Afrique: Emigration clandestine : soixante deux recommandations pour arrêter le fléau

12 Juillet 2006

Rabat — C'est le résultat auquel sont parvenus les participants à la conférence Europe-Afrique sur l'immigration. L'objectif étant d'endiguer l'arrivée massive de clandestins.

Plus de 10 000 clandestins africains sont parvenus jusqu'aux îles Canaries cette année, soit le double du total de l'an dernier, mais près d'un millier d'entre eux se sont noyés en cours de route, en haute mer. Une véritable tragédie humaine, ainsi que Me Ousmane Ngom a caractérisé le phénomène, en faisant hier face à la presse internationale en compagnie du ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération du Maroc (Taïb Fassi Fihri), du chef de la diplomatie espagnole (Miguel Angel Moratinos), du ministre délégué français aux Affaires européennes (Catherine Colonna) et du commissaire européen chargé de la Justice, Liberté et Sécurité (Franco Frattini), après la cérémonie de clôture de la Conférence euro-africaine sur la migration et le développement.

D'où l'importance d"entreprendre des actions rapides et tangibles afin de répondre à l'urgence de cette situation', ainsi qu'en ont convenu à l'unanimité les ministres des Affaires étrangèr es et de l'Intérieur des cinquante-sept pays d'Europe (trente) et d'Afrique (vingt-sept) réunis avant-hier et hier à Rabat pour tenter d'endiguer l'arrivée massive d'émigrés africains, à bord d'embarcations de fortune, aux portes sud de l'Europe. Pour endiguer ces déferlements de jeunes africains qui 'n'ont plus d'espoir', pour paraphraser le ministre sénégalais de l'Intérieur, l'Europe et l'Afrique du Nord, de l'Ouest et du Centre ont scellé hier à Rabat un partenariat inédit matérialisé par un 'Plan d'action' comprenant soixante-deux recommandations et se fondant sur une déclaration politique dénommée 'Déclaration de Rabat'. Ainsi, pour la première fois, les chefs de la diplomatie et ministres de l'Intérieur de pays d'origine et de transit de l'immigration et des pays d'accueil auront tenté d'apporter une réponse commune à un phénomène explosif sur les deux continents.

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Le Plan d'action ayant sanctionné la conférence de Rabat fait une large place aussi bien à la répression de l'immigration clandestine qu'au démantèlement des réseaux mafieux qui vivent du désarroi de ces jeunes clandestins. Les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur d'Europe et d'Afrique se sont en effet montrés préoccupés par la 'traite des êtres humains' (les clandestins, Ndlr) par des réseaux mafieux. Et le ministre sénégalais de l'Intérieur précisera, en faisant face à la presse, que ces réseaux mafieux 'sont en amont et en aval', mais également dans les pays de transit et c'est à ces trois niveaux que doit s'organiser la lutte visant à leur démantèlement. Et Ousmane Ngom de mettre en garde les parties au Plan d'action de Rabat : 'Ces réseaux sont peut-être aujourd'hui isolés, mais si rien n'est fait pour les démanteler, ils seront interconnectés avec d'autres réseaux, comme ceux de la drogue, de la prostitution ou à d'autres encore extrêmement dangereux. C'e st pourquoi la lutte contre l'immigration clandestine est importante'.

Mais, selon le commissaire européen chargé de la Justice, Liberté et Sécurité, la lutte contre ces flux migratoires sera de peu d'effet aussi longtemps que le travail au noir aura de beaux jours en Europe. Selon Franco Frattini, 'quiconque dans les 'riches' pays européens fait travailler au noir un immigré, non seulement exploite celui-ci (parce qu'il le paie moins et le prive des services sociaux, tout en l'excluant des parcours de la solidarité et de l'intégration), mais contribue à alimenter de nouvelles arrivées, des arrivées de désespérés, prêts à tout pour gagner quelques euros ( ) Nous devons surtout lutter contre la tendance à tolérer le travail au noir sous notre toit'.

Les autres aspects répressifs du Plan d'action de Rabat satisfont entièrement les Européens, dont les principales préoccupations ont été largement avalisées par les Africains. C'est ainsi que ce Plan d'action préconise que les procédures de rapatriement des clandestins par les pays d'arrivée (ceux d'Europe) soient assouplies. Mais, parallèlement, les règles de rétention de ces clandestins devront être clarifiées et que les rapatriements se fassent 'dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes'. En clair, pour les délégations africaines, l'important est qu'il n'y ait plus de charters à bord desquels de jeunes Africains sont menottés et scotchés à leur siège comme des malfrats pour être ramenés dans leurs pays d'origine. L'Europe s'y étant engagée, les délégations africaines ont accepté d'apporter dorénavant leur 'appui technique et logistique à l'identification de la nationalité des immigrants en situation irrégulière'.

Si les autorités sénégalaises d evaient se conformer à un tel engagement, elles devraient aider les autorités espagnoles à identifier ceux qui sont de nationalité sénégalaise parmi le millier de clandestins dépourvus de pièces d'identification et qui ont échoué ces dernières semaines sur les côtes africaines de la péninsule ibérique. En contrepartie de quoi, les Européens se sont engagés à faciliter 'la réinsertion des immigrants en situation irrégulière de retour dans leur pays d'origine' et de mettre 'à disposition des ressources financières pour aider les pays confrontés à des situations d'urgence en matière d'émigration irrégulière', comme le Maroc, la Mauritanie , principaux pays de transit, ou comme le Sénégal et la Gambie qui constituent les têtes de pont des pays d'où partent les embarcations de fortune à l'assaut des îles Canaries.

Toujours au chapitre répressif, le Plan d'action de Rabat prévoit une meilleure coordination entre pays d'émigration, de transit et d'accueil dans la surveillance des frontières et des routes maritimes. Ainsi, les bateaux de guerre et les avions de surveillance déployés par l'Espagne et l'Europe pour endiguer les vagues déferlantes de clandestins vont pouvoir opérer en toute tranquillité dans les eaux territoriales sénégalaises, gambiennes, etc., ainsi que dans leurs espaces aériens à la recherche des embarcations de fortune en route vers les côtes africaines d'Espagne. Il a été également prévu la création d'un observatoire euro-africain des migrations, l"amélioration de la formation des services compétents, des équipements et de la coopération opérationnelle transfrontalière' et le renforcement de la coopération dans le sens 'de doter les pays concernés d'une base de données numérisée destinée à lutter efficacement contre l'immigration irrégulière'. Les participants à la con férence de Rabat ont, en outre, décidé d'engager des 'campagnes d'information et de sensibilisation sur les dangers de l'immigration illégale', notamment auprès de la jeunesse des pays africains les plus déshérités.

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