Mauritanie: La démocratie au bout du fusil

26 Mars 2007

Nouakchott — La Mauritanie finissait dimanche 25 mars le processus électoral mis en place depuis 20 mois par les militaires, un processus qui s'est conclu par l'élection de  Sidi Ould Cheïkh Abdallahi, le candidat du camp de l'ancienne majorité, qui a obtenu 52,85% des suffrages exprimés. Il affrontait Ahmed Ould Daddah, qu'il avait dévancé au  premier tour avec 24,79 % des voix contre 20,68 %.

C'était la première fois dans l'histoire du pays qu'une élection se joue au deuxième tour. Apprentissage de la démocratie oblige, plusieurs électeurs n'étaient pas sûrs qu'il fallait retourner aux urnes. Ils pensaient plutôt que le second tour d'une élection signifie qu'il faut simplement additionner les voix suivant le jeu des désistements et des ralliements. Et ce n'est pas de leur faute.

Au lendemain du premier tour organisé le 11 mars dernier, rien n'indiquait l'entre-deux tours d'une élection. Aucun meeting électoral, ni de sortie publique des candidats. Tout n'était que tractations de couloir et accords secrets entre les différents acteurs politiques.  Puis, la grande nouveauté : un face-à-face radiotélévisé a été organisé entre les deux prétendants.

La victoire d'Ould Abdallahi est le point culminant d'un processus inauguré après le putsch du 3 août 2005. Ce jour-là, le Directeur de la Sûreté Nationale, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, déposait le président Ould Taya, au pouvoir depuis vingt ans, alors que ce dernier était en voyage en Arabie Saoudite. Vall et la junte militaire avaient alors promis une période transitoire de deux ans, qui serait suivie d'élections libres et du départ des militaires à la fin du processus.

A l'époque, tous raillaient ces promesses et pariaient sur le maintien des militaires au pouvoir. En somme, on craignait un remake de nombre de cas de figure africains, un bégaiement de l'histoire mauritanienne, un cas comparable à celui du président Taya, arrivé lui-même à la faveur d'un coup d'état militaire en 1984. Et pourtant… La suite est là : la démocratie était au bout du fusil. "Il y a des coups d'état utiles", disait le président malien, Amadou Toumani Touré.

La transition des militaires

Sur la forme, il n'y a rien à redire. En vingt mois, l'équipe de transition a modifié les textes constitutionnels, multiplié les garanties pour la diversité d'expression, donné des statuts à l'opposition et permis la tenue des élections les plus transparentes de l'histoire du pays. Il n'est que justice de le reconnaître, n'en déplaise à la majorité des grands titres de la presse occidentale où une élection libre en Afrique intéresse moins qu'un bain de sang.

La junte au pouvoir a été créditée d'un scénario tout fait pour cette transition démocratique. Il est vrai que, loin d'être de simples téléspectateurs, les militaires se sont même mis dans la peau d'hommes politiques. En effet, au sein même du Conseil militaire, deux tendances se sont affrontées : une en faveur d'Ould Daddah avec, à l'opposé, celle favorable à Ould Abdallahi.

Dans le camp du premier, on pressentait déjà une victoire du camp opposé, comme en témoigne cette exclamation d'un proche du candidat: "Cette fois-ci, c'est sûr, on va prendre l'eau !", suite à la défection d'une partie de l'opposition qui a rejoint Ould Abdallahi. Et d'ajouter: "Ould Daddah va perdre, mais le plus important est que la démocratie est bien là.".

Reste à savoir quelle influence garderont les "parrains" du nouveau président sur la gestion du pays.

Jusqu'à présent, Vall évite de parler de son avenir personnel. Que fera-t-il dans cinq ans, après le mandat du nouveau Président ? "Vall sera notre Amadou Toumani Touré à nous. Il attendra cinq ans, reviendra pour participer à une élection libre", déclare un célèbre éditorialiste mauritanien. Une pensée qui semble partagée par le colonel lui-même: "J'ai beaucoup d'admiration pour Amadou Toumani Touré", a-t-il dit.

L'investiture du président Sidi Ould Cheïkh Abdallahi est prévue pour le  19 avril prochain.

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