Afrique: Le G8 s'accorde pour l'allègement de la dette de 23 pays africains

14 Juin 2005

Washinton DC — L'annulation totale de la dette annoncée Samedi dernier par une déclaration des ministres de finances des pays membres du G8 concerne dans un premier temps 14 pays africains, et 9 autres pourront également en bénéficier dans les 12 ou 18 mois à venir.

Les bénéficiaires de cette première vague d'allègement sont les pays qui, selon des critères établis par la Banque Mondiale et le FMI en 1996, ont atteint le "point d'achèvement" de l'initiative PPTE (Pays Pauvre Très Endetté, en anglais HIPC). Il s'agit du Bénin, du Burkina Faso, de l'Éthiopie, du Ghana, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Mozambique, du Niger, de l'Ouganda, du Rwanda, du Sénégal, de la Tanzanie, et de la Zambie.

Les 9 autres pays qui sont considérés comme près du point d'achèvement sont: le Cameroun, le Congo Démocratique, la Gambie, la Guinée (Conakry), la Guinée Bissau, le Malawi, Sao Tomé, la Sierra Leone, et le Tchad.

La Grande-Bretagne a estimé le coût global de cette annulation (qui couvre aussi 4 pays d'Amérique latine) à 40 milliards de dollars, auxquels s'ajouteront 11 milliards destinés aux 9 pays en voie d'éligibilité.

Les groupes pro-annulation ont pour leur part établi à 62 le nombre réel des pays qui doivent bénéficier d'une annulation totale de la dette en vue d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU. Ces objectifs, adoptés en 2000, incluent une réduction de moitié du nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté et la faim en 2015 au plus tard.

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Les ministres du G8 ont également ajouté que la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement seront compensées "dollar pour dollar" afin de couvrir les ressources perdues du fait de l'annullation. Quant à la dette envers le FMI, elle sera couverte par "l'utilisation des ressources existantes" en son sein, ou au moyen de "ressources additionelles" pourvues à cet effet par les donneurs.

Pour ce qui est du Nigeria, pays le plus endetté du continent, les ministres ont promis "une solution juste et durable", mais cela devra se négocier dans le cadre du Club de Paris, un organisme informel au sein duquel se retrouvent les principaux bailleurs de fonds. "Le Nigeria est une pièce maîtresse pour la propsperité du continent africain tout entier", ont déclaré les ministres. "Nous avons salué les progrès constatés par le FMI sur le plan de la réforme économique au Nigeria, …et nous l'encourageons à continuer dans ce sens", ont-ils ajouté.

Le président Obasanjo a déclaré la semaine dernière que son gouvernement compte utiliser les réserves de devises étrangères accumulées sur la vente du pétrole pour payer la totalité de la dette du Nigeria envers le Club de Paris. Le président Obasanjo et son ministre de finances Ngozi Okonjo-Iweala ont été très actifs dans leur effort visant à persuader les principaux bailleurs de fonds que son gouvernement, issu du suffrage universel, ne devrait pas être pénalisé par le remboursement de la dette accumulée par les régimes dictatoriaux qui l'ont précédé.

Avec une population excédant les 130 millions, le Nigeria détient le revenu par habitant le plus bas de tous les grands pays producteurs de pétrole, et au cours de ces dernières années, le pays s'est efforcé à payer environ un milliard de dollars à ses créanciers du Club de Paris, ce qui représentait environ la moitié de sa dette. Les membres du Club de Paris ont pour leur part abordé plusieurs options en vue de réduire ou d'éliminer la dette du Nigeria. Mais des divergences d'opinion demeurent. Abuja recherche une annulation totale, mais certains créanciers insistent pour que le Nigeria repaie sa dette à un taux réduit en utilisant une partie ou la totalité des revenus engendrés grâce à la récente flambée du prix du baril sur le marché mondial. "Une réduction juste serait de l'ordre de 20 à 33 pourcent de la valeur nominale de chaque dollar", a écrit Todd Moss du Center for Global Development, un groupe spécialisé dans la recherche des stratégies de lutte contre la pauvreté basé à Washington.

