Afrique: Amara Essy demande un droit d'inventaire sur l'héritage de l'OUA

31 Juillet 2002
interview

Durban, Afrique du Sud — Le secrétaire général sortant de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), l'Ivoirien Amara Essy a été, de nouveau à titre intérimaire reconduit comme chef de l'Union Africaine (UA), au dernier sommet inaugural de Durban, en Afrique du Sud. Essy, un ancien ministre des affaires étrangères de la Cote d'Ivoire, dirigeait l'OUA depuis septembre 2001, durant la période de transition d'une année jusqu'au lancement de l'UA le 9 juillet dernier.

Essy restera président de la commission intérimaire de l'UA pour une année de plus, jusqu'au prochain sommet ordinaire de l'UA, prévu en juillet 2003, au Mozambique. Mais son mandat sera-t-il renouvelé? C'est à Maputo qu'on connaîtra le nom du nouveau président de la Commission (l'équivalent du secrétaire général de l'OUA) et les secrétaires généraux adjoints sortants (appelés maintenant 'acting commissionners' officier ...) seront remplacés par un président adjoint et dix membres de la Commission en provenance de toutes les régions du continent.

Il y a eu un débat à Durban sur la durée du mandat du président intérimaire de la Commission de l'UA, avec des suggestions allant de six à douze mois. Cela voudrait-il dire qu'il n y a pas eu un accord unanime sur la personne de M. Amara Essy? C'est la première question que lui a posé Ofeibea Quist-Arcton de allAfrica.com dans une interview faite avec M. Gamal Gorkeh Nkrumah, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Al-Ahram , publié au Caire.

Il semblerait qu'il y ait eu une certaine confusion entre les chefs d'Etats présents à Durban, lors du dernier sommet de l'UA, sur la durée de votre mandat en tant que président intérimaire du nouveau secrétariat de l'UA, connu aussi sous le nom de la Commission. Est ce vrai? Ai-je raison?

%

Je pense que certains d'entre eux étaient d'accord pour six mois et les autres pour un an, mais la majorité était favorable pour une année. Rien qu'élire les membres de la Commission demande beaucoup de travail. Nous avons besoin de connaître les coûts financiers, ce qui est très important. Nous allons passer d'un secrétaire général et cinq secrétaires généraux assistants à dix membres de la Commission. Comment allons-nous financer tout cela? Vous devez connaître tout cela avant de commencer le travail.

A quoi bon la tenue d'un sommet extraordinaire dans six mois, alors que vous êtes là pour une année et qu'on a déjà choisi Maputo comme l'endroit où se tiendra le prochain sommet ordinaire de l'UA prévu dans une année? Je crois que la Libye a proposé des amendements compliqués dont il faudra discuter.

Cela aussi. Vous savez, ils y avait des amendements d'avant-projet dans la constitution de loi de l'UA. Nous enverrons l'avant-projet à tous les membres de l'UA, il sera étudié par le Conseil Exécutif, et la décision sera prise par le sommet extraordinaire.

M. Essy pensez-vous avoir l'appui total de tous les chefs d'Etats de l'UA? Parce qu'on nous a dit qu'il semblerait que certains chefs d'Etats voulaient un autre président pour diriger la Commission de l'UA et le nom de l'ancien président du Mali, Alpha Oumar Konaré est de plus en plus mentionné. Etait-il présent à Durban?

Je ne me sens pas concerné par tout ceci et que cela soit vrai ou non, je n'en sais rien.

Vous avez du entendre les rumeurs et les chuchotements.

Vous savez à l'OUA, il y a de tout temps des rumeurs, mais je ne me sens vraiment pas concerné par tout cela. Quiconque peut devenir candidat et je le respecte. S'il est candidat on verra.

Après une année de transition, en tant que président de la Commission de l'UA , pensez-vous que vous allez obtenir un autre mandat? Le voudriez-vous? En quoi consiste le travail?

Franchement, je n'y pense vraiment pas. Ce que j'ai l'intention de faire maintenant c'est d'accomplir la tache qu'on m'a confiée. Et il appartient aux chefs d'Etats de prendre la décision.

Mais aimez-vous le travail?

Aimer? Je suis dévoué à l'Afrique. C'est tout ce que je peux dire pour le moment. Ce que j'ai accompli pendant neuf mois en tant que Secrétaire général intérimaire de l'OUA était un travail énorme. J'ai été élu pour une année, mais j'ai commencé trois mois plus tard. Donc, tout ce travail a été accompli en neuf mois. Nous avions travaillé très dure pour mettre en application toutes les décisions prises lors du sommet de l'UA, tenu à Durban et nous avions travaillé sur la structure de la Commission. Nous devons aussi établir toutes les règles et régulations pour le prochain sommet de l'Union Africaine. C'est cela mon objectif aujourd'hui et nous pouvons le faire.

Je me suis engagé dans ce travail non pas parce que je cherche une nouvelle position. Je remercie le Bon Dieu, parce que dans ma carrière diplomatique, j'ai atteint tout ce dont peut rêver un diplomate. Donc je fais vraiment tout ceci pour aider uniquement l'Afrique et mettre au service de l'UA toute l'expérience que j'ai acquise durant ma carrière professionnelle.

