Mozambique: Le candidat aux prochaines élections présidentielles du parti Frelimo présente son programme.

16 Juillet 2002
interview

Maputo — La prestation de serment le mois dernier, de Armando Guebuza, en tant que nouveau secrétaire général du parti au pouvoir en Mozambique Frelimo (le Front de libération du Mozambique), laisse entendre qu'il sera le candidat du parti aux prochaines élections présidentielles de 2004, dans la mesure où le président Chissano ne se présentera plus.

En tant que principal responsable du parti depuis deux décennies, Guebuza est très connu parmi les mozambicains et il a aussi une histoire très controversée.

Au début des années 1980, il était personnellement chargé de l'implantation de " l'operaçao produçao " , une politique sous laquelle, le seul parti politique de l'époque, le Frelimo, envoyait des milliers de citadins dans des " camps de rééducation " situés au nord du pays, parce qu'on s'était aperçu que ces personnes n'étaient pas suffisamment accommodantes avec les autorités ou qu'elles s'adonnaient à des pratiques répréhensibles par la société, telle que la prostitution.

Des années plus tôt, confronté au nombreux portugais qui étaient perçus comme des gens qui voulaient faire de l'obstruction au gouvernement du Frelimo dans le Mozambique nouvellement indépendant, Guebuza a instauré une politique connue sous le nom de " 24/20 ", selon laquelle les semeurs de trouble disposaient de vingt quatre heures pour quitter le pays et ils n'avaient le droit d'emporter que 20 kilos de bagages personnels.

Des souvenirs de ces deux périodes restent vivaces dans les mémoires et il y a l'inquiétude que cette politique autoritaire pourrait être un signe annonciateur de ce qui pourrait arriver.

Le vaste empire financier de Guebuza, constitue aussi un autre sujet de discussion: il est communément surnommé " Gue-business ". Les critiques l'attaquent en disant qu'il a utilisé son pouvoir politique pour donner un coup de pouce à ses affaires et vice-versa.

Armando Guebuza est populaire au Frelimo. Il a gagné sa position en tant que Secrétaire général du parti avec 106 voix, soit plus de 70% du total, tandis que son rival a seulement obtenu 18 voix. Il est dans la direction du parti depuis 1968. Il servait déjà sous le régime du premier président, Samora Machel,en tant que ministre de l'intérieur deux fois, " ministre résident " dans la province de Safala et aussi comme ministre sans portefeuille. Sous le régime du président Chissano, il a été nommé ministre du transport d'où il est passé à chef négociateur du Frelimo lors des pourparlers avec la Renamo afin de mettre fin à la guerre civile, et il a conclu l'accord qui a éventuellement mené aux élections démocratiques de 1992.

Akwe Amuso a réussi à l'interviewer pendant quinze minutes, dans les jardins d'une école primaire très connue à Maputo, avant qu'il n'aille à une réunion organisé par son parti le Frelimo.

Vous avez prêté serment en tant que secrétaire général du Frelimo et vous êtes candidat aux prochaines élections présidentielles. Cela doit être des moments forts dans votre vie. Est-ce quelque chose pour laquelle vous avez longtemps travaillé?

Oui bien sur. En fait, je ne travaillais pas pour devenir secrétaire général du Frelimo ; mais quand la situation s'est présentée, j'ai bien entendu, lutté pour obtenir cette position parce que j'avais la confiance de mes camarades et amis qui ont cru que comme le président Chissano avait décidé de renoncer à sa candidature pour un nouveau mandat en 2004, que je pourrais le remplacer. Depuis ce jour-là j'ai commencé à me battre pour cela.

Comment pouvez-vous expliquer l'appui massif dont vous bénéficiez dans le parti?

Rire...Je ne sais pas. Mais je pense, d'après ce que je vois, que les gens ont confiance en moi et c'est cette confiance qui s'est traduite en un vote massif pour ma personne. Par exemple, j'ai reçu, 72% des voix du comité central, donc je pense que les gens ont confiance en moi et qu'ils sont prêts à m'aider parce qu'ils savent que je ne peux pas y arriver tout seul.

