Abidjan — "Je m'engage à combattre toute idéologie et pratique de génocide et d'exclusion, à promouvoir et à défendre les droits et libertés individuelles et collectives de la personne et du citoyen, et à sauvegarder l'intégrité de la République du Burundi".
Pierre Nkurunziza, l'ancien chef rebelle, a prêté serment vendredi en qualité de Président de la République. Des rudesses du maquis aux douceurs du Palais présidentiel, tel est le parcours fabuleux de cet ancien chef de guerre dont le mouvement, Forces pour la défense de la Démocratie (FDD), a remporté tous les scrutins organisés pour tenter de mettre fin à douze ans de guerre civile. Il a ainsi remporté la majorité des sièges aux législatives, aux municipales et aux sénatoriales. Une performance aussi surprenante que remarquable qui montre bien qu'aucune élection n'est gagnée d'avance. De l'ethnie hutu, Pierre Nkurunziza est le premier Chef d'Etat élu depuis le déclenchement de la guerre civile en 1993. Même si les Forces nationales de libération (FNL), un des mouvements rebelles, refusent, pour l'instant, de s'inscrire dans le processus de normalisation, c'est en tout cas une page importante de l'histoire du pays qui se tourne. Les enfants d'un même pays ne peuvent pas se battre indéfiniment, il faut bien qu'à un moment donné, la raison et la sagesse l'emportent sur les armes.
Bien sûr, il a fallu douze ans pour y arriver, douze années au cours desquelles des milliers de Burundais ont perdu la vie, sans doute pour rien. Les idéologues et autres hommes politiques diront qu'ils sont tombés pour la liberté et la démocratie, et élèveront en leur mémoire des monuments. Mais le fait est qu'il y a toujours moyen de faire l'économie d'une guerre, ne serait-ce qu'en s'écoutant mutuellement, en raisonnant et en étant moins passionné. Malheureusement, dans nos pays africains, on s'entretue d'abord, avant de consentir à se parler, à s'accepter. Il est certain qu'au Burundi, certains, jusqu'à la fin de leur vie, en voudront à l'ex-chef rebelle Pierre Nkurunziza. Il n'est pas toujours facile de pardonner à son bourreau ou à l'auteur de la mort brutale de ses proches. Mais un conflit, quel que soit le temps qu'il dure, s'achève toujours. L'Angola, le Liberia, même le Rwanda sont là pour le démontrer.
Prendre les armes contre un régime jugé inique, dictatorial ou fasciste entraîne toujours la mort de personnes innocentes, c'est-à-dire de celles-là qui en général ne savent même pas ce qui se passe, ni pourquoi les gens se battent autour d'elles. C'est en cela qu'une guerre est toujours inutile, elle n'apporte que destruction, désolation et désespoir. Il faut croire, en attendant que les FNL se joignent au processus de paix, que les Burundais auront tiré toutes les leçons de cette guerre de douze ans et vont s'inscrire résolument dans la voie du développement de leur pays. Quant à Pierre Nkurunziza, il faut lui souhaiter de faire rapidement sa mue pour se donner la stature d'un Chef d'Etat. Car il n'est pas le premier chef rebelle devenu Chef d'Etat. Il y a eu avant lui, pour ne citer que le cas le plus proche, Charles Gankay Taylor au Liberia. Le pouvoir d'Etat auquel ce dernier aspirait tant lui a brûlé les doigts, au point que la communauté internationale a dû négocier en douceur son départ en exil au Nigeria.
Aujourd'hui encore, il est menacé de comparution devant le Tribunal pénal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone pour crimes de guerre. Le nouvel homme fort de Bujumbura devra donc garder cela en mémoire et s'atteler à remettre son pays au travail. Il y a douze années perdues à rattraper. L'enjeu est certes de taille, mais à force de travail et de volonté, les Burundais y arriveront certainement.