L'Association pour le développement de l'éducation en Afrique (ADEA) tient depuis lundi à Libreville, au Gabon, sa 6ème biennale sur le thème: L'efficacité des systèmes d'apprentissage en Afrique.
Quatre jours de réflexions pour les ministres, partenaires au développement et bailleurs de fond de l'éducation, qui doivent harmoniser leurs vues sur les façons de rendre efficiente la transmission du savoir, en tenant compte des spécificités linguistiques du continent africain. Le secrétaire exécutif de l'ADEA, Mamadou Ndoye, présente les objectifs et les attentes de cette rencontre.
Mamadou Ndoye, vous êtes secrétaire exécutif de l'association pour le développement de l'éducation en Afrique. Pourriez-vous définir l'ADEA ?
L'ADEA a été créée en 1988 comme un forum de bailleurs de fonds de l'éducation en Afrique. Depuis lADEA s'est transformée en un réseau de partenariat entre les bailleurs de fonds de l'éducation en Afrique, les ministres africains de l'éducation et les professionnels des universités, des instituts de recherche et des ministères. L'ADEA a pour mission principale le dialogue politique entre ses composantes, notamment entre ministères de l'éducation et agences de développement, de manière à promouvoir de nouvelles façons de faire et de penser en éducation.
Ce qui devrait promouvoir des réformes et développer les capacités des ministères à transformer les systèmes éducatifs et à les rendre beaucoup plus performants. A cet égard, nous essayons de construire des compréhensions partagées entre ces principaux acteurs pour ce qui est de l'identification des défis posés à l'éducation en Afrique et pour ce qui est des stratégies et des approches pertinentes pour relever ces défis.
Pourquoi une biennale de l'éducation en Afrique ? A quel besoin cela correspond-elle ?
La biennale, c'est d'abord le moment fort du dialogue politique au sein de l'association. Mais également, c'est un événement politique majeur puisqu il offre une tribune aux principaux acteurs de l'éducation, pour leur permettre d'échanger leurs expériences, de partager leurs connaissances sur des sujets critiques pour le développement de l'éducation en Afrique. Cette année, le thème de la biennale est " L'efficacité des systèmes d'apprentissage en Afrique ".
Il se trouve que le continent africain est confronté actuellement à un problème majeur en ce qui concerne la réalisation de l'éducation pour tous. 9 enfants africains sur 10 accèdent maintenant à l'école, mais parmi ces 9 enfants, seulement 6 arrivent en fin de scolarité primaire. Ce qui veut dire que l'on perd beaucoup d'enfants en route, à cause des redoublements et des abandons qui sont très élevés dans les systèmes éducatifs africains.
En plus, sur les 6 qui terminent la scolarité primaire, la moitié ne parvient pas à maîtriser les acquisitions fondamentales que sont la lecture, l'écriture et le calcul. De tels résultats montrent que les systèmes éducatifs africains sont inefficaces, en termes de transformation de ressources en résultats scolaires. La biennale invite donc les principaux acteurs de l'éducation en Afrique à se pencher sur ces défis et à essayer de trouver des solutions à partir desquelles on peut aujourd'hui débloquer le développement de l'éducation et réaliser l'objectif de l'éducation pour tous en Afrique.
Quelles sont donc vos attentes à l'issue de cette septième biennale ?
La première de nos attentes, c'est la prise de conscience de l'ampleur du défi, par les décideurs politiques. Qu'ils comprennent qu'il faut investir sur l'efficacité et que l'effort sur l'accès ne suffit pas pour réaliser l'objectif de l'éducation pour tous. Cette prise de conscience est extrêmement importante. De cette prise de conscience, il faut aller plus loin. Il y a un énorme travail analytique qui a été réalisé pour la réalisation de cette biennale.
Nous avons environ 76 études qui ont été préparées, pour essayer d'identifier les caractéristiques, les facteurs et les conditions qui déterminent l'efficacité de l'apprentissage dans le contexte africain. Et cela devrait permettre aux acteurs, non seulement être conscients du défi, mais d'identifier les approches et les stratégies à partir desquelles ils peuvent entreprendre des politiques appropriées, pour renforcer l'efficacité des systèmes éducatifs. Nous attendons enfin qu'il existe des alliances, entre ministres africains, bailleurs de fonds et professionnels de l'éducation, pour s'attaquer ensemble à ce problème et relever les défis posés.
Cette année, les langues maternelles occupent une bonne partie de vos travaux. Est-ce toujours dans le cadre la définition de cette stratégie ?
Bien entendu ! Des expériences ont montré qu'en terme d'apprentissage, lorsque l'enfant qui entre à l'école est instruit d'abord dans la langue qu'il parle, la réussite scolaire est meilleure. Ce qui veut dire d'abord qu'on réduit sensiblement les redoublements, les abandons et, ensuite, qu'on facilite l'apprentissage par les élèves. Le problème en Afrique est que la majorité des enfants continue d'aborder les apprentissages scolaires dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas. C'est pourquoi nous avons en Afrique des taux d'échec énormes en ce qui concerne l'apprentissage?
Nous voulons donc convaincre les ministres et tous les décideurs de ce que l'éducation bilingue marche bien, quelle est productive pour l'apprentissage et quelle peut accroître l'efficacité du système éducatif. C'est pourquoi dans cette biennale, nous voulons montrer que la question de l'utilisation des langues africaines comme langues d'instruction, comme point de départ pour aller progressivement vers les langues officielles - c'est-à-dire le français, l'anglais, le portugais ou l'espagnol - est particulièrement efficace, et qu'il faudrait prendre de telles options politiques.
Vous parlez d'option politique, pourquoi avez-vous choisi Libreville pour tenir cette septième biennale ?
D'abord parce que la biennale devait se tenir en Afrique centrale. Lorsque nous avons décidé de tenir les biennales en Afrique, la première s'est tenue à Dakar, pour l'Afrique de l'ouest, la deuxième à Johannesburg pour l'Afrique australe, la troisième à Arusha pour l'Afrique orientale, la quatrième dans l'Ile Maurice pour l'Océan Indien. Il ne restait donc plus que la région de l'Afrique centrale. Lorsque cela a donc été décidé, le ministre gabonais de l'éducation de l'époque, qui était alors président de la conférence des ministres de l'ADEA, a proposé la candidature du Gabon, elle a été acceptée.