Lagos — Le général à la retraite Muhammadu Buhari est le seul des 24 candidats à la présidentielle nigériane de 2007 à avoir dirigé auparavant le pays sous une junte militaire de 1984 à 1985. Candidat civil du Parti de tous les Peuples du Nigeria (ANPP), il est l’objet d’une campagne publicitaire de presse et de dénonciation, rappelant la sévérité du régime militaire qu’il dirigeait avec une main ferme.
En période de campagne électorale au Nigeria, tous les moyens semblent bons pour dénigrer et dévaluer la candidature d’un prétendant sérieux à la course présidentielle. Et le Général Muhammadu Buhari, ancien chef militaire de la junte qui a dirigé le pays entre 1984 et 1985 est celui qui en pâtit le plus.
Depuis plusieurs semaines des associations locales, dites de défense des droits de l’homme et de la démocratie, mènent une campagne nationale de presse pour dénoncer sa candidature ; appelant les nigérians à lui pardonner ses errements du passés mais à ne pas les oublier. Ainsi, l’Initiative pour le Développement Démocratique Africain (ADDI) rappelle par des encarts publicitaires dans tous les quotidiens nationaux, avec des photos à l’appui, les nombreuses victimes et les plus célèbres du régime militaire dirigé par le Général Buhari en 1984.
Un régime militaire oppressif
C’est ainsi que cette campagne informe la plupart des Nigérians, notamment la jeune population électorale, que sous le règne du candidat actuel de l’ANPP, les passeports d’Obafemi Awolo et du Dr Nnamdi Azikiwe (tous deux des civils), deux figures emblématiques de la politique nationale, avaient été confisqués. La junte militaire les empêchant de sortir du pays sous peine d’arrestation et d’emprisonnement.
Durant cette même année de nombreux gouverneurs avaient été condamnés par des tribunaux militaires illégaux à des peines allant de 20 à 69 ans d’emprisonnement. C’est l’exemple du gouverneur Barkin Zuwo de l’état de Kano condamné à 69 ans de bagne, du gouverneur Bisi Onabanjo de Lagos (22 ans de condamnation) et du gouverneur Ambrose Alli de l’ancien état du Bendel (aujourd’hui constitué de 4 états, Edo, Ondo, Delta, Ekiti) forcé à passer 21 années en prison.
La campagne publicitaire de dénonciation de l’ADDI à travers tous les quotidiens nationaux rappellent également l’assignation en résidence surveillée durant six mois, de deux leaders religieux, l’Oba Okunade Sijuwade, le « Oni » d’Ife et Alhaji Ado Bayero, l’Emir de Kano après un séjour en Israël sans autorisation préalable de la junte militaire en 1985.
Dans une autre campagne du même genre, l’ONG, The Nigerian Salvation Project (TNSP) se pose une question au sujet de la présidentielle ainsi libellée « 2007 - ???, encore un autre général? ». La structure, qui semble militer contre l’arrivée au pouvoir d’un ancien militaire, apporte la réponse suivante à sa question « ça suffit » dans les trois langues les plus populaires du pays: « Babu » en haoussa, « Oti O » en yorouba et « mba » en ibo.
Dans un montage photo, très expressif du reste, elle cale l’image des 5 généraux de l’armée qui ont conduit les destinées du pays de 1984 à nos jours sur une botte militaire occupant toute la surface d’une carte géographique du Nigeria. Ainsi sont retracés les règnes des généraux Muhammadu Buhari (1984-85), Ibrahim Babangida (1985-93), Sani Abacha (1993-1998), Abdusalami Abubacar (1998-99) et Olesegun Obasanjo (1999-2007), même si ce dernier à été élu sous une bannière civile lors de son retour au pouvoir en 1999.
Le candidat de la discipline et de l’intégrité
Cette campagne de dénigrement et de dénonciation, loin d’abattre les partisans du Général Buhari, semble plutôt les motiver davantage. Ses nombreux supporters, notamment dans la partie nord du pays, expliquent ces condamnations et autres agissements par les exigences du régime militaire de l’époque, soumis aux désirs du commandement.
Ils contre-attaquent en mettant en avant les qualités morales et d’intégrité du candidat- Général, jamais impliqué dans une quelconque affaire de corruption ou d’enrichissement illicite contrairement à la plupart des généraux ayant dirigé le pays.
Pour Chief Georges Moghalu, ancien secrétaire général de l'ANPP qui a investi le Général Buhari, ce dernier reste l’homme de la situation, celui par qui le Nigeria atteindra les objectifs du développement, enrayera la pauvreté au prix d’un travail dur et collectif. Il renchérit en ces termes « Si notre politique est basée sur les valeurs morales et la discipline, alors nous choisirons Buhari pour nous diriger ».
L’ancien chef militaire, malgré les dérives de son régime à l’époque où il dirigeait le pays, est resté très populaire auprès des différentes couches de la société nigériane mais aussi au sein de l’armée où la plupart des ses classes d’armes sont à la retraite.
Lors des dernières élections, son parti s’est imposé dans 4 états du Nord lors de l’élection des gouverneurs de la semaine dernière. Des résultats qui augurent des espoirs les plus fous dans son camp, avec notamment l’autorisation tardive du vice président sortant Atiku Abubacar de se présenter.
Une candidature qui pourrait bien lui profiter en sachant que Atiku Abubacar est un ancien du parti au pouvoir, le Parti Démocratique du Peuple, dans le vivier électoral duquel il puisera forcement.