Mais pensez-vous avoir l'appui de tous les dirigeants africains membres de l'UA?

Vous savez personne, et même Dieu, ne peut être accepté à l'unanimité. Je sais que certains disent que nous devons rendre la période intérimaire aussi courte que possible. Et c'est vrai, quand vous êtes un président intérimaire, vous ne pouvez pas prendre beaucoup de décisions parce que vous devez congédier beaucoup de personne. C'est normal parce que beaucoup de choses ne se passent pas bien à l'intérieur de l'OUA.

Et on ne peut pas passer tous les problèmes que l'on avait avec l'OUA à l'UA. L'une des mauvaises choses aujourd'hui, c'est que les secrétaires généraux assistants, les nouveaux membres de la Commission seront élus. Ainsi, ils auront un appui politique. S'ils ne font pas bien leur travail, on ne pourra pas les renvoyer, parce qu'ils auront été élus. C'est là où réside la grande différence entre l'Union Africaine et l'Union Européenne, le Mercosur en Amérique Latine et l'Asean (l'Association du Sud-Est Asiatique).Dans ces organisations personne n'est élu, seul le président est élu; après cela, ils font des consultations pour former le cabinet. Alors si quelque chose ne marche pas, vous pouvez le changer.

Mais dans l'Union Africaine on ne peut pas le changer. Et c'est l'un des grands problèmes qu'a rencontré l'OUA. Il y a toujours eu une lutte entre le secrétaire général et ses assistants, parce qu'ils ont été tous élus. Tous pensent avoir un soutien politique, alors des fois, ils font ce que bon leur semble.

Les régions seront-elles prises en considération dans le choix des membres de la Commission, et cela sera t-il lié au financement?

Je pense qu'il y aura deux membres de commission par region

Avez vous une idée de comment vous allez financer ce nouveau secrétariat, la Commission de l'UA ?

Vous savez, j'ai mis en place une commission pour mobiliser des fonds. Elle va bientôt commencer à travailler, afin que nous puissions trouver le moyen de financer tout cela. Parce que comme vous le savez, nous allons passer de quatre organes à dix sept institutions. Donc, on a besoin de financer tout ceci, et on ne peut pas le faire sur un budget normal.

Vous n'avez aucune idée sur la manière dont vous allez collecter cet argent?

Nous avons plusieurs idées, peut être collecter des taxes sur les billets d'avion, rassembler des fonds et organiser des concerts. J'ai aussi parlé ici (Durban) avec des hommes d'affaires. L'Association des Hommes d'Affaires africains était présente. J'ai rencontré ces membres et je leur ai dit, d'accord, si demain nous réussissons, vous en profiterez aussi, donc vous devez faire quelque chose pour nous aider à couvrir le coût de l'UA. Je leur ai dit que si demain, nous avons un grand marché, ils pourront exporter et gagner de l'argent, donc ils doivent penser à la manière de nous aider à financer l'Union.

Qu'en est-il à propos du secrétariat de l'OUA? Est-ce que le personnel actuel est à 400 et fera-t-il partie de la nouvelle Commission de l'UA?

Avant, il y'avait 600 personnes. Mais après une restructuration à l'intérieur du secrétariat de l'OUA, 100 personnes sont partir. Mais il y'a toujours beaucoup de monde.

On nous a appris que tout le personnel du secrétariat de l'OUA devrait à nouveau poser une candidature à sa propre succession s'il voulait travailler à l'UA. Qu'en est-il exactement?

Vous voyez ce n'est pas un travail facile. C'est la raison pour laquelle je voudrais avoir du temps pour tout nettoyer avant l'élection des membres de la Commission. Ils avaient beaucoup de problèmes à l'intérieur de l'OUA, ce qui est tout à fait normal après 39 ans d'existence. Plusieurs personnes semblent avoir intégrées l'organisation sans les compétences requises.

Vous savez quand on fit faire une étude, il y a de cela trois ans, plusieurs personnes sont parties. Mais quand nous avons gelé les recrutements, ils étaient toujours dans l'organisation.

Le problème, c'est qu'il y' a une sorte de loi, c'est à dire que quant on passe de l'ancienne organisation à la nouvelle, on doit faire une sorte d'évaluation. On étudiera qui a les qualifications requises pour venir directement dans la nouvelle organisation. On va identifier ceux qui auront besoin d'une formation de deux ou trois mois ou une année. Ceux qui ne pourront pas rejoindre la nouvelle organisation seront indemnisés. Il y a des règles à l'intérieur de l'OIT(l'Organisation Internationale du Travail). Je pense que vous avez droits à 18 mois de salaires et à d'autres compensations. Donc nous devons trouver l'argent pour payer tout cela. Et vous voyez tout cela n'est pas encore résolu.

