Cote d'Ivoire: Le Premier ministre Charles Konan Banny et les solutions à la crise ivoirienne

2 Mai 2006

Washington, DC — Sa nomination à la tête du gouvernement comme le candidat de consensus a surpris plus d'un observateur à cause du grand nombre de politiciens en lisse.

Et pour d'autres, le fait que tout le monde l'ait finalement accepté signifiait en fait qu'il serait inefficace parce qu'il tendrait à plaire à tout le monde. Son baptême de feu, il l'a eu justes deux semaines après son arrivée au pouvoir avant qu'il ait formé son gouvernement. Les jeunes patriotiques mirent Abidjan sans dessous ni dessus, attaquant les forces de l'ordre des Nations Unies. Il resta calme et ne plia pas bagage comme certains s'y attendaient.

Le fait que Charles Konan Banny ait été loin des remous politiques que traverse son pays, naguère terre de paix et de stabilité dans une Afrique de l'Ouest en constante instabilité, a certainement été un avantage. Il pouvait agir d'une manière indépendante, ne sentant à priori redevable envers aucun des protagonistes de la crise. Et ce conflit comme il l'a répété plusieurs fois lors de son séjour américain, est une crise politique avec des dimensions militaires. C'est une crise de confiance entre des acteurs politiques qui se connaissent bien. Et ces acteurs ont la possibilité de mettre fin au conflit en reprenant le dialogue.

Tandem, Responsabilité et Confiance

Dès le départ, le nouveau Premier ministre a voulu établir son approche sur des bases simples, et comme l'on dirait dans le domaine des chiffres, voir ce qui peut marcher et ce qui ne va pas marcher. Donc, d'entrée de jeu, M. Banny a tenté de ramener le conflit au plus commun dénominateur, traduisant les complexités dans un langage que tout le monde pouvait comprendre et proposer des solutions qui étaient à la portée de tous.

En se mettant en tandem avec le président Laurent  Gbagbo, il s'est placé dans une position ou l'échec causerait aussi bien sa chute mais aussi celle de Laurent Gbagbo. Sans utiliser les mots, le Premier ministre en insistant sur le tandem, a voulu signifier que s'il réussissait dans sa mission, Laurent Gbagbo aurait la chance de se faire élire en utilisant le podium privilégié de la présidence ou alors en cas d'échec Gbagbo coulerait avec lui. Tout autant que l'assemblée nationale, le mandat constitutionnel de chef de l'état est arrivé à la fin du rouleau en octobre 2005. M. Gbagbo jouit d'un sursis que lui ont accordé ses pairs de l'Union Africaine, à la condition qu'il joue le jeu de la sortie de crise. Donc, en fait, le tandem dont le Premier ministre aime tant parler, signifie que 'il échouait, Gbagbo échouerait, n'ayant pas plus de légitimité que qui autre à la tête de l'état.

Cela explique que le chef de l'état ait abdiqué en acceptant « la concomitance du désarmement et de l'identification » bien que qu'il pense que ce soit une aberration.

Quant aux rebelles, leur aire de mouvement est devenue plus restreinte.  L'appui que la France Chiraquienne, donc par conséquent le Burkina Faso, accorde au Premier ministre Banny leur coupe les ailes et les obliges à aller dans le sens de la paix. C'est donc sans surprise que M. Soro Guillaume, chef de la rébellion ait annoncé en présence du M. Pierre Schlori que les Forces Nouvelles étaient prêtes au désarmement.

Responsabilité

Depuis le début de la crise, les Ivoiriens et surtout les leaders politiques se sont livrés à un jeu d'accusation, impliquant qui de la Libye, qui du Burkina Faso, du Mali ou alors le Libéria, refusant toute responsabilité locale. Le Premier ministre a réduit les équations à leur plus simple expression : selon lui, la crise actuelle est une crise politique ivoirienne avec des manifestations militaires. En d'autres mots, il s'agit d'une crise au sein du leadership politique ivoirien que certains pourraient résumer en une crise de succession à la mort du père fondateur de la nation, Félix Houphouët-Boigny. En plusieurs occasions, le Premier ministre a indiqué qu'il ne s'agissait ni d'une crise ethnique ni d'une crise religieuse.

Le Premier ministre Banny a réussi à rassembler à Yamoussoukro, les principaux acteurs du pays. Pour la première fois, en terre ivoirienne, les responsables politiques de la crise se sont rencontrés et ont discuté des moyens et voies pour parvenir à une solution de la crise. Cette réunion, aussi symbolique qu'elle paraîtrait, a permis d'établir les responsabilités. Et à partir de ce moment, les responsables politiques de la Côte d'Ivoire ont pris « possession du processus » et ont donc décidé d'assumer leurs responsabilités.

La composition du gouvernement Banny, à plusieurs égards, reflète cette nouvelle vision des données, surtout en accordant au chef de la rébellion le second poste du gouvernement en éliminant les partis non-essentiels.

Confiance

Cette prise de conscience de la responsabilité de la crise politique a permis de renouer le dialogue entre les différentes tendances politiques. A travers le dialogue, la confiance renaît entre les protagonistes de la crise. Cette nouvelle confiance va aussi permettre de rétablir le lien entre les Ivoiriens et les leaders politiques d'une part et en ricochet, d'autre part, entre la Côte d'Ivoire et la communauté internationale.