Vous allez diriger seul la principale campagne des élections de 2004. Quels sont les points les plus importants de votre programme et quelle est votre vision pour le pays?

Heureusement nous avons un programme au Frelimo, celui qui a été approuvé lors du 8eme congrès du parti, ce qui veut dire que, je n'ai pas un plan spécial élaboré par moi-même, mais que je m'identifie complètement à ce qui à été décidé lors de ce meeting.

Ce qui m'inquiète davantage, c'est premièrement, le problème absolu de la pauvreté qui est le plus grand problème que nous rencontrons dans le pays et tous les autres problèmes sont liés à ce dernier.

Le deuxièmement problème, c'est que pour en venir à bout, il faudra continuer à travailler afin d'attirer les investissements, nationaux et internationaux. Je suis sur que vous demanderez " mais quel genre d'investissements avez-vous "?

Alors quelle est la réponse?

Nous les avons, mais les gens doivent être plus réalistes, dans le sens où même s'ils ont juste un petit montant de dollars U.S. et de meticais, ceci peut être transformé en quelque chose qui pourrait les aider et aussi aider à mettre en application le programme du gouvernement. Alors nous avons besoin de tout cela.

Bien sur dans le but d'avoir une croissance rapide, nous comptons sur l'investissement étranger, et je pense que continuer à créer une bonne atmosphère pour les investissements est très important. Pour pouvoir le faire, nous avons besoin de nous assurer qu'il y a une bonne gouvernance dans le pays, de la transparence et que toutes les libertés sont respectées et encouragées afin d'être utilisées selon les règles du jeu démocratique; et que nous nous battons de manière ferme contre d'un coté la corruption qui représente un problème très sérieux, et de l'autre le crime.

Sur ce point je voudrais dire que, l'impression que les gens ont, c'est que le Mozambique est un pays de crime, mais ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je veux dire c'est que là où il y a crime il y a de sérieux problèmes pour les mozambicains parce qu'ils n'ont pas l'habitude de ce genre de situation. Donc, il est de notre devoir de calmer notre peuple et de lutter contre le crime.

Nous devons aussi tenir compte des problèmes liés au Sida, à la malaria et au choléra, qui en raison de nos conditions, sont des maladies très dangereuses et meurtrières. Evidemment, toutes ces maladies ont la même origine c'est-à-dire la pauvreté.

Il y a un autre élément pour venir à bout de la pauvreté - nous allons continuer à encourager l'agriculture; je veux dire que les régions rurales doivent être développées et que l'agriculture doit être de plus en plus commercialisée, parce que nous avons principalement dans le pays une culture de subsistance.

Que dites-vous aux personnes qui disent: " ecoutez, Frelimo a eu l'opportunité pendant de longues années d'aborder le problème et que si vous sortez de cette île riche qu'est Maputo, vous verrez une extrême pauvreté et un manque d'investissement à travers tout le pays? "Beaucoup de personnes pensent qu'il n y'a pas eu assez d'efforts jusqu'ici pour aborder le problème.

Eh bien, c'est vrai que nous sommes au pouvoir depuis 27 ans, mais nous aurions besoin de considérer le fait que depuis 1975 jusqu'à maintenant, nous rencontrions des problèmes que nous n'avons pas créé nous-mêmes.

Cette région a eu des ennemis du peuple africain tels qu'Ian Smith de la Rhodésie et l'apartheid de l'Afrique du Sud ; qui impliquaient des attaques militaires et des blocus économiques qui l'ont rendu difficile de continuer le plan économique que nous avions.

Il faut aussi signaler que nous comptabilisons 16 années de guerre. Néanmoins, le gouvernement du Mozambique, a montré qu'il voulait développer le pays. Vous voyez les principaux programmes qui ont été élaborés pour l'électrification du pays, l'ont été établis durant ces périodes, c'est-à-dire la réhabilitation du couloir de Nacala, et même celui de Beira en partie ont été faites pendant cette période. Le couloir du Limpopo a été partiellement réhabilité durant cette période.