Ceux qui font partie du secrétariat de l'OUA et qui doivent rejoindre l'UA doivent ils à nouveau poser leur candidature pour rester à leur poste, et si leurs résultats sont considérés comme satisfaisants, est ce que leur transfert se fera de manière automatique?

Vous savez, l'une des études que nous avons effectuée était sur la description des postes dans l'UA. Ceux qui ont les qualifications requises et la compétence nécessaire pourront y accéder.

Sans avoir à poser leur candidature?

Même s'ils postulent de nouveau, nous savons qu'ils seront directement choisis parce qu'ils ont toutes les qualifications requises. Ils ont des droits, s'ils ont la compétence, on doit leur donner la priorité avant de recruter de nouveaux agents.

Quand on aura la description des postes, toutes ces études seront faites et ceux qui auront les qualifications nécessaires obtiendront directement leur poste, même s'ils doivent déposer un formulaire de candidature pour la forme

Il y a des gens qui disent que le siège de l'UA sera transféré d'Addis-abeba vers une autre localité. Est-ce qu'il y a une part de vérité dans tout cela?

C'était il y a longtemps. Dans la loi de la Constitution (de l'UA), il est stipulé que le siège restera à Addis-Abeba .

Ce qui se passe ensuite c'est qu'il y aura 17 institutions qu'ils pourront répartir à travers toute l'Afrique. Il y aura une Banque Centrale. J'ai déjà reçu la candidature du Kenya pour accueillir cette Banque d'Investissement. Le Togo est aussi candidat.

L'Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana sont aussi candidat pour des institutions. Ainsi, les institutions seront réparties à travers tout le continent.

Qu'en est-il du site pour le nouveau parlement africain? La Libye a-elle posé sa candidature?

Non, pas encore.

'Le Droit de Regard' était la phrase à la mode à Durban, et c'est a dire le fait que les dirigeants seront maintenant ouverts aux critiques et aux sanctions. Cependant, le Zimbabwe, un pays agitée par des troubles a été a peine mentionné tandis que le siège de Madagascar a été laissé vacant, parce que les chefs d'Etats n'ont pas considéré Marc Ravalomanana comme un leader ayant été 'constitutionnellement' élu. Alors sur quoi vous basez-vous pour déterminer quel gouvernement est constitutionnel, et quel autre ne l'est pas ? Les gens regardent l'Union Africaine et ils disent:'eh bien, ils ont été fermes à l'endroit de Madagascar, mais il y a sûrement toute sorte de dirigeants semi-constitutionnel à qui on a rien dit', par exemple le Zimbabwe, où les résultats des élections ont été contestés.

Nous avons envoyé une mission d'observateurs qui a trouvé que les élections étaient libres et transparentes.

Mais d'autres observateurs ont dit le contraire.

Cela est leur opinion. Nous sommes des Africains, et nous devons prendre nos décisions nous-mêmes et ne pas suivre d'autres personnes.

Mais dans un pays tel que le Zimbabwe, où des dizaines de milliers de personnes n'ont pas été en mesure de prendre part au vote, est ce que l'OUA a vraiment trouvé ces 'élections libres et transparentes'?

Tout ce que je peux dire, c'est qu'on a envoyé une mission d'observateurs. La mission était présente. Et en tant que secrétaire général, je dois suivre les conclusions données par ma mission. Nous avons envoyé une importante mission là-bas pour observer les élections et elle a conclu qu'elles étaient libres et transparentes.

Nous savons que la situation n'est pas toujours stable et qu'il y a des problèmes au Zimbabwe. Mais malgré tout ceci, je dirai que le rapport que j'ai reçu était acceptable.

Vu du dehors, quelle image, pensez-vous que cette position quelque peu incohérente donne à l'UA?

Je vais vous dire une chose, la question des élections est vraiment l'affaire des Africains. C'est la raison pour cela que j'ai dit qu'il fallait mettre en place une structure très solide pour élections. Nous devons croire aux africains. Comment pouvez-vous dire qu'une élection est ou n'est pas libre et transparente? Quelle preuve avez-vous sur le déroulement des élections et sur le fait qu'elles aient été libres et transparentes?

C'est la question que je vous ai posé!

Nous avons envoyé une mission. L'Afrique du Sud a aussi envoyé une mission et plusieurs missions d'observateurs d'élections étaient présentes. La conclusion c'est qu'ils ont dit oui, nous savons qu'il y'eu des disfonctionnements, mais la conclusion c'est que les élections étaient largement libres et transparentes, pas totalement à 100%, mais elles furent acceptables. C'est la conclusion que j'ai reçue.

Qu'en est-il du Maroc, est ce que les démarches sont faites afin qu'il rejoigne l'UA?

Non, non. Cette question (Le Sahara Occidental / Maroc) est entre les mains des Nations-Unies. Nous espérons qu'un jour nous parviendrons à trouver une solution à ce conflit, parce que le Maroc est un membre très important de l'OUA. Il fait partie des membres fondateurs de l'OUA. Le Maroc a une forte économie et de bons dirigeants, et il a besoin de faire partie de n'importe quelle institution Africaine créée. Et j'espère que cette question sera prochainement résolue.

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