Washington, DC — Au troisième jour de la reprise des protestations de la population guinéenne dénonçant la nomination du nouveau premier ministre, Lansana Conté, le président guinéen a brisé le silence dans lequel il s'était emmuré en décrétant l'état de siège.
Après une accalmie de deux semaines, les manifestations de rue avaient repris à Conakry, la capitale guinéenne ainsi que dans les principales villes du pays pour dénoncer la nomination non consensuelle du ministre des affaires et services présidentiels Eugène Camara au poste de premier ministre. Les forces de l'ordre avaient alors ouvert le feu sur les manifestants durant tout le week-end faisant plus d'une vingtaine de victimes. Une situation qui a incité les syndicats à descendre à nouveau dans la rue ce lundi pour cette fois réclamer le départ du président Lansana Conté, âgé de 72 ans et au pouvoir depuis 23 ans.
Ce matin encore on dénombrait pas moins de 18 personnes dont 3 militaires tués à la suite d'affrontements entre soldats loyalistes et manifestants. La situation semblait complètement confuse après des rumeurs de mutinerie aux alentours du camp Alpha Yaya, près de l'aéroport et qui abrite la poudrière de l'armée guinéenne.
Conté brise le silence et décrète l'état de siège
Une situation qui finira par tirer le président Lansana Conté de son mutisme. Dans un discours bref et musclé, il a décrété l'état de siège, confiant à l'armée nationale et loyaliste tous les pouvoirs.
Dans un message radiotélévisé, il a demandé à l'armée de "prendre toutes les dispositions" pour éviter "une guerre civile" face à la volonté affichée des manifestants à en découdre avec les soldats. "Les destructions et les pertes en vies humaines" depuis le début de la crise politico-sociale qui secoue la Guinée depuis le 10 janvier
"sont telles que je suis amené à décréter l'état de siège sur toute l'étendue du territoire national", a-t-il ajouté visiblement ébranlé par la tournure prise par les évènements.
Une sortie qui, sans toutefois calmer les manifestants, a permis une relative accalmie dans les principales artères de la capitale.
Face à cette situation nouvelle, où il n'y a plus d'institutions républicaines autre que l'armée, les pouvoirs de la « grande muette » se trouvent renforcés. La question étant de savoir si l'état de siège contribuera à ramener le calme et la sérénité aussi bien dans les rues que dans les casernes.
Des médias pris pour cible
Dans la soirée de lundi, plus aucun media radio privé ne diffusait à Conakry, à l'exception de la radio Nostalgie distillant quelques notes de musique. Les locaux d'une radio privée ont été saccagés et deux journalistes de cette station conduits par des gendarmes vers un endroit inconnu.
Les responsables de deux autres stations ont simplement décidé d'arrêter d'émettre suite à des menaces anonymes à eux proférés par l'intermédiaire d'appels téléphoniques. La situation est des plus confuse malgré la sortie du chef de l'Etat.
La communauté internationale a exprimé à travers l'Union africaine et Les Nations Unies toute sa préoccupation avant d'appeler le président Conté à l'établissement d'un dialogue direct et constructif.
Les communautés étrangères, essentiellement composées de diplomates et autres techniciens expatriés se préparent à quitter le pays dans les heures qui suivent.