Lagos — La ville de Lagos et ses millions d'habitants se sont terrés ce samedi en raison de l'organisation du scrutin devant élire les gouverneurs, leurs adjoints et les membres des assemblées locales. Lagos, le temps d'un vote, avait les allures d'une ville fantôme.
Les autorités fédérales avaient déjà multiplié les appels au calme, incitant les populations à rester chez elles et de ne se déplacer que pour aller voter. C'est parce qu'il y a comme un malaise et une grande incertitude qui plane sur l'issue du scrutin, et cela sur l'ensemble du pays.
Tout au long de la campagne électorale, des scènes de violence avec souvent mort d'homme ont émaillé de nombreux meetings, et ce sur l'ensemble du pays. Ce qui avait incité les autorités à limiter les déplacements et autres mouvements le jour du scrutin. Ainsi un décret présidentiel interdisait la circulation des biens et des personnes le jour du scrutin jusqu'à après 16 heures locales (15 H GMT), heure de clôture des opérations de vote. Et conformément à ces dispositions, des militaires ont été placés à tous les points stratégiques de la ville, tenue de guerre et armés jusqu'aux dents.
Une journée sans « go slow »
La ville de Lagos est réputée pour ses longs et interminables embouteillages ainsi que ses débordantes activités économiques notamment dans les différents marchés et autres grandes artères de la ville.
A Obalendé, sous le pont, là où les centaines de « Danfo», (bus jaunes servant de transport public) déversent chaque matin des milliers de personnes prenant d'assaut les bureaux et autres établissements bancaires et financiers de Lagos, pas une trace de vie.
Un calme de cimetière règne sur la place; seuls quelques chenapans se livrent à une partie de foot. Leurs cris de joie semblent perturber la quiétude de l'endroit d'habitude méconnaissable entre le tintamarre des vendeurs à la sauvette, le vrombissement des moteurs et les querelles quotidiennes des «areas boys » (enfants de la rue et autres voyous qui écument les gares).
Les échoppes de la place sont fermées, les boutiques ont baissé pavillon ; deux jeunes coiffeurs ont quand même le courage de braver l'interdiction d'activités.
A quelques encablures de là sur Awolo Road, une des artères les plus fréquentées de la ville, pas un seul véhicule, contrairement à l'image habituelle des longues queues de voitures empêtrées dans des embouteillages monstres. Des jeunes membres de la croix rouge nigériane circulent à pied, allant de bureau de vote en bureau de vote sans grand-chose à faire.
La grande avenue de Kings Way Road offre la même quiétude que celles des autres endroits, alors qu'un bureau de vote de fortune, installé sous le pont Falomo (Falomo Bridge) dérange par l'éclat des voix du peu d'électeurs présents sur les lieux.
Sur les autres artères de Victoria Island, le quartier des affaires de Lagos, l'étendue des nombreux immeubles et la visibilité de tous les coins et recoins sont le seul décor qui vaille. Les intenses tractations des jours ordinaires et les courses folles des « okada » (taxi-moto) ont cédé la place à un calme plat, perturbé seulement par le bruit des pas de quelques rares piétons pressés.
Lagos, l'une des plus grandes métropoles africaines, est vraiment vide en ce jour de scrutin.
« Check Points » militaires un peu partout
Les rares voitures qui circulent dans la ville et sa grande banlieue sont estampillées d'un macaron vert et blanc proposé par la commission nationale électorale indépendante (INEC). Les voitures de presse aussi sont autorisées ainsi que celles des observateurs et des superviseurs des partis. Sinon les patrouilles de l'armée et les « check points » placés tous les deux cent mètres et des deux côtés de la voie se chargeront d'organiser la fouille des véhicules et leur autorisation de circuler.
A la halte militaire située juste avant la montée du « Third Mainland Bridge » (le plus long pont d'Afrique) reliant l'île de Lagos (Lagos Island) et le continent (Mainland), les militaires trouvés sur place affichent une mine sévère. La kalachnikov bien serrée entre les mains, ils procèdent au contrôle de routine avant de lever les barrières qui bloquent la voie.
Quelques instants après le coup des 16 heures (15 GMT) et conformément au décret fédéral, les premières voitures ont commencé à circuler dans Lagos, sans apporter un grand changement au tableau qui s'est dessiné sur la grande métropole.
Lagos, en cette journée de scrutin est resté sans vie, sans perturbation, à la merci des fantômes qui sans nulle doute paradaient sur les grandes voies de la vie.
Le samedi prochain, lors des consultations présidentielles, le décor et l'atmosphère pourraient bien être pareils.