Sénégal: Rallye Paris-Dakar : arrêtons le massacre de ces chauffards du désert !

21 Janvier 2006
opinion

La nouvelle est annoncée laconiquement dans les nouvelles brèves d'une radio internationale : «Boubacar Diallo, un garçon de dix ans, est mort ce matin, heurté par une voiture sur le Paris-Dakar, entre Labé en Guinée et Tambacounda au Sénégal».

Et l'envoyé spécial de la radio de préciser que l'enfant était avec ses parents au moment où la voiture l'écrasait mortellement, y allant même de ses conseils un peu déplacés, comme s'il voulait culpabiliser ces derniers : «Les spectateurs doivent se tenir le plus loin possible de la route et ne jamais tenter de la traverser».

Les organisateurs, eux, ont publié un communiqué tout aussi laconique : «Un jeune garçon d'une dizaine d'années, venu avec ses parents assister au passage du rallye, a été heurté par le véhicule N.420 de la catégorie auto alors qu'il traversait la route». Le Dakar a encore tué. Et impunément car le chauffard du désert qui a arraché la vie à ce garçon de dix ans ne s era peut-être jamais poursuivi par la justice.

Les organisateurs feront juste un peu d'humanitaire hypocrite en allant rendre visite à des parents déboussolés et meurtris, qui seront vite abandonnés à leur misère, leur pauvreté et leur solitude ; ou en distribuant quelques babioles sous le regard complice des caméras des grandes chaînes de télévision plus préoccupées par l'audimat et les revenus publicitaires que par la disparition d'un petit Africain qui a eu le culot de se retrouver sous les roues d'un mastodonte qui veut coûte que coûte rejoindre les rives du Lac Rose avant de parader à la Place de l'Indépendance à Dakar. Le tueur va sans doute sabler le champagne, dans quelques jours, devant des spectateurs plus préoccupés par leur survie quotidienne que par le désir d'aventure et d'exotisme de ces tueurs du désert.

Le jeune Boubacar Diallo venait juste de passer, avec sa famille, la Tabaski (Aïd El Kébir), véritable fête des enfants, et ne savait pas, en se rendant sur le parcours du Dakar, qu'un chauffard allait tout bêtement mettre fin à sa vie. Scandaleux ! Quand est-ce que les autorités des pays traversés par le rallye réagiront-elles pour mettre fin à ce cycle meurtrier qui, chaque année, enlève la vie à d'innocentes victimes ? En France, la mort d'un enfant par accident de la route aux abords des écoles donne lieu à des manifestations de parents d'élèves relayées dans les journaux de 20 h. Qui va manifester pour dénoncer la mort du jeune Guinéen de Labé ? Qui va brandir une pancarte ou une banderole le jour de l'arrivée du Dakar, devant ces chauffards du désert, pour leur donner un peu de mauvaise conscience ? Un enfant ne doit pas mourir, et tous les pères et mères de famille savent bien de quoi nous parlons.

Et c'est d'autant plus scandaleu x que cette mort pourrait être évitée si les organisateurs du rallye avaient pris le minimum de précaution pour sécuriser le parcours. Ils savent bien, pardi, que dans les villages qu'ils traversent les enfants jouent avec insouciance comme tous les enfants de la terre. La vie d'un jeune Africain a-t-elle moins de valeur que celle d'un jeune Européen ? Les organisateurs du rallye, s'il leur reste un peu d'humanité, ne devraient pas dormir ces prochains mois car ils ont la mort d'un garçon sur leur conscience. Ils devraient, ne serait-ce que pour rendre hommage à Boubacar Diallo, annuler toute réjouissance lors de l'arrivée de leur Dakar qui, malheureusement, porte le nom de notre capitale. Le sort des pauvres Africains est décidément lié au désert : soit ils y meurent de faim et de soif en tentant de rejoindre l'Eldorado européen, soit ils y sont tués sous les roues d'un riche aventurier guidé par l'exotisme et les sensations fortes.

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