Nous avons retiré ces troupes du Congo parce que nous avons réduit notre zone d'opération. Quand celle-ci a été réduite nous n'avions plus besoin d'une grande force, parce que nous nous sommes retirés de 700 km dans certains endroits, de 600, 300,200 dans d'autres.
Bien sur en quittant ce genre de territoire vous n'avez plus besoin d'autant de troupes que vous y aviez auparavant. Et nous avons aussi enregistré cela avec l'équipe de monitoring (des Nations-Unies). Mais pour certaines raisons, le retrait des troupes rwandaises ne s'est jamais fait à coup de trompette comme si c'était quelque chose d'important. Donc je crois que le problème du retrait des troupes reste complètement lié à la résolution du conflit dans son ensemble. Il n y aura jamais de retrait total tant qu'il n y aura pas un gouvernement unifié à Kinshasa qui assume ses responsabilités.
Y a-t-il une raison de penser qu'un tel gouvernement verra le jour d'ici peu ?
Nous attendons maintenant depuis deux ans. Et comme le Dialogue Inter-Congolais commence et ensuite s'arrête, recommence et s'arrête, je ne pense pas que l'on doit être surpris par cela. Mais je pense que nous ne devons pas désespérer ; un plan de consensus sur la manière de gouverner le Congo par les congolais qui sont maintenant actifs, est essentiel pour la stabilité de leur pays et de toute la région.
Les autres acteurs -la communauté internationale en particulier - doivent faire leur possible pour que les Congolais soient responsables de leur pays et de leur région. Les Congolais ont besoin de finir le dialogue et d'avoir un gouvernement à Kinshasa.
On le dit depuis une décennie. L'histoire suggère que l'intérêt et la pression extérieur ne mènent pas réellement à la sécurité et à la stabilité n'importe où dans le monde. Pouvez-vous nous indiquer un seul point à l'intérieur du Congo qui peut être utilisé comme argument que le Congo est sur le point d'arriver à une résolution pacifique du conflit ?
Oui, il y a assez de conditions réunies pour que les congolais eux-mêmes se prennent en charge. Ils se plaignent toujours que leur territoire est divisé en trois ou quatre parties, et que l'intégrité territoriale est en train de s'écrouler. Ils parlent de la souffrance de leur peuple. C'est un facteur interne qui devrait les motiver.
Ils se plaignent de l'occupation de leur territoire par des forces étrangères. Cela devrait les pousser à travailler pour une unité nationale.
Malheureusement jusqu'à présent, c'est devenu notre responsabilité d'assumer la responsabilité nationale des congolais. Quand je me déplace ici pour parler aux gens; quand je vais au Conseil de Sécurité, c'est comme si les congolais eux-mêmes n'existaient pas, c'est comme s'ils n'avaient pas un rôle à jouer pour trouver des solutions aux problèmes de leur pays. Et je crois que dans tout autre pays, on l'aurait pris comme une attitude condescendante. Au Congo ce n'est pas la même chose. Tout le monde éprouve le besoin de se faire l'avocat du Congo et les Congolais eux-mêmes peuvent juste se mettre à l'aise et attendre les résultats. Mais je pense que, s'ils se préoccupent de leur pays, ils devraient se réveiller et faire bouger les choses par eux-mêmes.