Selon Moss, cette proposition cadrerait avec les arrangements récemment conclus sur la dette de l'Irak et celle de l'Argentine, et coûterait au Nigeria entre 6 et 9 milliards de dollars, ce qui correspond à "à peu près leurs réserves en devises étrangères générées par la manne pétrolière". Pour le président Obasanjo, cependant, les ressources consacrées au paiement de la dette seraient mieux utilisées dans les secteurs tels que l'éducation, la santé, et l'électrification.

Entre temps, plusieurs autres pays africains ont été classés sous la catégorie de "pré-décision", ce qui les met en position de bénéficier d'une annulation de leur dette s'ils parvenaient à compléter la procédure de qualification pour le statut PPTE. Burundi, Centrafrique, Comores, Congo-Brazzaville, Cote d'Ivoire, Liberia, Somalie, Soudan et Togo font tous partie de cette catégorie.

"Nous insistons catégoriquement que la tansparence des toutes les parties est essentielle pour accorder une assistance ainsi que l'allègement de la dette", a dit Gordon Brown, le ministre britannique des Finances, qui présidait la rencontre des ministres. "Nous travaillons avec le FMI et la Banque Mondiale en vue d'établir plus de transparence et mettre fin à la corruption", a-t-il dit.

Parlant à la fin de la rencontre, Brown dit: "Nous sommes conscients de la pauvreté abjecte dans laquelle tant de pays et tant d'individus vivent. Nous sommes mus par un besoin urgent d'agir, et nous nous sommes unis dans un objectif commun". Pour lui, la déclaration conjointe constitue "la déclaration la plus globale que des ministres de finances aient jamais faite sur les questions de la dette, du développement, de la santé et de la pauvreté".

Brown faisait partie de la Commission pour l'Afrique mise sur pied par le premier ministre Tony Blair; une commission qui avait lancé un appel pour que l'aide accordée à l'Afrique soit doublée durant les trois ou cinq prochaines années. "Je suis très encouragé non seulement par l'accord signé aujourd'hui, mais aussi par la décision de l'Union Européenne de doubler son aide d'ici de 2010. Cela signifie que l'agenda du sommet de Gleneagles consistera de l'assistance, l'allègement de la dette, et le commerce équitable", a-t-il ajouté.

Tout en notant aussi que les États-Unis comptaient "tripler" leur aide au développement en Afrique ainsi que la création du Millenium Challenge Account, la déclaration des ministres a appelé a un effort de collaboration : "Il est crucial que la communauté internationale améliore l'efficacité de l'aide", et elle a appelé tous les donateurs à "harmoniser leurs procédures tout en mettant l'aide au rang des priorités gouvernementales de chaque pays en vue de la croissance, de la réduction de la pauvreté et aussi pour fournir des résultats quantifiables."

"Notre plus haute priorité commune, dans les domaines du commerce pour l'année à venir permettra aux pays pauvres de récolter des bénéfices réels et substantiels", lit-on. Les membres du G8 "vouraient offrir un accès plus grand à leurs marchés aux pays en voie de développement", notamment en mettant fin aux subventions accordées aux producteurs des pays riches, car celles-ci réduisent les opportunités des producteurs de pays en voie de développement. "Nous reconnaissons qu'une réduction des barrières dans le domaine du commerce pourrait bénéficier tous les pays, mais ces bénéfices ne peuvent être récoltés tant que les pays en voie de développement n'ont pas la capacité de se lancer dans la concurrence au niveau du marché international", a dit Brown.

A ce jour les États-Unis et le Japon sont opposés à l'idée de la Facilité Financière internationale de finance (IFF) qui fournirait 100 milliards de dollars pour le développement en vendant des obligations appuyées par les budgets consacrés à l'aide au développement issus des pays riches. Mais Brown a annoncé la création d'un projet IFF pilote en vue de financer des campagnes de vaccinations en Afrique avec ou sans soutien des États-Unis ou du Japon.

Le G8 regroupe en son sein l'Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon, et la Russie.

*Traduit de l'anglais par François Gouahinga

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