Tant que les liens de confiance qui ont existé entre les leaders politiques ne sont pas restaurés, il serait impossible de faire la paix entre les différents courants dans le pays.

L'apport de la communauté internationale, avec l'appui de la France en premier lieu donne toutes les chances à M. Banny de réussir dans sa mission de paix et de réconciliation.  S'il est vrai que les élections ne sont pas une panacée pour la paix et la réconciliation, les conditions dans lesquelles elles vont se tenir peuvent servir de gage pour l'avenir. Si le désarmement est accompli, si l'identification permet à tous les Ivoiriens et à toutes les Ivoiriennes de prendre part au suffrage universel, les bases seront lancées pour une paix durable et une réconciliation nationale pour une Côte d'Ivoire nouvelle, réclamant son « passé glorieux. »

 Voyage Satisfaisant aux Etats Unis d'Amérique

Après un séjour plein de pompes à Paris ou il a été reçu par toutes instances du pays, le chef du gouvernement ivoirien, M. Charles Konan Banny a passé une semaine non moins mouvementé aux Etats Unis. Le Premier ministre dit qu'il rentre au pays avec un grand sentiment de satisfaction après la semaine qu'il vient de passer aux Etats-Unis, faisant la navette entre les différentes institutions de la capitale américaine et New York ou il a rencontré le Conseil de Sécurité, en présence du Secrétaire Général des Nations Unies, Koffi Anan.

« Notre message a été bien accueilli et on nous grandement ouvert les portes » a déclaré M. Banny à quelques heures de son vol retour vers Abidjan. Parmi les grands moments de son séjour américain, le  Premier ministre ivoirien relève entre autres sa rencontre avec les membres de l'Administration Bush, en particulier sa séance de travail à la Maison Blanche et au Département d'Etat ainsi qu'au Congrès.  « Nous avons demandé le soutien moral, politique et financier du gouvernement américain et nous repartons avec le sentiment que notre message a été bien reçu et nous sommes satisfaits des garanties que l'on nous a données. »

Aux Nations Unies, le secrétaire général Koffi Annan fut celui qui demanda un renforcement des effectifs de l'ONU en Côte d'Ivoire pour assurer et garantir la sécurité pendant le processus électoral. « En fait, M. Koffi Annan a dit ce que nous avions l'intention de dire : c'est à dire que l'on aurait certainement besoin de plus 'effectifs sur le terrain et lorsqu'il en fait la demande, nous sommes intervenus pour l'appuyer. » Pendant cette réunion spéciale du Conseil de Sécurité, chaque représentant des membres permanents a pris la parole pour indiquer leur soutien sans équivoque à la sortie de crise.

Autre moment fort de sa visite aux USA, selon le Premier ministre fut sa rencontre avec le groupe diplomatique africain à Washington qu'il a reçu lors d'une réception à la Chancellerie de l'ambassade ivoirienne. « Tous les pays membres de la CEDEAO sont venus et nous ont encouragé à poursuivre notre marche vers la paix. Nos frères ouest-africains nous ont fait part de leur soutien et nous ont signifié que la paix en Côte d'Ivoire est un élément important pour la stabilité et le développement de la sous-région. »

Lors de sa rencontre avec les éditeurs du Washington Post, M. Banny a souligné que le conflit ivoirien n'était ni tribal, ni religieux comme voulait le faire entendre une certaine presse, mais plutôt une crise politique avec des dimensions militaires. « C'est pour cela que nous insistons sur la question de confiance entre les acteurs politiques d'une part et de la confiance entre ces dirigeants politiques et les populations ivoiriennes. Une fois cela établi, le reste du monde nous fera confiance. »

Le Premier ministre reste réaliste quant à ses chances de réussite, qui, a-t-il dit lors d'un déjeuner débat organisé en son honneur par le Whitaker Group, dépendra largement du succès de son tandem avec le président Laurent Gbagbo. « Nous sommes comme deux pédaliers sur le même vélo et tant que nous pédalerons dans le même sens, les choses marcheront et rien n'indique que les choses puissent aller autrement. »

A la question d'un journaliste du Washington Post sur  les possibilités de reprise de l'économie ivoirienne, M. Banny a dit que la capacité de performance de l'économie ivoirienne est-elle que dans quelques mois, elle rebondira sur ses pieds comme elle a toujours fait.

Comme pour couronner le sentiment de succès du Premier ministre, la Banque Mondiale et le FMI ont repris le dialogue avec la Côte d'Ivoire et sont prêts à mettre en place des mécanismes de secours pour la relance économique. Les deux institutions financières ont aussi décidé d'envoyer des délégations à Abidjan pour se concerter avec les faiseurs de décision sur le programme à suivre. Quant à la Banque Africaine de Développement qui a transféré ses opérations à Tunis, elle commencé des études pour son retour au Plateau.

« Le temps presse et nous avons la responsabilité historique de mener ce processus de paix à son terme. Pour le moment, toutes les portes semblent être ouvertes et nous devons en profiter pour faire avancer les choses » dit M. Banny qui ajoute qu'il n'a « aucun agenda secret au-delà de cette responsabilité de ramener la paix ' » et donner la chance à son pays de réclamer le passé glorieux d'antan.

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