Alors pendant qu'on était entrain de réhabiliter, de construire quelque chose, nous voyions que la Renamo et l'apartheid étaient entrain de détruire tout ce que nous faisions. Mais beaucoup de choses ont été faites. Seulement nous ne pouvions pas réussir à cause de ces pressions, qui sont indépendantes de notre volonté.

Prenons un autre exemple, depuis que nous sommes parvenus à obtenir la paix, toutes les écoles qui ont été détruites ont été reconstruites, aussi bien que les cliniques, ce qui montre la capacité qu'a Frelimo pour reconstruire.

Est-ce-que je peux vous poser une question sur la gouvernance, dans la mesure où vous l'avez soulevée sur votre liste de priorités ?Il y a deux semaines l'hebdomadaire d'information indépendant Savanah a publié une liste tirée de sources disponibles au public, de vos vastes sources économiques et cela a soulevé la question de savoir s'il était possible pour des fonctionnaires de fixer une limite entre leurs affaires, ceux du pays, et ceux du gouvernement.. Il semble qu'il y ait une perception que vos affaires pourraient compromettre la présidence que vous pourrez mener.

Il y a dans ce pays des lois qui établissent que si quelqu'un exerce des activités gouvernementales, il ne peut pas non plus gérer ses propres affaires, donc je respecterai strictement cela.

Et deuxièmement, je suis impliqué depuis longtemps dans des situations où j'ai des intérêts personnels d'un coté, et de l'autre des intérêts collectifs, et j'ai toujours donné la priorité aux intérêts publics. Je suis sur de continuer à toujours me comporter ainsi.

Je ne dis pas que c'est une chose facile à faire parce qu'à ce niveau de la présidence, il peut y avoir de l'interférence: mais à chaque fois qu'il y aura un conflit, je respecterai la présidence.

Une question particulière qui a été soulevée par un collègue a été le lien, sur cette liste d'intérêts, entre votre nom et le journal O Diario and Domingo. Il s'était plaint qu'il lui avait semblé que vous étiez actionnaire et que ces articles étaient en fait pour vous d'un grand soutien. Y a-t-il une justification que vous voulez apporter ?

Soupir. Eh bien, je voudrais dire que dans cet inventaire, il y a plusieurs choses qui sont juste des suppositions.

Deuxièmement, vous devez considérer le fait que vous traitez de propriété privée, et que vous n'allez pas vous mêler de ce que fait un journal privé, en terme de positionnement sur différents problèmes. Vous voyez aujourd'hui des journaux comme " Imparcial " ; ils prennent position en faveur de la Renamo, et personne ne se plaint. Sinon vous avez d'autres journaux qui prennent d'autres positions. Donc, je ne pense pas que nous devons intervenir dans la liberté de la presse ou ceux des entreprises privées.

Quand j'ai parlé au président Chissano à Washington, il y a de cela trois mois il a parlé d'un vaste plan pour combattre la corruption. Est-ce aussi sérieux que beaucoup le prétendent?

Eh bien nous pouvons prendre les choses de manière positive. Il y a des inquiétudes que le processus n'échoue, et il pourrait malheureusement échouer si la corruption s'intensifiait; donc il y a nécessité de s'assurer que le processus n'échoue pas et sur cette base nous devons lutter contre la corruption en tant que telle.

Frelimo a les mêmes dirigeants depuis des décennies. Ne serait-il pas mieux pour le parti qu'il y ait un dirigeant plus jeune et plus frais?

Eh bien je crois qu'on doit aborder la situation en terme de programme et de compétence et non en terme d'age. Un fermier, un ouvrier ou un professionnel s'intéressent plus de savoir si ce gouvernement tient ses engagements, mais il n'est pas intéressé de savoir s'il y a un nouveau visage ou des choses de ce genre. Alors ce que nous avons fait pendant tout ce temps c'est de faire de notre mieux pour impliquer les jeunes dans ce processus, et de nous assurer qu'il y a une suite. Sans pour autant remettre en question la compétence.

Le problème de l'age est, d'une certaine façon, pour les personnes qui n'osent pas dire ce en quoi consiste exactement leur programme. Ils devraient essayer de nous convaincre à travers leur programme mais au lieu de cela, il se cache derrière le faux problème de l'age.

