Afrique: Jouer "à la maison", un avantage souvent décisif lors de la CAN... et au-delà

7 Février 2006

Washington, D.C. — L'Egypte effectue lors de cette 25ème Coupe d'Afrique 2006 un parcours pour l'instant sans faute. Vainqueur de sa poule de qualification, le pays hôte s'est distingué ce vendredi grâce à une large victoire au tableau d'affichage (4-1) lors des quarts de finale contre les Simbas de la République du Congo. Depuis le début de la compétition le 20 janvier, l'équipe d'Egypte reste dans sa capitale et fait "Cairo Stadium comble" à tout coup : en moyenne, entre 80 et 100 000 personnes présentes pour soutenir les Rouge et Blanc. Sauront-ils récompenser les espoirs de ce puissant soutien ?

Si l'on se fie aux précédentes éditions de la Coupe d'Afrique qui se tient -pour combien de temps encore ?- tous les deux ans, le parcours de l'équipe du pays organisateur est rarement décevant devant son public. Pendant la dernière édition, la Tunisie a su tirer profit du soutien populaire, en arrachant la victoire lors de parties mal engagées comme contre le Nigéria en demi-finale, devant 56 000 supporters. En 1996, lors de la CAN sud-africaine, les Bafana Bafana l'avaient emporté lors de leur première participation en tant qu'équipe dite Arc-en-Ciel? mais le public avait boudé les rencontres où ne figuraient pas les stars locales. Libyens et Algériens se rappellent de leur victoire respective en 1982 et 1990, événement jamais égalé pour ces " poids plumes " du football africain.

En Afrique, sans doute encore plus qu'ailleurs, le rôle du public- le "12ème joueur " pour sacrifier au jargon du ballon rond - est un facteur décisif. A titre de comparaison, depuis 1980, sur 7 championnats d'Europe, 2 équipes (Portugal 2004, France 1984) ont atteint -au moins- la finale alors que la compétition se déroulait " à la maison ", alors que 7 équipes sur 13 ont réussi ce pari lors des différentes CAN (Tunisie 2004, Nigéria 2000, Afrique du Sud 1996, Algérie 1990, Egypte 1986, Libye 1982, Nigéria 1980).

Le cas se confirme encore avec cette édition de la CAN au cours de laquelle peu de matchs dépassent les 18 000 entrées quand les Pharaons sont absents. Excepté le Cairo Stadium (74100 places assises), la capacité des autres enceintes oscille entre 15 et 30 000 places, mais les stades sont souvent vides ou peu remplis et rares sont les cas de " matchs équilibrés " dans les tribunes... on parlerait plutôt de silence glacial. Beaucoup de reporters couvrant l'épreuve notent l'ambiance surchauffée des matchs où participe l'Egypte, et le relatif anonymat des autres rencontres? Le " sommet " Cameroun - Côte d'Ivoire a ainsi attiré -si l'on peut dire- 14 000 spectateurs dans le Stade de l'Académie Militaire. Pour les équipes qualifiées se déplaçant chez leur hôte du jour, il faut en général compter sur les maigres contingents de résidents, sur les officiels souvent silencieux et autres journalistes, ou sur le soutien des curieux de sport parfois effrayés par la folie des matchs de l'Egypte? en définitive, peu de bruit.

Se déplacer dans un continent aussi vaste pour une durée aussi imprévisible reste un privilège pour beaucoup impossible ou insensé, sinon pour les caciques des fédérations. Trois matchs de qualification, puis une élimination directe à partir du tableau commençant en quart de finale, le vainqueur jouera au maximum 6 rencontres, étalées sur une vingtaine de jours. Qui peut se permettre de s'offrir un billet Luanda-Le Caire -sans compter visas et frais sur place- pour venir soutenir les Palancas negras en Egypte ? L'état du réseau de transport aérien sur le continent qui oblige à de nombreuses escales, et le coût qui en découle ne permettent pas des affluences de supporters étrangers. D'où des matchs "à sens unique" lors de cette CAN et de ses devancières, dans les gradins, ou plus simplement l'absence de match, de " fête " comme l'on dit pour mieux passer sur les tensions qui surviennent périodiquement dans les tribunes du monde entier.

Peut-être serait-il judicieux de prévoir au plus tôt dans les fédérations nationales africaines des "plans supporters " pour la Coupe du Monde 2010, en Afrique du Sud, afin de trouver des arrangements commerciaux et amicaux qui permettent de corriger cette carence. Cela éviterait sans doute de voir les rencontres des qualifiés africains désertées de supporters ou colonisées par les fans venus d'outre Afrique, et aiderait probablement les équipes africaines à figurer tout en haut de l'affiche lors de cette première Coupe du Monde africaine, l'événement le plus suivi de la planète.

Après tout, le " 12ème joueur " mérite autant d'égard que les 11 autres dans la préparation.

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