Washington, DC — C'est un véritable camouflet que vient de subir le général président Lansana Conté avec le refus unanime des députés de proroger l'état de siège.
Les populations guinéennes, terrées depuis douze jours chez elles en raison de l'état de siège, avaient l'esprit tourné vendredi vers « la maison du peuple » de Conakry. Les députés réunis en session extraordinaire devaient y décider de la prorogation ou non de l'état de siège décrété sur l'ensemble du territoire guinéen depuis le 12 février.
Face aux nombreuses pressions locales et internationales, les députés ont, à l'unanimité, décidé de la levée totale de l'état de siège en rejetant la demande de prorogation introduite par le président Conté.
Selon diverses sources locales, dans une assemblée quasi monocolore avec 90 députés du PUP/PCN, (le groupe de la majorité présidentielle) sur les 114 élus, 86 députés présents lors cette session extraordinaire ont opposé un refus catégorique à la volonté du président et de son premier ministre de retenir encore les Guinéens chez eux. Les élus du peuple, pour une fois et devant la gravité de la situation, ont fait fi de leur appartenance politique et des mots d'ordre de leur chapelle respective.
Ce vote marque une nouvelle étape dans le bras de fer que se livrent les syndicats et la population d'un côté, et le gouvernement du Président Conté et son armée de l'autre.
Les députés s'assument
Le président Lansana Conté est arrivé au pouvoir en 1984 après la mort du père de l'indépendance guinéenne Sékou Touré. Il fait face depuis le 10 janvier à une grève générale illimitée et sévèrement réprimée par les forces de l'ordre guinéenne avec un bilan de plus de 118 morts.
Selon la loi fondamentale du pays, l'état de siège décrété le 12 février ne pouvait excéder 11 jours sauf avis favorable du parlement par un vote majoritaire en session extraordinaire. Ce fût la raison du rassemblement et du refus des députés ce vendredi à Conakry.
Le groupe parlementaire majoritaire du pays, celui du PUP/PCN a vogué à contre courant de la volonté présidentielle affirmant par la voix de son président Bamiré Diallo que l'état de siège devait être levé quitte à poursuivre le dialogue et à renforcer le maintien de l'ordre.
Même son de cloche se son homologue de l'UPR, Ousmane Bah pour qui cette loi martiale n'a fait que cautionner les nombreuses exactions de l'armée guinéenne.
Conté, un président désormais seul
Un tel désaveu de la part des élus du peuple ne fait que placer davantage le président Conté sur une corde raide. Déjà obligé de négocier au lendemain des premiers jours de la grève générale décrété par les syndicats, le voilà cette fois-ci mis en minorité dans son propre camp politique.
Une décision qui ne restera pas sans conséquences quand à son avenir à la tête du pays qu'il préside depuis 23 ans. Affaibli par un diabète chronique, le successeur de Sékou Touré pourrait se rendre à l'évidence en négociant sérieusement avec les syndicats.
La présence actuellement à Conakry d'une délégation de la CEDEAO conduite par l'ancien président nigérian Ibrahim Badamassi Babangida pourrait-elle lui permettre d'obtenir une sortie honorable ? L'homme de Wawa persistera t-il dans son entêtement ? C'est là tout le mystère de la personnalité du président Conté.