Nouakchott — Les électeurs mauritaniens se sont rendus aux urnes ce dimanche pour élire le candidat qui présidera aux destinées de leur pays pendant les 5 prochaines années, après une transition politique dirigée par les militaires auteurs du coup d'Etat sans effusion de sang du 8 août 2005.
L'élection, qui met en lice 19 candidats, s'avère très serrée entre les 3 premiers favoris. Tous les autres candidats étant peu populaires ou ne disposant pas d'une réelle capacité de mobilisation de bases populaires traditionnellement acquises aux seuls candidats plus généreux le temps d'une campagne que fermes dans les programmes politiques qu'ils défendent.
A ce jour, tout porte à croire qu'aucun candidat ne pourra sortir vainqueur dès le premier tour. Parmi les candidats supposés recevables à un éventuel second tour, on cite deux indépendants, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et l'ex gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie Zeine Ould Zeidane, ainsi que le leader de longue date des milieux de l'ex opposition Ahmed Ould Daddah.
Tous les trois proposent certes des programmes politiques ambitieux pour l'élite mauritanienne, mais la lecture des projets de société reste généralement peu perceptible à un électorat à majorité analphabète, nécessiteux et peu informé.
Ainsi les critères subjectifs comme la tribu, la région, sans rapport total avec la notion contemporaine de l'Etat, seront des éléments déterminants dans cette consultation. Pire, cette élection présente un paradoxe encore plus déplorable, dans la mesure où les maîtres esclavagistes dictent leur préférence, bafouant au passage ce qui est l'essence même de la démocratie, à savoir la liberté de choix.
Alors que des dizaines de milliers d'électeurs voteront pour le candidat qui présente un ambitieux programme politique pour le pays, des centaines de milliers d'autres voteront, eux, sur la base du soutien de leur parent, leur patron, leur maître ou leur bienfaiteur à tel ou tel autre candidat. Un soutien qui sert donc plus l'intérêt particulier des groupuscules que l'intérêt suprême de la nation.
Toujours est-il que devant ce tableau, même avant la neutralité observée par les militaires gouvernants, la dépendance socioéconomique des individus encore soumis par le besoin cruel à la volonté de leur bienfaiteur fait que la démocratie ira à contre-courant, affectée par d'autres facteurs non des moindres comme les lobbies qui tiennent à pérenniser le statu quo, et dont le trafic d'influence reste déterminant.
Avec le report des voix généralement insaisissable en raison du caractère nomade des ralliements et défections, la Mauritanie sera vraisemblablement gouvernée par un président qui a été soutenu par une majorité politique, le cas échéant par un ex-opposant contraint de composer d'une part avec les partis de la majorité et d'autre part avec les autres formations avec lesquels il est lié par un accord de soutien au second tour. Un accord qui sous-entend bien sûr une participation active à l'exécutif.