Pendant ce temps vous pouvez voir que la majorité des dirigeants du Frelimo sont jeunes. Si vous regardez dans le gouvernement, la plupart des administrateurs qui sont à de hauts niveaux sont aussi jeunes, ils ont entre 30 et 35 ans. Regardez les gouverneurs et vous remarquerez qu'il n'y a pas de vieux. Regardez aussi les ministres, vous remarquerez qu'il y a probablement cinq ministres sur vingt qui sont âgés. Si vous faites un tour dans le parti vous remarquerez exactement la même chose. Donc, ce à quoi nous sommes confrontés ici, c'est que les gens sont un peu timides pour présenter leur programme et le défendre alors au lieu de cela ils brandissent le problème de l'age. ILs devraient plutôt se présenter et montrer leur programme.

Etes-vous l'homme dur du parti? Les gens se réfèrent aux politiques '24/20' et 'operaçao produçao' et ils disent: cet homme est un dur et il ne respectera pas les droits de l'homme ". Est-ce-que cela est juste?

Eh bien c'est leur vision des choses. Je crois que je suis - j'essaie de respecter les différentes opinions et aussi de respecter les idées de mes collègues et mêmes celles des personnes qui ne sont pas membres du parti. Et j'ai pu le démontrer, je crois lors des discussions des accords de Rome ; et j'espère l'avoir aussi fait lorsque j'occupais les fonctions de chef de file alors que j'étais responsable du Frelimo au parlement. Donc je ne pense pas que je suis pas une personne qui serait injuste juste pour avoir quelque chose.

Donc les droits de l'homme seraient garantis avec vous?

Ben sur, bien sur, ils sont sacrés. Nous avons accumulé beaucoup d'expérience et cela nous a montré qu'il n y a pas d'autres moyens pour résoudre les problèmes de la population sinon en respectant la liberté d'expression, les droits de l'homme, etc.

Justement sur ce point et quand on regarde le Zimbabwe, quand j'ai discuté avec le président Chissano, il a dit que le monde n'a pas donné une vraie chance au président Mugabe de procéder à des élections. Et il a particulièrement blâmé l'Europe pour avoir été injuste à l'égard du Zimbabwe. Depuis lors nous avons assisté à des élections qui ont été contestées et à une montée de la répression et je me demande enfin, si vous ne pensez pas qu'il est enfin temps de prononcer une note d'avertissement à l'encontre du président Mugabe?

Je veux croire - et j'ai eu à m'exprimer la-dessus à plusieurs occasions - que l'Europe devrait nous donner l'opportunité, nous qui représentons la SADC(Communauté de Développement de l'Afrique Australe) de trouver une solution convenable à ce problème et qu'elle ne devrait pas trop se mêler directement dans la façon dont nous avons choisi de nous occuper de ce problème.

La région de la SADC a connu de pires problèmes avant, avec Ian Smith et ensuite avec l'apartheid; mais parce que nous étions unis et que nous avons travaillé de manière africaine, nous sommes finalement venus à bout de ces terribles problèmes.

Les pays tels que le Mozambique avaient des problèmes internes comme vous le savez, mais grâce aux types de dirigeants qui existaient dans la région, il a été possible de venir à bout de tout cela.

C'est un problème sérieux mais on devrait nous donner l'opportunité d'utiliser nos expériences. Par exemple, je crois que l'Europe - et je pense qu'ils veulent nous aider- ainsi que l'Amérique, alors ils devraient essayer d'utiliser nos capacités, et ne plus aller au coeur des problèmes, parce qu'ils ne peuvent pas comprendre l'Afrique en tant que telle.

Mais le Zimbabwe pourrait très bien se diriger vers une guerre civile si la situation persistait.

Eh bien disons que c'est probablement parce que le Zimbabwe souffre de l'hostilité; et chaque fois que l'on se sent persécuté, on doit se défendre et ainsi tous les moyens rationnels de faire face aux problèmes sont presque hors de portée.

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